Plus la puissance des serveurs progresse, plus la chaleur qu’ils émettent augmente. Avec l’avènement de l’IA et le succès grandissant des clouds, les centres de données pourraient engloutir jusqu’à 4% de la production électrique mondiale, selon un récent rapport de Goldman Sachs. «En 2030, cela pourrait représenter jusqu’à 1000 térawattheures, soit l’équivalent d’un pays comme le Japon», indique Babak Falsafi, professeur à la Faculté d’informatique et des sciences de la communication de l’EPFL. Jusqu’à 40% de cette électricité est consommée pour refroidir les serveurs.

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«Les puces de nouvelle génération sont si puissantes que les systèmes de refroidissement par ventilation ne suffisent plus. Les nouveaux centres de données doivent être munis d’équipements de refroidissement liquide. C’est une technologie d’avenir pour les serveurs utilisés par l’intelligence artificielle», poursuit-il. Plus efficace, la méthode requiert toutefois d’adapter les serveurs avec de nouveaux équipements pour permettre au liquide d’absorber la chaleur.

4%

La montée en puissance de l’intelligence artificielle et des services cloud pourrait porter la consommation des centres de données à près de 4% de la production électrique mondiale, d’après un rapport récent de Goldman Sachs.

Pour adapter les serveurs aux nouvelles techniques de refroidissement, Apheros, un spin-off de l’EPFZ fondé en 2023, a mis au point un procédé novateur. Protégée par un brevet, la méthode permet de créer une mousse dont les propriétés chimiques peuvent optimiser le transfert de chaleur. Le composé est ensuite intégré à une «plaque froide» (ou cold plate) d’environ 12 cm sur 15 cm qui est placée à proximité des points chauds des serveurs. «Le potentiel de réduction de la consommation d’énergie pour le refroidissement des centres de données s’élève entre 10 et 20%», explique Gaëlle Andreatta, la cofondatrice d’Apheros.

A ce stade, il est impossible de dire quelle technique s’imposera.

Babak Falsafi, professeur à l’EPFL

Les innovations dans les techniques de gestion thermique des microprocesseurs sont fortement sollicitées. Selon l’analyste de marché Data Bridge, le marché du refroidissement liquide des centres informatiques s’est élevé à environ 3,5 milliards de dollars en 2024 et pourrait atteindre 16 milliards en 2031, soit une croissance annuelle moyenne de 16,8%. Aujourd’hui, Google utilise le refroidissement liquide dans près de la moitié de ses installations, principalement sous l’effet du développement de ses IA. «Les géants du numérique développent leurs propres solutions de refroidissement liquide pour leurs serveurs. Mais à ce stade, il est impossible de dire quelle technique s’imposera. C’est pourquoi de nombreuses start-up émergent sur ce marché très porteur», commente le professeur Babak Falsafi.

Apheros a déjà levé plus de 3 millions de francs, dont 1,5 million du fonds de capital-risque zurichois Founderful. En parallèle, l’entreprise a considérablement développé sa capacité de production depuis les premiers prototypes et peut désormais produire plusieurs dizaines de «plaques froides» par semaine, notamment grâce à la collaboration avec d’autres PME partenaires en Suisse. «Nous devons notamment déléguer le processus d’étanchéisation des plaques», indique Julia Carpenter, l’autre cofondatrice.

Les deux entrepreneuses comptent lancer un nouveau tour de financement d’ici à la fin de l’année. «L’objectif est d’atteindre un capital de 6 à 8 millions de francs. Ce montant devrait nous permettre de concrétiser une première version commerciale des plaques en mousse vers le troisième trimestre 2026», précise Gaëlle Andreatta. Basée sur le campus de l’EPFZ, l’équipe déménagera dans de nouveaux locaux plus spacieux à Baden (AG) à partir de cet été. Déjà forte de dix spécialistes pour la recherche et le développement, l’entreprise cherche encore à recruter un ingénieur en développement de produits et un technicien.

«Équiper les géants du numérique»

«Actuellement, notre clientèle se trouve plutôt dans le segment des acteurs de taille moyenne. A long terme, l’objectif est d’équiper les géants du numérique comme Google ou Microsoft. Mais lorsque ces acteurs ouvrent un nouveau centre de données, ils ont besoin de plusieurs centaines de milliers de plaques en quelques semaines. C’est pour l’heure hors de notre portée. Pour cela, nous devrons travailler avec des partenaires qui disposent des moyens de production à l’échelle», poursuit la cofondatrice.