Le bouton à 300 millions de dollars, tout spécialiste de l’UX (ou expérience utilisateur) l’adore! Ainsi, en changeant un seul bouton sur son site de vente en ligne, Amazon a gagné 300 millions de dollars le mois qui a suivi la modification de «se connecter» en «acheter». L’histoire a fait le tour du globe. En 2017, Forbes estimait que 1 dollar investi dans l’UX équivalait à 100 dollars en retour.

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«Ces exemples montrent surtout la force de cette approche, résume Lionel Rieder, cofondateur de la start-up neuchâteloise Raccoon. L’UX permet d’humaniser la technologie grâce à une approche centrée sur l’utilisateur final. Pour cela, nous travaillons avec des sociologues, des psychologues, en plus de designers et de développeurs.»

Psychologie de l'utilisateur

Les exemples de produits ou services ayant manqué leur cible faute d’une réflexion UX sont nombreux. Il y a le clavier d’ordinateur super ergonomique mais si inhabituel qu’il en devient inutilisable ou encore la chaise de bureau prévenant des maux de dos qui ne s’ajuste à aucun espace de travail. «On connaît le design thinking, qui permet d’amener de l’innovation dans des projets. Mais l’UX va plus loin, elle y ajoute l’émotion et la psychologie de l’utilisateur», ajoute Lionel Rieder.

L’UX est d’ailleurs née dans la tête de Donald Norman, ingénieur du MIT formé ensuite à la psychologie cognitive. Il fondera, dans les années 1980, l’ingénierie cognitive et sera le premier à théoriser le terme UX.

La méthode s’appuie sur des données qualitatives plus que quantitatives. Les concepteurs UX réalisent des interviews avec des panels d’utilisateurs ou dissèquent les données statistiques récoltées directement sur les interfaces. «Trop souvent les décisions de développement viennent d’ingénieurs ou d’équipes marketing qui cogitent en vase clos. Elles sont centrées sur le produit et pas sur son utilisateur», explique Laura Serlavós, sociologue et chercheuse UX chez Raccoon après plusieurs expériences internationales UX auprès de HP notamment.

Les entreprises comme Spotify, Airbnb ou, pour la Suisse, QoQa et Batmaid sont de bons modèles où l’expérience utilisateur est au centre. Dès lors, qu’en est-il de la place de l’UX en Suisse dans son ensemble? «On parle de six niveaux de maturité de l’UX, le plus haut (6) serait une société qui propose une expérience immersive à l’utilisateur pour donner ses feed-back qui sont ensuite intégrés par tous les départements de la société. En Suisse, on est au stade 1 ou 2 seulement», estime l’un des initiateurs de l’application Eat’s me développée en urgence pendant la pandémie, pour les restaurateurs.

Tous les secteurs concernés

L’UX concerne pourtant tous les secteurs. La PME zurichoise Elro, spécialiste de machines pour la restauration, y a fait récemment appel. Le résultat? La manipulation des commandes tactiles est devenue plus aisée, même avec des gants, des améliorations qui servent directement l’utilisateur final. Les grands centres commerciaux tentent aussi de designer l’expérience client (CX) avec des modèles où le visiteur se sent mieux accueilli. La formation ou les salons professionnels tels que Capa’cité ont aussi eu recours à Raccoon pour développer une app répondant aux besoins d’une jeune génération à la recherche d’un métier. Les banques traditionnelles, concurrencées par les néobanques, se tournent également vers l’UX pour dynamiser leurs échanges avec la clientèle.

«J’entends beaucoup de patrons dire que le client est roi. Pourtant, leur dernier sondage date de plusieurs années au mieux, observe Lionel Rieder. Avoir une démarche centrée sur l’utilisateur, c’est développer un produit pour le client, pas le convaincre que le produit est fait pour lui. En cela, nous nous distançons complètement d’une démarche marketing. Ce qui nous intéresse, c’est que la relation du client avec la marque se passe bien.»

Pour cette raison, la société a créé son propre site web immersif en 3D, qui sera lancé ce printemps. «C’est le premier en Suisse à notre connaissance, signale le designer UX. L’idée est de guider le client jusqu’à nous. C’était également l’opportunité d’acquérir plus d’expérience en interne.» Une manière aussi de se différencier, car les agences qui proposent de l’UX en Suisse romande se développent de plus en plus, signe d’un changement d’approche des entreprises.

 

TB
Tiphaine Bühler