L’anecdote vaut son pesant de symbolisme. Avant de se lancer, à l’aube de l’an 2000, Francis Richard, 37 ans à l’époque, a fait une plongée dans le monde, encore imaginaire pour lui, des nacelles, des ponts roulants et mini-grues automotrices. Histoire d’aborder le business dans les meilleures conditions possible. «J’ai notamment visité une société bâloise qui possédait 17 machines. J’étais ébahi. Pour moi qui envisageais de démarrer avec une seule nacelle-araignée, posséder autant d’engins était fascinant.»

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Plus de 600 machines

Vingt-quatre ans plus tard, Airnace, l’entreprise qu’il a fondée à Evionnaz (VS), propose plus de… 600 machines à la location et huit camions pour les transporter. Ce qui en fait la société la plus éclectique du pays et même du continent. Pas en nombre d’engins mais par l’étendue de sa gamme.

«L’objectif, qui est également notre force, est de pouvoir proposer une solution à chaque problème.» Le pari était pourtant loin d’être gagné pour ce ferblantier de métier, aux premières loges pour observer les lacunes et besoins du secteur mais qui s’ennuyait un peu à son poste d’agent d’exploitation en usine électrique. «Après avoir été spectateur pendant une quinzaine d’années, j’avais une folle envie de devenir joueur, si je peux me permettre cette métaphore sportive.»

Pour que son rêve devienne réalité restait néanmoins un «détail» à régler: financer la première nacelle. Une araignée Ruthmann de 22 mètres toujours en fonction, avec sa remorque et son véhicule. «Comme je ne remplissais pas les critères d’octroi d’un crédit d’entrepreneur et que le leasing n’était envisageable qu’après quelques années d’activité, il a fallu se débrouiller.» Grâce au soutien de sa famille et de quelques amis, ainsi qu’à une rallonge de son crédit hypothécaire, obtenu en «récompense» d’avoir construit sa maison de ses mains, Francis Richard réunit 320 000 francs. C’est le début de l’aventure, encore bridée toutefois par un cadre légal désuet face aux normes de l’Union européenne.

Un handicap qui finira par devenir un atout pour Airnace, en pole position lorsque les dispositions furent mises à niveau, au milieu des années 2000. Plus rien, dès lors, n’arrêtera l’expansion et l’ascension de la société bas-valaisanne, qui occupe aujourd’hui une cinquantaine de personnes et s’étend sur une surface de 21 000 m² sur son nouveau fief, construit en 2020 et recouvert par 6500 m² de panneaux photovoltaïques produisant annuellement 1,3 million de kW/h. Un petit empire tentaculaire puisque l’entreprise, qui forme en continu ses machinistes et même ceux de la concurrence et s’appuie sur un département entretien de premier ordre, possède six satellites à travers la Suisse romande. A Nyon, Lausanne, Pampigny, Châtel-Saint-Denis, Montreux et Sion.

Airnace
© Facebook Airnace

Très active au fil du Rhône (Valais, Vaud, Genève), Airnace déborde également sur la Suisse alémanique et la France voisine. «Certaines de nos machines, qui avaient déjà participé à la rénovation de la basilique de Saint-Maurice et de la cathédrale de Lausanne, se trouvent actuellement dans la cathédrale de Nantes», s’enorgueillit le fondateur, fier de son œuvre bien sûr, qui ne cesse de s’étoffer (explosion de la demande en ascenseurs de chantier par exemple), mais plus encore de la philosophie sur laquelle elle a été bâtie.

Fidélité au sein de l'entreprise

«Ma plus grande fierté, c’est l’excellente ambiance qui règne au sein de l’entreprise et la fidélité de notre personnel. En presque vingt-cinq ans, aucune collaboratrice ou collaborateur n’est parti à la concurrence, par exemple», se réjouit Francis Richard, qui revendique une gestion très horizontale. «Chez nous, tout le monde est encouragé à exprimer ses idées et ses états d’âme. La hiérarchie est clairement définie mais pas intrusive. Il n’y a pas de privilèges particuliers, pas de places de parc de direction, par exemple, et à la cafétéria, toutes les boissons et viennoiseries sont gratuites», détaille ce passionné de montagne et de randonnée, très imprégné par ses racines terriennes et qui n’hésite pas à en faire l’apologie.

«Certaines valeurs traversent les âges sans se démoder. Comme acheter seulement ce qu’on peut se payer et ne pas dépendre des banques.» Seule contrainte, plus conseillée qu’imposée, ne pas passer son temps à la cantine les yeux rivés sur son smartphone. «J’apprécie que les gens communiquent entre eux, apprennent à se connaître et à échanger. Tout le monde est gagnant», estime le boss, très souple aussi dans l’aménagement du temps de travail. «Aujourd’hui membre de la direction, un collaborateur a pris une année sabbatique avant de s’investir à fond. Idem lorsqu’une personne désire augmenter ou réduire son temps de travail, momentanément ou pas. Il y a toujours une solution.»

Une ligne bienveillante que la société applique également à ses clients avec lesquels elle tisse de solides relations de confiance. «L’éthique et la recherche constante de la meilleure solution au meilleur prix pour eux y contribuent largement. Avec le temps, la plupart de nos clients et partenaires sont devenus des amis», confie l’actionnaire majoritaire de 61 ans, qui préfère s’épancher sur le modèle d’affaires plutôt que sur le chiffre. «Quelques dizaines de millions par année», se contentera-t-il d’indiquer, avant de lâcher: «Quand l’approche est juste, les chiffres sont forcément bons.» C’est dit!

En chiffres

600 
Le nombre de nacelles, ponts roulants et mini-grues automotrices que possède Airnace. Des machines qui sont louées par les entreprises clientes.

50
Le nombre d’employés de la société basée à Evionnaz. Le fondateur revendique une gestion RH très horizontale et bienveillante.

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Christian Rappaz, journaliste
Christian Rappaz