Le 9 avril dernier, Volg inaugurait un nouveau magasin à Bonfol (JU), moins de 1000 habitants. Fin juin, ce sera au tour de Nendaz (VS). La Suisse romande compte déjà une quarantaine d’enseignes Volg, mais elles restent invisibles aux yeux de la plupart des consommateurs urbains, car le distributeur ne s’installe que dans des villages, laissant aux grandes chaînes orange et aux discounters la bataille des villes et de leurs banlieues.

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Un modèle d’affaires qui, a priori, paraît osé mais s’avère manifestement rentable: dans les petites localités, il y a un besoin mais pas de concurrence. Pour tout dire, Volg repeuple avec ses points de vente des communes désertées par leur école, leur église, la poste, le bistrot et l’épicerie. «Nous visons des localités d’une taille moyenne de 1200 habitants», explique Jakob Martin, chef pour la région Suisse romande, venu de chez Manor, alors que nous le rencontrons à l’enseigne Volg d’Echandens, près de Lausanne, un village de quelque 2800 habitants. Et de citer un peu plus à l’ouest Lonay (2600 habitants) et Bursins (750), ainsi que Chardonne à l’est (3000 habitants).

Croissance avec le covid

Volg n’est en principe pas propriétaire de ses points de vente et ne les construit pas, se bornant à les rénover ou réaménager selon les besoins. La chaîne s’engage par un bail de cinq ans renouvelable. «Mais nous visons évidemment le long terme, précise Jakob Martin. Car avant de reprendre un magasin, nous nous livrons à une analyse approfondie de sa viabilité.» Parfois, c’est une commune qui appelle Volg au secours, son épicerie étant menacée de fermeture.

La hausse spectaculaire du chiffre d’affaires du groupe en 2020 s’explique clairement par les restrictions liées à la pandémie: «Les gens ont pu (re)découvrir les mérites d’une enseigne de proximité et d’un assortiment qui ne l’est pas moins. Au lieu de prendre leur voiture pour se rendre dans un grand centre commercial, ils sont venus ici à pied», constate Jakob Martin, qui estime à environ 4000 articles l’assortiment proposé par la gérante Emilia Salem dans son magasin de quelque 180 mètres carrés d’Echandens.

Suivant la taille du point de vente, l’assortiment va de 3000 à 5000 articles et le ticket de caisse moyen par client s’établit à un peu plus d’une vingtaine de francs pour l’ensemble de la chaîne Volg. Trois quarts des articles sont de provenance suisse, parfois même d’origine locale. On parle alors de «Délices du village». Du village ou d’un village voisin, à l’instar de ce jus de gingembre au citron que propose Volg à Echandens, mis en bouteille et pasteurisé à Préverenges, à moins de 3 kilomètres de là. Ou de cette mozzarella de bufflonne d’un producteur de Cuarnens, à 18 kilomètres.

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Philipp Zgraggen, directeur de Volg

© Esther Michel

«Les loyers en ville ne sont pas à notre portée et la logistique y est bien plus compliquée.»

 

Fenaco, actionnaire majoritaire de Volg, a beau être propriétaire du grand producteur de vins valaisan Provins, c’est tout un éventail de crus locaux que propose la gérante d’Echandens, y compris un mousseux de Vufflens-le-Château, à 8 kilomètres. Cela dit, le boulanger et le boucher du village sont présents tous les jours chez Volg, même si leur boutique est à deux pas.

Les produits frais constituent en principe un tiers de l’assortiment. Ce qui n’est ni local ni même de provenance suisse, c’est notamment les fruits exotiques (bananes, avocats), les pâtes alimentaires italiennes, un certain nombre de cosmétiques, soit environ 25% de l’assortiment. Les produits suisses représentent 85% du chiffre d’affaires dans les denrées alimentaires, qui comptent par ailleurs quelque 150 produits bios.

Reprise des magasins Pam et Proxi en 2015

Cette volonté de proximité des produits proposés s’explique par le fait que le propriétaire de Volg n’est autre que le discret groupe Fenaco, l’association de six coopératives clientes de l’agriculture suisse, qui assure le lien avec les consommateurs. D’abord implantée uniquement en Suisse alémanique, la chaîne Volg trouve le chemin de la Suisse romande dès 2011, avec un premier magasin à Morgins (VS). Le saut quantitatif se produit en 2015 quand Volg reprend une trentaine de magasins Pam et Proxi situés pour l’essentiel en Valais. Suivent Apples et Eclépens (VD), puis les cantons de Neuchâtel et de Fribourg. En Suisse romande, seul Genève n’a pas ses magasins Volg.

Patron du groupe Volg depuis septembre 2019, Philipp Zgraggen, 47 ans, est arrivé de chez Aldi Suisse. Le grand écart? «Pas vraiment, déclare-t-il dans la Handelszeitung. Les deux distributeurs ont un assortiment réduit, dans les deux cas les collaborateurs doivent s’attendre à être affectés à de multiples tâches, les marques propres et la logistique jouent un rôle cardinal dans les deux formats.» La différence principale est que Volg est présent dans des lieux où aucun concurrent ne se hasarde.

Et, comme l’illustre Philipp Zgraggen, pour un discounter, la livraison quotidienne de l’assortiment d’un point de vente tient sur un semi-remorque une fois par jour, alors que chez Volg, c’est tout le contraire: on fait dans le détail. Et hormis quelques exceptions dans des quartiers excentrés, Volg n’est pas tenté de s’attaquer aux villes. «Nous recevons des propositions à tout bout de champ, admet Philipp Zgraggen. Mais les loyers en ville ne sont pas à notre portée et la logistique y est bien plus compliquée. Et puis, à quoi cela servirait d’être un concurrent de plus?»

Autre différence avec les grands distributeurs: comme, chez Volg, on se rend volontiers à pied au coin de la rue, la clientèle a tout sous la main et elle est moins portée sur l’e-shopping. Ce qui n’empêche pas le président de la direction de Volg de prévoir l’avenir en renforçant sa division numérique. «Les magasins jouent vraiment le premier rôle et les canaux numériques ne sont pour l’instant que garniture. Dans deux ou trois ans, nous offrirons certainement de nouveaux outils numériques, mais, en cette matière, nous nous contentons volontiers de jouer encore en deuxième ligue.»


Les chiffres de la proximité

En 2020, la chaîne de magasins Volg a porté son chiffre d’affaires à 1,768 milliard de francs. Comparé à celui de Migros, qui approche les 30 milliards, et à celui de Coop, qui les dépasse tout juste, ça peut paraître modeste. Mais, alors que Coop progressait sur un an de 14,4% et Migros de 4%, Volg a affiché une augmentation de 16,1%. En janvier et février 2021, les ventes ont encore été supérieures de 15% à celles de l’exercice précédent.

Le nombre de points de vente du groupe est passé de 913 à 924. Celui des enseignes Volg à proprement parler est resté analogue, à près de 600, dont une quarantaine pour l’instant en Suisse romande. Le groupe comprend encore 107 TopShops dans les stations-service Agrola et plus de 230 détaillants indépendants, regroupés pour l’essentiel sous l’enseigne Prima. Au total, quelque 930 points de vente à approvisionner. En 2020, le chiffre d’affaires moyen d’un magasin Volg s’est élevé à 2,32 millions de francs, contre 1,99 million l’année précédente.

Le groupe Volg, qui occupe plus de 3500 personnes, appartient à la coopérative agricole Fenaco, par ailleurs actionnaire majoritaire de la chaîne de magasins Landi. Volg est l’acronyme de l’imprononçable Verband Ostschweizerischer Landwirtschaftlicher Genossenschaften, pionnier dès 1886 des coopératives agricoles suisses.