Depuis dix ans déjà, vous constatez la dégradation continue du statut des cadres. C’est-à-dire?

Le problème aujourd’hui, c’est qu’il y a beaucoup de cadres qui n’encadrent pas. D’autres, au contraire, ne sont pas reconnus comme tels, mais assument des fonctions d’encadrement. C’est-à-dire qu’ils ont le cahier des charges d’un cadre, sans le salaire et les avantages qui accompagnent ce statut, qui souffre d’un manque de définition.

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Un nombre croissant d’entreprises repense les statuts hiérarchiques. Le signe d’une amélioration?

Je constate plutôt le développement d’une violence managériale. Les cadres se sacrifient sur l’autel de la rentabilité. Aujourd’hui, leur cahier des charges consiste à mettre une pression irréaliste sur leur équipe pour réduire les coûts. Ce sont eux qui vont mettre en œuvre cette violence sociale. Eux aussi qui doivent licencier. Les cadres font le sale boulot alors qu’ils se rêvaient en capitaines d’équipe, motivés et motivants.

La réduction des lignes managériales au sein des entreprises et la mise en place d’une organisation plus horizontale ne permettent-elles pas de redorer le statut de cadre, de lui redonner du sens?

Passer de la verticale à l’horizontale ne change rien à l’affaire, car l’enjeu est plus global. Tant que les hommes s’organiseront en fonction des besoins de l’économie, la situation sera de pire en pire. Pour entrevoir une amélioration, il faut revoir notre modèle économique dans lequel nous fonctionnons. Dans l’état actuel des choses, les hommes travaillent pour l’économie. Et celle-ci décourage les cadres. Les chefs d’entreprise se retrouvent face à des cadres qui acceptent le boulot à contre- cœur. Comment voulez-vous gagner de nouveaux marchés dans ce contexte- là? Je plaide donc pour que l’économie s’organise en fonction des besoins de l’homme. Il faut mettre en place des projets collectifs qui servent l’intérêt de la collectivité. On parle de rentabilité et de productivité sans se poser la question de savoir si tout cela améliore le sort des hommes. Les cadres sont d’excellents témoins de cette violence faite par l’économie.

Mehdi-Atmani
Mehdi Atmani