Ne lire que l’information obtenue gratuitement sur les réseaux sociaux et individualisée à l’aide de filtres, à l’instar de ce que l’on appelle notamment «le Spotify des médias», pourrait bientôt être notre seule manière de nous informer. De même, investir uniquement au travers des produits de placement passifs, c’est-à-dire pondérés selon la capitalisation boursière, tend à devenir la norme dans de nombreux établissements financiers. Mais quel rapport, me direz-vous, entre ces deux tendances qu’a priori tout sépare?

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Ces deux phénomènes d’uniformisation transforment pourtant profondément leur secteur traditionnel respectif, que ce soient des maisons de presse et d’édition établies ou des gestionnaires de fortune actifs classiques.

D’un côté, sur les réseaux sociaux, nous créons nous-mêmes notre actualité. Nous sommes à la fois consommateurs, sujets d’information et rédacteurs. Le rôle du journaliste devient peu à peu obsolète dans cette configuration. Les réseaux sociaux développent des capacités toujours plus subtiles pour nous observer et, grâce à des algorithmes sophistiqués, nous fournir des informations qui nous confortent dans notre opinion.

Ces derniers temps, nous entendons beaucoup parler du «Spotify des médias», une solution de filtrage de l’information déjà pratiquée à l’étranger et qui vient de voir le jour en Suisse sous l’appellation «Timoty». Contrairement aux médias traditionnels et grâce à – ou plutôt à cause de – ces filtres, nous nous protégeons de tout point de vue divergent et dérangeant. L’algorithme nous incite inconsciemment à agir conformément à notre groupe, le mainstream ou courant de pensée dominant. Il n’y a alors qu’un tout petit pas vers la manipulation.

La réflexion  est un gage de succès et de réussite à long terme.

De l’autre côté, la conviction que les produits de placement passifs remplaceront tous les produits gérés activement semble bénéficier d’un consensus encore plus vaste. En effet, marquées par une période haussière stimulée par la politique de taux d’intérêt, ces dernières années auraient démontré que les solutions indexées étaient tout aussi appropriées et, surtout, plus avantageuses que les solutions de placement actives. Des algorithmes nous invitent uniquement à investir de manière pro-cyclique, à l’instar de la bulle de filtre de l’information. Cette approche contre-intuitive est particulièrement néfaste pour l’investisseur et a révélé – à raison – l’absurdité des produits encore trop nombreux qui fournissent aux particuliers des placements indiciels à des prix excessifs.

Pourtant, il est possible, voire simple, de ne pas se laisser prendre par ces deux phénomènes malsains. Nous devons prendre le temps de nous informer et continuer à payer nos abonnements aux médias traditionnels, contribuant ainsi à soutenir la presse, en grande difficulté ces derniers mois. Nous pourrons alors obtenir des informations diverses, nous faire notre propre opinion et sortir ainsi de notre zone de confort pour nous forger un avis éclairé. Quant aux investissements, seuls des placements qui s’appuient sur des analyses approfondies et complexes grâce à des solutions de gestion active offrent une réelle plus-value. La recherche d’informations et la réflexion, dans les secteurs des médias et financier, sont un gage de succès et permettront une réussite à long terme pour une économie libre et tournée vers l’avenir.

* Fin mai 2018, Vontobel a annoncé la reprise de Notenstein La Roche, effective le 1er octobre 2018. Dans ce contexte, Christoph Gloor est également responsable Suisse romande et Moyen-Orient chez Vontobel Wealth Management.
 

 

CR
Christoph Gloor, responsable adjoint de Vontobel Wealth Management et membre du Comité exécutif de Notenstein La Roche*