L’entreprise E-Gestion travaille avec un community manager qui alimente son blog depuis un an et marque une présence sur les réseaux sociaux. Pour Laurent Claude, CEO de la PME active sur Lausanne, Neuchâtel et Fribourg, la question n’est pas tant celle du retour sur investissement. «Nous devons toucher les clients de demain si nous voulons continuer d’offrir des services. Etre dynamique sur le web, en offrant régulièrement du contenu sérieux, permet de nous démarquer, estime le dirigeant de la société d’une trentaine de collaborateurs. Sobre, leur site internet propose des interviews de clients, des réflexions ou revues de presse dans leurs domaines de prédilection, cela en plus des informations purement liées avec leur société.

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«Les jours suivant une publication, le trafic sur le site est multiplié par dix», observe Cédric Fischer, fondateur de Douglas&Douglas, structure en charge du contenu digital pour E-Gestion et d’autres sociétés en Suisse romande. La stratégie pour générer des visites sur le site et donner de la visibilité à un événement ou à un produit est de se positionner comme acteur de référence. «On invite en quelque sorte à la table des spécialistes d’un secteur et on offre cette discussion à nos clients actuels ou potentiels, poursuit Cédric Fischer. L’idée est de faire de l’entreprise un agrégateur de contenu, ce qui renforce sa crédibilité et sa réputation.»

Se positionner dans un secteur

L’intérêt premier d’avoir un content manager est même plus basique. A la construction d’un site, les dirigeants de PME débordent de bonnes intentions pour faire vivre leur vitrine web. Mais les mois passent et rien n’est publié, les agendas ne sont plus à jour et la présence de l’entreprise sur les réseaux sociaux fantomatique. «Déléguer cette compétence à une personne qui s’occupe de ce contenu quelques jours par mois est de l’ordre de 10 000 à 15 000 francs par an, en ce qui nous concerne, relève le patron d’E-Gestion. Les retours en termes de business sont difficilement calculables, mais nos clients sont contents d’être mis en avant sur nos pages et cela nous permet de disposer d’une vraie plateforme de promotion. Le blog est relayé sur le LinkedIn de l’entreprise et sur mon propre LinkedIn. J’ai plus de 1000 vues sur certains posts.» Cette démarche de création d’une communauté web n’empêche pas une approche marketing traditionnelle par courrier, sur des foires ou dans les médias spécialisés. Au contraire, elles se complètent.

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David Labouré, cofondateur de Debout sur la table
© R.Dupertuis

David Labouré, cofondateur de la société Debout sur la table et directeur au Sawi des formations de spécialistes en médias sociaux et stratégie digitale, en profite pour préciser la terminologie, tant il y a mélange des genres. «Vous avez le social media manager qui sera dans la stratégie, l’analyse des performances des contenus digitaux et la gestion des budgets. En dessous, le community manager crée le contenu, modère et maintient une présence de l’entreprise sur les réseaux sociaux, brosse-t-il rapidement. Dans les faits, pour une petite structure, c’est souvent la même personne qui s’occupe du tout et cela tant pour les réseaux sociaux que pour le site internet.» L’idéal est de former un employé en interne et de le faire épauler par un spécialiste extérieur qui analysera les actions menées et proposera de nouvelles idées et des contenus.

Mesurer les retours

L’expert met également un bémol quant aux résultats escomptés: «Il faut prendre de la hauteur face à ses attentes et surtout voir quels sont les objectifs de l’entreprise par rapport au digital, note le Vaudois. Arrêtons de penser que les médias sociaux vont être le saint graal ou, à l’inverse, de tout abandonner si on n’a pas doublé son trafic après six mois. C’est un travail sur le moyen à long terme, sauf pour les campagnes publicitaires payantes. Et pour que ça marche, il faut donner du contenu de qualité.»

Chez Depsys, start-up à succès dans l’énergie, on est en pleine réflexion sur sa communication web. «Le but final de toute démarche marketing, que celle-ci soit traditionnelle ou digitale, est d’augmenter le chiffre d’affaires, commence Marc Schreiber, directeur marketing de la structure de 15 collaborateurs à Puidoux. Mais avant cela, pour des secteurs très concurrentiels comme le nôtre et lorsqu’on n’est pas un grand nom, il faut maintenir une présence forte, grâce à un community manager par exemple. Sinon, on finit par disparaître, tout simplement. Les chiffres que nous regardons aujourd’hui et souhaitons voir croître, ce sont ceux de notre communauté de suiveurs, pour ensuite analyser quelle est son activité. Avoir des fans, c’est positif, mais s’ils partagent nos contenus, c’est encore mieux.»

Pas le buzz, mais du contenu

En effet, pour rappel, on peut tout traquer sur la Toile. Le taux de conversion, le «bounce rate» ou encore les minutes passées sur chaque page sont des indicateurs prisés. Pour suivre la demande croissante, de plus en plus de sociétés en communication web chiffrent le ROI, traçant la fréquentation et les habitudes des utilisateurs de votre site, de vos réseaux ou de votre secteur d’activité. Ces mesures sont importantes pour mettre en place des «adwords» ou campagnes publicitaires digitales payantes et mieux ciblées.

Mais attention, cette traque est chronophage, demande des ressources humaines avec des compétences pointues pour miser sur les bons mots-clés, dans la bonne zone géographique… Toutes les PME n’ont pas besoin d’aller jusqu’à ce niveau de présence. «Pour beaucoup, il faut avoir un site qui vit et qui maintient un contact avec vos clients, que ce soit par de l’information pratique sur vos produits ou du développement de contenus sur votre branche. Avec cela, utilisez en appui les réseaux sociaux», résume Cédric Fischer. Trop souvent encore, les spécialistes des médias sociaux sont approchés avec des demandes pour faire le buzz, un travers mentionné tant par l’agence Douglas&Douglas que par Debout sur la table. «Publier pour faire rire, pour faire comme le concurrent ou parce que c’est la Journée de la femme n’est pas la bonne stratégie, recadre David Labouré. Il faut mettre du vrai, être utile et raconter des histoires, avec des photos de vos voitures si c’est votre domaine, de vos vendeurs ou de vos clients par exemple, sans nécessairement utiliser les banques d’images impersonnelles.»

Avec 50 francs, on peut déjà faire une micro-campagne intéressante sur Facebook.

Dès lors, qu’est-ce qu’un bon post? Sur les réseaux sociaux, préférez des textes courts, avec des images, de la vidéo, des liens qui fonctionnent avec de bons tags. Prévoir aussi un minimum de budget pour pousser certains contenus. «Une bonne publication doit répondre à un objectif, remarque l’expert du Sawi. Avec 50 francs, on peut déjà faire une micro-campagne intéressante sur Facebook et cibler par exemple les personnes sur le point de se marier. Le but visé est de faire envie rapidement pour que le public s’engage, partage la publication ou consulte votre site.» Pour cela, n’oubliez pas le fameux «Call-to-Action», il guide et permet de convertir le client.

Collaborateurs ambassadeurs

Ensuite, choisissez le bon community manager, en phase avec votre activité, qui sait écrire pour votre communauté, connaît le tissu économique où votre société est implantée et les sujets à éviter. «L’expérience est un atout. Je suis effaré du nombre de posts de PME où on ne comprend même pas ce que fait l’entreprise, souligne Cédric Fischer. Ecrire que vous travaillez avec sérieux et que vous êtes là de père en fils, ça sonne creux. On veut comprendre votre métier, les spécificités de vos produits et trouver le bouton contact rapidement.»

Avant d’engager un responsable de votre communication digitale, les professionnels insistent sur le rôle d’ambassadeur de chaque employé. Ils encouragent les salariés à partager les publications de la société sur leur propre réseau, tout en gardant en tête la réputation de leur employeur. «Dans le futur, tous les employés seront un peu des community managers, estime David Labouré. Ça doit devenir une habitude comme de lire ses e-mails; mais il faut un chef d’orchestre.»

TB
Tiphaine Bühler