Du jamais vu dans l’histoire de KFC. Le restaurant du centre commercial des Cygnes à Genève a engrangé 1 million de dollars de recettes dans les 36 jours qui ont suivi son ouverture en décembre 2017. La marque américaine de poulet frit a également décidé de s’implanter à Schönbühl (BE), à Lausanne et à Mendrisio (TI), notamment en raison de la consommation croissante de volaille en Suisse.

KFC, qui avait déjà tenté sa chance dans les années 1980, puis en 2004, n’est pas le seul géant du fast-food à s’être installé en Suisse romande dernièrement: Burger King y a récemment ouvert dix restaurants. Autre marque américaine attirée par l’Helvétie, Dunkin’ Donuts. Depuis 2016, neuf cafés servant des beignets au glaçage coloré ont vu le jour dans les cantons de Saint-Gall, Bâle-Ville, Berne et Zurich. Mais qui implante ces enseignes tous azimuts?

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Les as de la franchise

L’ensemble de ces chaînes américaines fonctionnent sur le principe de la franchise. Et parmi les franchisés, il y a, en premier lieu, de grands groupes comme Autogrill. Le géant italien, qui emploie 1200 personnes en Suisse et plus de 60 000 dans le monde, a inauguré le Burger King de la gare de Genève en novembre dernier et celui de l’aire d’autoroute de Bavois (VD) en février. Le but, selon Guy Pernet, directeur des opérations d’Autogrill Suisse, est d’«apporter aux consommateurs une alternative à l’autre grande chaîne de restauration rapide en Suisse, McDonald’s». Ce dernier continue d’ailleurs de figurer en tête des grandes entreprises suisses de restauration, avec un chiffre d’affaires de 725 millions de francs en 2017 (+2,4%).

Des indépendants ou des PME ont également conclu des partenariats avec les multinationales américaines. PRS Restaurants a par exemple été spécialement créée par trois jeunes étudiants alémaniques pour ouvrir les premiers cafés Dunkin’ Donuts du pays. La société anonyme basée à Aathal-Seegräben (ZH) ne communique pas son chiffre d’affaires, mais elle a l’exclusivité de la marque sur le territoire et compte déjà plus de 80 collaborateurs.

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Guy Pernet, directeur des opérations chez Autogrill Suisse
© DR

De son côté, KFC travaille en Suisse avec quatre investisseurs privés différents. «Nous prenons en compte les investisseurs et PME qui sont en mesure, tant sur le plan financier qu’organisationnel, d’ouvrir et de diriger plusieurs restaurants en Suisse, explique Thorsk Westphal, Chief Marketing Officer de KFC Allemagne, Suisse, Australie, Danemark. Ces franchisés doivent déjà avoir de l’expérience dans la branche et des compétences économiques.» Le groupe américain aide ensuite ses franchisés à rechercher un lieu optimal, négocier des contrats, demander des autorisations administratives, etc. Outre les trois établissements déjà existants en Suisse, sept autres ouvriront avant fin 2019, notamment à Lausanne, à Genève et en Valais.

Le snack en hausse

Il est difficile d’obtenir les montants versés par les franchisés aux franchiseurs. L’installation des locaux, loués ou achetés, demeure néanmoins à la charge des franchisés. «Nous aménageons pour plusieurs centaines de milliers de francs les locaux de nos restaurants Burger King», explique Guy Pernet. Quant aux recettes, elles sont souvent suivies à la lettre. «Le produit doit être le même de Saint-Gall à Genève.» Le prix peut être un peu discuté, mais les écarts doivent rester limités. «Le but de ce genre de système est que le consommateur n’ait pas de mauvaise surprise que ce soit concernant l’hygiène, le goût ou la fourchette de prix.» Ces chaînes de restauration rapide se développent en suivant l’évolution du mode de vie des Suisses. Les pauses de midi des travailleurs sont en effet toujours plus courtes. Environ 30% des 15-29 ans optent pour la restauration rapide durant la pause. Dans ce créneau, les chaînes de fast-food rivalisent ainsi avec les food trucks, les boulangeries ou les grands détaillants – Coop, Migros et Manor – qui proposent toujours plus d’en-cas. Les snacks chauds et froids représentent ainsi près de 10% de la consommation hors foyer en 2017 selon GastroSuisse.

La mobilité des Suisses peut aussi expliquer l’intérêt des grandes marques pour le pays. Les aéroports de Suisse ont vu le nombre de passagers locaux et en transfert augmenter de 6% en 2017. Quant aux grandes gares, l’augmentation du nombre d’usagers entre 2014 et 2016 s’étend, selon les villes, de 1,15 à 5,75%.

Se placer sur les lieux de passage se révèle alors très important. Obtenir ces emplacements très demandés est tout à fait possible pour une PME. Les exemples du Prêt-à-manger du confiseur Gilles Desplanches, présent à la gare de Cornavin et prochainement à celle de Lausanne, ou du vendeur de thés Tekoe le prouvent. Il convient de répondre à des marchés publics, dont la durée varie, explique Guy Pernet d’Autogrill Suisse: «Nous signons des contrats d’environ 5 à 7 ans dans les aéroports et de 5 ans dans les gares. Sur les autoroutes, comme ce sont le plus souvent des droits de superficie, nous exploitons les lieux 30 ou 40 ans environ.» Les centres commerciaux sont aussi des endroits stratégiques, comme l’a bien compris PRS Restaurants, qui y a implanté la plupart de ses cafés à donuts.

Je n'ai rien contre les méthodes industrielles, mais j'ai choisi une autre voie.

Adrien Rigaud, directeur de Zoo Burger

Même si elles ne peuvent afficher les mêmes prix que les chaînes américaines, les enseignes à burgers de Suisse romande ne s’inquiètent pas vraiment de cette concurrence. Celles comptant plusieurs restaurants comme Inglewood, Zoo Burger, Mö, Holy Cow! ou The Hamburger Foundation tablent sur la qualité, des produits locaux et proposent même parfois un service en salle. Après une baisse constante ces dernières années, la restauration avec service se rapproche d’ailleurs de son niveau de 2012 (16,4% de la consommation hors foyer en 2017 contre 16,9%).

Deux modèles qui s’affrontent

Le directeur de Zoo Burger à Lausanne, Adrien Rigaud, estime qu’il y a de la place pour tout le monde. «Plus on parle des burgers, plus je suis content. Je n’ai rien contre les méthodes industrielles, mais j’ai choisi une autre voie.» La société a démarré avec une première adresse à Lausanne en 2010, puis a lancé un deuxième restaurant et un laboratoire de fabrication début 2016, toujours dans la capitale vaudoise. «Nous faisons tout nous-mêmes: les desserts, les sauces, les pains, etc. La qualité gustative, la traçabilité des produits et aussi un management social du personnel font partie de nos valeurs.» L’entreprise de 35 collaborateurs ne mise pas sur la publicité, mais plutôt sur le bouche-à-oreille. «Nos produits parlent pour nous.» L’aventure du pâtissier de formation semble fonctionner puisque son entreprise réalise désormais un chiffre d’affaires de 2,25 millions (+19% entre 2016 et 2017).

Deux arrivées pressenties de chaînes de burgers américaines, plus branchées, pourraient néanmoins changer la donne: In-N-Out Burger à Zurich ou Five Guys à Genève. Ce dernier fast-food a bâti sa renommée mondiale comme étant le préféré de… Barack Obama.
 

BG
Blandine Guignier