Une doctrine économique oubliée a refait surface récemment dans le débat public. Cette théorie monétaire considère que le crédit aux ménages et aux entreprises doit être strictement rationné et supervisé par la banque centrale. Cette pensée financière régressive et puritaine semble ignorer pourtant les leçons de l’histoire économique et elle méconnaît la sévérité de l’encadrement du crédit bancaire.

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S’agissant de l’histoire économique, il faut relever que les périodes de prospérité et de développement ont été consubstantielles à une présence et à une activité financière privée. Les marchands ou les fabricants de tout temps ont eu grand besoin d’une troisième catégorie d’entrepreneurs: les banquiers. Ces entrepreneurs financiers, avant d’émettre tout crédit au sens de la monnaie scripturale, ont dû mobiliser et exposer leurs propres fonds.

Ces capital-risqueurs, merchant bankers londoniens, banquiers florentins, vénitiens ou ces changeurs anversois furent des acteurs indispensables au développement des échanges. Plus récemment, en Suisse, des banques cantonales et régionales ont été créées pour suppléer à la faible propension de la société à faire crédit. De même, le Conseil fédéral a dû fonder les deux instituts de lettres de gage en 1930 et 1931, pour aider les banques à financer le logement et le bâtiment industriel, agricole ou commercial.

La croissance économique est ainsi très dépendante de la présence d’un tissu bancaire privé dense et concurrentiel. La «bancodiversité» assure la compétition entre instituts, apportant une déconcentration du pouvoir de décision de financement et un prix du crédit non cartellisé et donc moins cher.

Le crédit bancaire privé a beaucoup apporté à l’humanité.

Pour certains macroéconomistes éloignés du terrain, le crédit est une planche à billets disponible dans chaque banque. Rien n’est plus inexact. Avant de faire crédit, la banque doit réunir de nombreuses conditions: disposer de fonds propres, autrement dit convaincre ses actionnaires d’investir du capital-risque; collecter des liquidités, autrement dit être suffisamment crédible pour lever du dépôt auprès des individus ou des entreprises, voire encore les institutionnels ou les banques; rassembler des compétences pour concevoir le financement, son amplitude, sa durée, son prix et bien d’autres paramètres, en particulier sa probabilité de défaut; aligner une force de vente capable de rivaliser avec les banques concurrentes et obtenir l’autorisation d’exercer, ce qui revient à répondre à de hautes servitudes.

Un crédit est octroyé dans un cadre normatif très contraignant incluant des règles qui, par exemple dans le cas du prêt hypothécaire, sous-entendent la présence d’importants fonds propres personnels et une capacité d’amortissement minimale de la dette. Les règles sont encore plus exigeantes pour les PME, qui s’en plaignent parfois.

Le crédit bancaire privé a beaucoup apporté à l’humanité. Les crises financières ne lui sont pas directement attribuables. Ni l’emprunteur ni le créancier n’ont un quelconque intérêt à laisser se développer un surendettement. S’il devait néanmoins se réaliser, ses conséquences financières collectives seraient amorties par le couple débiteur-créancier, sans intervention du pouvoir public ou du contribuable. «Ce qui est bon à prendre est bon à rendre» – cité dans les Curiosités françaises, dictionnaire des proverbes d’Antoine Oudin, édité en 1640.
 

 

BB
Blaise Goetschin, CEO de la BCGE