A partir du 1er janvier 2024, plus aucun produit industriel importé en Suisse ne fera l’objet d’une taxe douanière. Ainsi en a décidé le Conseil fédéral en février 2022, après que le parlement a donné son aval à l’automne précédent. Cette suppression entraînera des économies à hauteur d’un demi-milliard de francs par an en faveur des entreprises suisses et vise à lutter contre l’îlot de cherté qu’est devenue la Suisse pour les consommateurs. Les droits de douane sont aujourd’hui prélevés par la Confédération sur près de 6000 types de produits, allant des vélos aux chaussures, en passant par les machines industrielles.

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Ce prélèvement ne représente toutefois en moyenne que 1,8% du prix du produit importé. Même si des disparités importantes existent entre les branches, avec par exemple des taux grimpant à 5,6% sur les textiles, selon une étude publiée par le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), la taxe sur les importations reste modeste dans la plupart des cas. D’une part, parce que près de 90% des produits importés proviennent de marchés avec lesquels la Suisse a signé des accords de libre-échange qui suppriment partiellement ou entièrement les tarifs douaniers – c’est le cas notamment des pays de l’Union européenne, du Canada et de la Chine –, d’autre part, parce que de nombreux produits ne sont soumis qu’à un prélèvement relativement modeste oscillant entre 0,2 et 2,8%.

Simplification des démarches administratives

Pas de quoi faire baisser significativement les prix à la consommation, mais il est attendu que cette mesure soutienne les entreprises en leur permettant d’accéder à des biens de production moins chers et en simplifiant les démarches administratives. Un coup de pouce bienvenu pour la place économique suisse en cette période chahutée entre la guerre en Ukraine et les stigmates laissés par la crise sanitaire.

«La suppression des droits de douane est une bonne nouvelle, mais la diminution du prix des produits finis restera probablement modeste, de l’ordre de 1% dans le secteur automobile, estime François Launaz. Le plus grand changement sera sans doute l’allègement des procédures administratives pour les importateurs.» Le président d’Auto-suisse, la faîtière des importateurs de voitures, aimerait néanmoins des aides de la part de la Confédération pour compenser la hausse des prix provoquée, notamment, par la nouvelle taxation des véhicules entrée en vigueur en 2022 et qui supprime les exemptions accordées aux importateurs de marques automobiles de niche, comme Subaru et Suzuki, mais aussi de nombreux fabricants de luxe, qui comptent pour moins de 8% du marché suisse.

Responsable d’Economiesuisse pour la Suisse romande, Carmelo Laganà affiche le même optimisme quant à la simplification des démarches administratives, en particulier pour les PME. «Les grandes sociétés disposent souvent de services spécialement dédiés pour gérer ces formalités, mais pour les plus petites structures, qui en sont dépourvues, cet allègement permettra d’économiser du temps et de l’argent, qui pourront être réinvestis, ou permettre une baisse du prix du produit final pour le consommateur.»

Accès à des biens de production moins chers

Une évolution significative devrait avoir lieu du côté de l’importation d’éléments utilisés pour la production, dont la baisse du prix constitue l’une des principales attentes de la Confédération et des milieux économiques. Avec la disparition des tarifs douaniers, les entreprises suisses devraient avoir accès à des biens de production moins chers, ce qui leur donnera un avantage concurrentiel. Le Conseil fédéral entrevoit un gain de productivité se traduisant par un accroissement du PIB. «Le rapport d’Ecoplan, mandaté par le Seco et sur lequel se base le Conseil fédéral, estime les retombées pour l’économie à 860 millions de francs par an (dont 370 millions imputables à l’allègement administratif et aux effets indirects, ndlr) et nous partageons cette appréciation», confirme Carmelo Laganà.

Pour Philippe Cordonier, responsable romand de Swissmem, l’association faîtière de l’industrie des machines, ces prévisions doivent être nuancées. «Dans l’optique de créer les meilleures conditions-cadres pour les entreprises, cette mesure est un élément majeur que nous saluons. Mais compte tenu de la situation actuelle, très volatile et caractérisée par des chaînes d’approvisionnement tendues, les gains de productivité attribuables aux tarifs douaniers sont difficilement quantifiables.»

La place économique suisse étant ouverte et adaptée au libre marché, il n’y a, a priori, rien à craindre de la concurrence étrangère. «Les entreprises suisses ont su trouver leur place au sein de l’économie mondiale. Dans le milieu du textile, par exemple, la concurrence des marchés asiatiques a fait chuter les prix et cela a conduit les fabricants suisses à se spécialiser, observe Carmelo Laganà. Dès lors, ils profiteront de tissus moins taxés sans souffrir de la concurrence internationale.»

Pas de craintes non plus concernant les accords de libre-échange en cours de négociation par la Suisse, qui risque de perdre un argument face à des partenaires à qui elle n’aurait plus d’exemptions douanières à offrir. «On constate que ces tarifs ne sont plus un levier de négociation», assure le responsable d’Economiesuisse.