Alors qu’en ce début d’année 2018, les marchés boursiers vivent des soubresauts importants après une période 2017 assez faste, il est légitime de se poser des questions sur les vecteurs d’investissement qui risquent d’être à la mode ces prochains mois. Avec l’avènement des cryptomonnaies et une volatilité accrue sur les bourses, nous avons analysé plusieurs secteurs potentiels, certains risqués et d’autres, plus «rassurants». De quoi donner des idées à tous les profils d’investisseurs.

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1. Les actions suisses

Pierre-Yves Brack, responsable de la recherche sur les marchés actions chez Edmond de Rothschild (Suisse) est clair: «Les dividendes accumulés sont au cœur de la performance des actions en général, et particulièrement des actions suisses.» Au cours des cinq dernières années, ils ont assuré 35% de la performance totale accumulée. La gestion du calendrier et l’optimisation fiscale de ce contributeur de premier plan sont donc capitales. «Autant dire qu’il est de première importance de prendre en compte ce contributeur primordial à la performance globale, mais aussi de prendre pleinement en compte le calendrier, la «volatilité» qu’il peut induire, et, last but not least, le traitement fiscal desdits dividendes. Et de ce point de vue, le distinguo n’est pas anodin.»

Selon cet expert, la saisonnalité est évidente. Pour les titres incorporés au sein du SMI (20 larges capitalisations) et du SMIM (30 capitalisations dites moyennes), 90% des dividendes sont payés au cours du premier semestre. La concentration est plus forte encore sur les seuls mois de mars, avril et mai, qui rassemblent 82% des versements. «Inutile de dire que ce calendrier influence, de facto, significativement les performances boursières. En effet, nombre d’investisseurs ajustent leur positionnement en amont et en aval des dates de détachement des dividendes, voire déploient des stratégies optionnelles autour de ces fluctuations saisonnières.»

Ses confrères avancent quelques pistes. «Roche a connu une année 2017 décevante, mais le groupe bâlois devrait faire mieux en 2018», estime François Savary dans Le Temps. Pour le responsable des investissements de Prime Partners, «dans un contexte de rallye vieillissant des bourses, il n’est pas déraisonnable de considérer les titres à dividende dans un portefeuille». Novartis est ensuite recommandée par Jérôme Schupp, analyste indépendant, en raison d’«une nette accélération de la croissance des bénéfices». Le groupe pourra «compter sur le dynamisme de sa division pharmaceutique», tandis que «la division Sandoz, numéro un mondial des biogénériques, plus rentables et en forte croissance, restera en embuscade». Clariant est de son côté mise en avant par Laurent Bakhtiari, conseiller en investissement chez Indosuez Wealth Management. «L’action a gagné plus de 30% en 2017, malgré les tensions avec son actionnaire activiste White Tale et l’échec de la fusion avec Huntsman, et devrait encore progresser en 2018. Le secteur de la chimie «continue d’être porteur et une consolidation commence à prendre forme. A ce jeu, Clariant peut être à la fois une proie et un acheteur».

Les nouveaux fonds immobiliers sont exonérés d'impôts.

Markus Fuchs, directeur de la Sfama

2. Les actions européennes

Geoffroy Goenen, chef du secteur Fundamental European Equities à Candriam, donne les avantages d’une vision à long terme en Europe ainsi que les conseils d’investissement qui y sont liés. «Dans un contexte macroéconomique avec une croissance mondiale modérée, des taux d’intérêt durablement bas et une valorisation attractive des actions européennes, la meilleure stratégie pour capter la croissance et la rentabilité, à moyen comme à long terme, est d’investir dans des sociétés européennes innovantes. Le clivage value-growth paraît dépassé: seuls les gagnants de demain sont les véritables investissements attractifs.» Avant de préciser: «Après plusieurs années de hausse généralisée et quasi continue des marchés, l’investisseur n’a plus le choix: il doit et devra être sélectif. L’inaction et la passivité coûteront très cher aux investisseurs, comme aux entreprises.»

Dans cette économie «darwiniste», où seuls les plus forts, les plus flexibles et surtout les mieux adaptés survivront, l’innovation est le meilleur indicateur de cette capacité des entreprises à s’adapter. En revanche, il faut garder en tête certains fondamentaux avant de se lancer. «En Europe, comme dans le reste du monde, le vieillissement de la population est clairement engagé et va, à défaut d’un changement – improbable – de la politique d’immigration des Etats membres de la zone, peser sur la croissance. Les sociétés à faible création de valeur et très dépendantes de la croissance exogène devraient en revanche être durablement à la peine.» Voici donc ses recommandations. Plusieurs secteurs sont particulièrement exposés aux innovations comme celui de l’agroalimentaire, en pleine mutation. Des sociétés comme Kerry ou Chris Hansen se sont spécialisées en la matière, avec succès. Dans un autre registre, le secteur automobile est aussi à suivre, car il tend rapidement vers des véhicules plus propres et plus intelligents, selon l’analyste.

 
3. Les fonds immobiliers

Selon Immofund, l'immobilier suisse conserve toujours sa bonne étoile parmi les investisseurs, que ce soit en tant qu'investissement direct ou en tant qu'investissement dans des valeurs mobilières. Le développement des marchés financiers, d'une part, et le rendement de l'immobilier sous-jacent, d'autre part, ont contribué à l'attractivité des investissements immobiliers. En plus des incitations financières pour les rendements, le prix de l'immobilier stable ou même en hausse et les taux d'inoccupation très bas sont ajoutés. «Le marché immobilier suisse (en particulier les fonds immobiliers) est considéré par les investisseurs comme une alternative au marché obligataire. À la suite de la crise économique, les rendements obligataires (à court et à long terme) ont été faibles et inférieurs aux rendements de l'immobilier. Cela rend les fonds immobiliers encore plus attractifs pour les investisseurs, d'autant plus que tous les nouveaux fonds immobiliers sont exonérés d'impôt.»

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Nicolas Roth, chef du secteur Alternative Assets à la Banque Reyl
© DR

Les investisseurs suisses ont donc découvert avec les fonds immobiliers un instrument de diversification efficace et un véhicule de placement attrayant. «Rien d’étonnant à cela compte tenu des multiples avantages qu’ils offrent: forte stabilité, performance solide, faible corrélation avec les autres classes d’actifs et niveau de risque réduit. Ainsi, les fonds immobiliers ne peuvent être endettés qu’à hauteur d’un tiers de leur actif et représentent un investissement peu risqué. Ils sont donc parfaitement adaptés pour les investisseurs disposant d’un horizon de placement d’au moins cinq ans», précise Markus Fuchs, directeur de la SFAMA (Swiss Funds & Asset Management Association). 

Pour information, les investisseurs privés suisses disposent dans notre pays de trois possibilités d’investissement en actifs immobiliers: fonds immobiliers, sociétés immobilières cotées en Bourse ou placements directs. «Il faut savoir que pour un investisseur privé, investir directement dans l’immobilier présente un niveau de risque plus élevé, c’est-à-dire mise de fonds plus importante d’une part, et impossibilité d’entrer dans de grands portefeuilles diversifiés, de l’autre. Quant aux sociétés anonymes immobilières, elles affichent un profil risque/rendement relativement élevé du fait d’un degré de financement par des fonds étrangers supérieur à la moyenne, pouvant dépasser 50%, et d’une focalisation de leur politique d’investissement sur le secteur de l’immobilier commercial. Elles sont également exposées aux risques liés aux marchés d’actions et réagissent de manière plus volatile que les fonds aux fluctuations boursières», ajoute le spécialiste.

Pour les investisseurs intéressés, tous les fonds immobiliers cotés en Bourse sont recensés sur le site internet de SIX. Par ailleurs, les fonds immobiliers non cotés figurent sur le site internet de Swiss Fund Data.

4. Les cryptomonnaies

C’est le placement à la mode qui fait jaser ou qui fait envie en 2018. Les cryptomonnaies sont devenues accessibles à tous, ou presque. «Les bitcoin, ripple et autre ethereum ont en effet affiché des performances exceptionnelles de 1400%, 36 000% et 9100% respectivement durant l’année 2017. Face à ces chiffres vertigineux, la peur de «manquer une occasion» a fait grimper la demande, le nombre d’ouvertures de comptes et les volumes de transaction. Des investisseurs professionnels aux étudiants, pas un jour n’est passé sans que des informations ne soient diffusées à ce sujet et que tout le monde ne souhaite participer à cette effervescence», explique Nicolas Roth, chef du secteur Alternative Assets à la Banque Reyl.

Investir de façon passive, c'est en fait un choix actif!

Koen Van de Maele, responsable des investissements chez Candriam

«Cela étant, le terrain des cryptomonnaies est relativement miné et les investisseurs ne doivent s’y aventurer qu’avec prudence. Quels types d’inconvénients et de problèmes les investisseurs sont-ils susceptibles de rencontrer? Le premier obstacle, pour quiconque décide de s’exposer aux cryptomonnaies, est lié au choix de l’instrument. De même qu’avec l’or, les investisseurs peuvent s’exposer à la version physique ou papier. L’exposition papier sera réalisée au travers de l’achat d’un fonds coté (ETF) ou d’un fonds permettant de s’exposer au cours des cryptomonnaies.»

Dans la mesure où la confidentialité, la protection et la décentralisation figurent parmi les notions sur lesquelles repose l’existence même des monnaies virtuelles, il peut sembler contradictoire d’acheter un ETF et de le confier à un dépositaire. «En ce début d’année 2018, trouver le bon instrument financier pour s’exposer à cet univers n’est pas si simple, dans la mesure où seule une poignée de produits est disponible, contrairement à d’autres classes d’actifs plus traditionnelles», considère notre expert. «Néanmoins, les plateformes proposent soit des virements d’argent simples à l’aide d’une carte de crédit ou d’un compte bancaire sur le compte de la plateforme, afin d’acheter les quatre principales cryptomonnaies : bitcoin, ethereum, litecoin, bitcoin cash. Toute personne souhaitant échanger d’autres cryptomonnaies comme le iota, ripple, augur ou factom doit ouvrir un compte sur une plateforme qui ne peut être approvisionnée qu’en cryptomonnaies, ajoutant une certaine complexité dans le processus», prévient Nicolas Roth.

«Beaucoup d’éléments autour des cryptomonnaies ne sont pas encore très clairs, mais ce qui est certain c'est que la blockchain pourrait secouer un certain nombre de secteurs, dont celui des services financiers. Malgré les risques et la volatilité, les cryptomonnaies sont le reflet des mouvements tectoniques qui modifient la façon dont les affaires sont menées. Il faut s’attendre dans le futur à quelques petits séismes…»

5. La gestion passive

La gestion passive est en train de gagner en popularité. Les actifs gérés dans des fonds passifs, y compris les ETF, enregistrent une croissance substantielle, tandis que les fonds gérés de façon active, surtout ceux qui investissent sur les marchés des actions, perdent des actifs. Il n’est cependant pas certain que les conséquences d’une gestion passive soient pleinement comprises. «La gestion passive se définit comme une technique de gestion de portefeuille, dans laquelle un certain indice est reproduit. Souvent, l’indice reprend des titres appartenant à un segment des marchés financiers et il pondère ces titres sur la base de leur capitalisation boursière. Mais l’utilisation de ces méthodologies de construction de portefeuille peut porter à conséquence», détaille Koen Van de Maele, responsable des investissements chez Candriam.

«Ainsi, par construction, les indices basés sur la capitalisation boursière vont surpondérer les actions chères et sous-pondérer les actions bon marché. Il en va de même pour les secteurs et régions onéreux.» Mais de nombreux investisseurs sont réticents à l’idée d’investir aveuglément dans toute société sans le moindre examen de son modèle d’affaires et des aspects éthiques. «En réalité, l’investissement passif est un choix délibéré d’appliquer une méthodologie de construction de portefeuille basée sur la capitalisation boursière. Par conséquent, tout investisseur dans des fonds passifs standards doit être conscient de tous les risques inhérents à l’application de cette méthode. Ainsi, le choix d’investir de façon passive doit être considéré en substance comme un choix actif!», avance Koen Van de Maele.


Et les obligations vertes?

Le point de vue de Christopher Wigley, Senior Portfolio Manager, Mirova

Le marché des obligations n’est pas à oublier par les investisseurs privés, notamment certains segments de celui-ci. Par exemple, en 2017, les émissions d’obligations vertes se sont montrées solides. Le montant total d’obligations vertes émises en 2017 a ainsi atteint 155 milliards de dollars. En comparaison, les émissions dépassaient tout juste 87 milliards de dollars en 2016. Les titres émis l’année passée ont été libellés dans différentes monnaies; en euro et en dollar, mais également en livre sterling et en dollar australien et canadien.

«Soutenir la transition énergétique vers un monde à faible teneur en carbone est devenu une priorité pour les gouvernements et les entreprises du monde entier. D’après les estimations de l'Agence internationale de l'énergie, il serait nécessaire d’investir à travers le monde 3500 milliards de dollars par an en moyenne en faveur des technologies vertes et de l’efficacité énergétique jusqu’en 2050, pour escompter vivre dans un monde bas carbone. Les obligations vertes sont l’une des nouvelles solutions d’investissement permettant de financer une transformation radicale du mix énergétique», analyse Christopher Wigley.

«Par ailleurs, de plus en plus d’investisseurs veulent savoir dans quelle mesure les investissements au sein de leurs portefeuilles contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique. Il est urgent de s’orienter vers des sources d’énergie à faible teneur en carbone.» Dans la lutte contre le changement climatique, le marché mondial des obligations, qui représente 100 000 milliards de dollars, peut faire la différence. C’est à ce moment-là que les obligations vertes entrent en jeu.

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Edouard Bolleter