De la viande crue, sans ajout de céréales. Un menu appétissant idéal pour les animaux de compagnie, selon le mode d’alimentation BARF (Biologically Appropriate Raw Food). Mélissa Jeanmonod et Aïcha Es-Sami se sont rencontrées sur les bancs de l’école professionnelle. Toutes deux passionnées par les canidés, Aïcha initie alors Mélissa, propriétaire de Yayou, un chien «qui ne supportait rien», à cette méthode qui connaît un regain d’intérêt après la découverte d’herbicides, d’insecticides et de conservateurs dans les croquettes en 2020, information révélée par le magazine Bon à savoir.

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Le régime BARF a néanmoins ses limites, car il est chronophage, coûteux et contraignant. Les deux amies cherchent une alternative sur le marché suisse, en vain. Elles décident donc de réaliser leurs propres recettes et se lancent dans la fabrication de croquettes semi-humides. Ainsi naît Joy’s Food.

Climat de confiance

Créée en 2018, l’entreprise du Val-de-Travers se développe rapidement, avec 30 tonnes de nourriture produites en 2020 (dès 19 francs le sac de 1,5 kg de croquettes), 20 revendeurs en Suisse, un système d’achat en ligne et l’ouverture d’une boutique à Boveresse (NE). Avec un chiffre d’affaires estimé à 100 000 francs en 2020 et le même résultat atteint en seulement six mois pour l’exercice 2021, les deux femmes vont quitter leurs emplois respectifs et se consacrer à plein temps à leur société dès 2022.

La clé de la réussite? «Nous avons instauré un climat de confiance avec notre clientèle, informée en toute transparence de nos activités, de la provenance de nos produits et de nos collaborations avec des producteurs de la région», explique Mélissa Jeanmonod.

La petite entreprise compte aujourd’hui plus de 2500 clients dans toute la Suisse, séduits notamment par l’argument local avec de la viande 100% suisse. Un succès qui ne surprend pas Stephan Leoni, vétérinaire et directeur produit chez Swiss Pet Solution (une unité de Granovit), unique fabricant de nourriture sèche en Suisse qui crée et produit des recettes pour ses propres marques (Iso-Dog, Iso-Cat).

L’avis du vétérinaire
«Le consommateur veut connaître le contenu de son assiette et, par extension, celle de son animal de compagnie. Il souhaite être informé de la composition de la croquette.»

Avec, en toile de fond, un changement de paradigme dans la façon d’appréhender l’alimentation animale. «On peut nourrir correctement son chien ou son chat avec des aliments de base ou viser un régime plus sophistiqué qui va permettre une meilleure digestion, soutenir les articulations ou améliorer la qualité du poil», poursuit le spécialiste.

C’est sur cette tendance que travaille Crokeo, une jeune société lausannoise de dix employés, qui propose des croquettes saines et écologiques. «Nous cherchons à impacter le moins possible la planète, explique Raphaël Garcia, CEO de la société fondée en 2019. Pas de plastique à usage unique mais des bocaux en verre que nous récupérons. Les livraisons sont mensuelles et organisées par région, afin de limiter les déplacements.»

Offres personnalisées

Une fabrication sous-traitée à Granovit, un savoir-faire helvétique et un siège social en Suisse permettent à la marque d’afficher le Swiss Label, bien que la viande provienne d’Allemagne. L’offre est personnalisée selon la taille, l’espèce et l’activité de l’animal, pour des prix en moyenne trois fois plus élevés (de 39 à 159 francs) que les produits d’entrée de gamme vendus dans les supermarchés. Du sur-mesure, livré sur le pas de la porte des clients; la recette a déjà séduit plus d’un millier de personnes en Suisse. Crokeo a même doublé son chiffre d’affaires, pour atteindre 750 000 francs en 2021.

Les géants de l’industrie agroalimentaire, comme Nestlé et sa branche Purina (Pro Plan, Friskies, etc.) ou Mars Petcare (Pedigree, Whiskas, etc.), s’adaptent au marché. Le rachat en 2018 de Tails.com, un site de vente en ligne britannique spécialisé dans les aliments personnalisés pour chiens, par Nestlé Purina PetCare en témoigne. Le vétérinaire Stephan Leoni conclut: «L’apparition de sociétés comme Crokeo et Joy’s Food montre dans quelle direction les «pet parents» souhaitent que l’industrie aille. Les scandales alimentaires ont rendu les gens méfiants. Quoi de plus mystérieux qu’une croquette? Il faut restaurer la confiance.»