Situé le long de l’autoroute A12, c’est un terrain immense de 105 000 mètres carrés à Bulle. Rolex vient d’en faire l’acquisition afin d’y installer un nouveau site de production d’ici à 2029. Les investissements prévus sont estimés à plus de 1 milliard de francs et devraient entraîner la création de 2000 emplois. «C’est une nouvelle très réjouissante pour le canton, dit Jerry Krattiger, directeur de la promotion économique du canton de Fribourg. Il s’agit aussi d’une entreprise qui met beaucoup l’accent sur la formation duale, donc nous espérons de nombreuses places d’apprentissage attractives pour les jeunes Fribourgeois.»

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Le responsable estime que le projet aura un impact profond sur le tissu industriel du canton et ses compétences dans l’industrie 4.0 et la fabrication avancée. «Nous attendons aussi que des sous-traitants suivent le pas et s’installent dans le canton afin de bénéficier de la proximité du site de Rolex.» Une arrivée qui devrait renforcer le pôle de la haute horlogerie à Fribourg en complément aux opérations importantes du groupe Richemont dans le canton.

Une croissance de 30% ces dix dernières années

Les infrastructures telles que le train ou les autoroutes constituent un élément clé pour le développement des villes moyennes, explique Arnault Morisson, chercheur à l’Université de Berne. Il faut aussi que des terrains fonciers soient disponibles en quantité et à bon prix dans des zones de développement stratégique, avec l’appui d’une politique active en la matière, par exemple sous la forme de parcs technologiques. «Les municipalités mettent aussi en avant la qualité de vie, mais c’est en fin de compte un élément que l’on retrouve partout en Suisse.»

Le chef-lieu du district de la Gruyère peut se targuer d’un secteur industriel fort, qui représente près de 32% de l’activité économique (contre 21% en moyenne nationale). La ville a enregistré une croissance de 30% ces dix dernières années grâce à la forte croissance de grandes entreprises telles que le constructeur de machines-outils Liebherr ou la société biopharmaceutique UCB Farchim. Un développement qui pèse cependant sur les infrastructures. «L’arrivée de Rolex à Bulle est quelque chose d’énorme, comme si Amazon décidait de s’implanter à Genève avec 50 000 employés», poursuit Arnault Morisson, qui collabore actuellement à un projet de recherche consacré à la transformation socioéconomique des villes industrielles, soutenu par le Fonds national suisse.

Autre défi: créer un environnement propice à attirer les talents très qualifiés et spécialisés, qui préfèrent en général habiter dans les villes plus grandes. «D’autant plus que les jeunes travailleurs qualifiés ont tendance à changer plus souvent d’emploi, et qu’une ville moyenne offre à ce titre moins de perspectives.»

Les entreprises, des moteurs de l'innovation

«Résoudre les questions de mobilité ou construire de nouvelles écoles sont des problèmes de riches que nous aimons avoir», lance Pierre Dessemontet, syndic d’Yverdon-les-Bains, par ailleurs titulaire d’un doctorat en géographie économique et économie spatiale. Un discours qui peut détonner par rapport aux débats qui ont lieu sur l’Arc lémanique, mais qui recueille une majorité d’avis favorables au sein de la population, selon l’édile. Et de rappeler que la ville vaudoise – qui compte aujourd’hui 30 000 habitants et 14 000 emplois équivalents temps plein – a connu plusieurs cycles de périodes fastes et d’effondrements économiques qui sont restés dans les mémoires. «Nous avons vécu une longue période de stagnation après la crise des années 1970 et il a fallu attendre le début des années 2000 pour retrouver un nombre équivalent de places de travail.»

L’élu remarque que les entreprises demeurent des moteurs de l’innovation. «L’expérience nous a montré qu’il est vain pour une municipalité de vouloir faire de l’économie. Notre rôle consiste davantage à créer des conditions-cadres favorables, à notre échelle.» Le principal défi actuel du syndic consiste à assurer une bonne vitalité au centre-ville, de sorte à amener du monde sur le pas des portes des commerces locaux. «Pour ce faire, nous avons amélioré divers agencements urbains et sommes en train de dynamiser notre offre culturelle, de manière à créer une destination qui soit attractive à tous les points de vue.»

A noter que les parcs technologiques permettent aussi de mutualiser certaines infrastructures, de développer des synergies et de favoriser l’innovation dans une zone géographique donnée. Zoom sur trois structures emblématiques en Suisse romande.

Y-Parc l’héritage industriel comme terreau d’innovation

Inauguré en 1989, Y-Parc est le premier parc technologique de Suisse. Il compte aujourd’hui près de 200 PME, start-up et multinationales, pour plus de 2200 emplois. Le site accueille des entreprises actives dans la recherche et le développement dans des domaines tels que la mécanique de haute précision, les sciences de la vie et la robotique, sans oublier des industries numériques de pointe spécialisées par exemple en cybersécurité. Autant de secteurs qui découlent en partie de l’héritage et du savoir-faire industriel du Nord vaudois. «Nous sommes convaincus que cette pluridisciplinarité constitue la force de notre site, explique Olivier Collet, directeur d’Y-Parc. Avoir des critères d’admission stricts – les entreprises doivent être actives dans la R&D ou développer des produits innovants – favorise par ailleurs un écosystème où se créent sans cesse de nouvelles interactions entre les résidents et nos partenaires comme la Haute Ecole d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud.»

Y-Parc

Inauguré en 1989, le premier parc technologique de Suisse Y-Parc compte 200 PME, start-up et grands groupes.

© Explorit

Swiss Aeropole en plein envol

Près de 40 hectares de terrain, c’est une réserve foncière inédite en Suisse dont dispose Swiss Aeropole, y compris des parcelles de très grande taille avec un accès direct à la piste de l’aéroport de Payerne. Le plus récent des parcs technologiques de Suisse romande comporte deux volets. D’une part, le développement d’un hub pour l’aviation d’affaires. A ce titre, l’aéroport de Payerne peut se prévaloir du code IATA VIP. Il a enregistré plus de 1500 mouvements en 2022, contre 550 mouvements annuels avant la crise sanitaire. D’autre part, le projet ambitionne de faire du site l’endroit idéal pour accueillir les entreprises innovantes de l’aéronautique et du spatial, à l’instar de la société Destinus, qui met au point un avion-fusée hypersonique. «Nous accueillons aujourd’hui une trentaine d’entreprises, contre trois lors du lancement en 2015», détaille Massimo Fiorin, directeur de Swiss Aeropole.

Swiss Aeropole

Le terrain de 40 hectares de Swiss Aeropole accueille une trentaine d’entreprises, contre trois lors de son lancement en 2015.

© DR

The Ark pôles d’attraction

La Fondation The Ark encourage l’innovation à travers le Valais. Lancé par le canton et les principales villes valaisannes en 2004, le projet compte aujourd’hui sept sites physiques qui visent à développer des start-up et des PME spécialisées par exemple dans les sciences de la vie, les technologies numériques ou l’énergie. «Près de 250 start-up sont passées par notre incubateur, dont 80% sont toujours en activité, se réjouit Frédéric Bagnoud, secrétaire général de la Fondation The Ark. La provenance des créateurs est répartie à parts égales entre Valaisans, Confédérés et étrangers, et nous occupons régulièrement les premières places dans les classements de cantons favorables aux start-up, ce qui est très positif pour un canton dit périphérique!» Sion joue le rôle de locomotive dans cet écosystème. «Il s’agit de gérer cette situation vis-à-vis des autres villes, mais cela reste une problématique appréciable, car l’essor des uns entraîne celui des autres.»

Fondation The Ark

Lancée par le canton et les villes valaisannes en 2004, la fondation The Ark compte aujourd’hui sept sites physiques.

© TechnoArk
EF
Erik Freudenreich