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Sport

LHC, plongée dans les finances d’un club mythique

Fondé en 1922, le club fédère fans, familles et générations de supporters. Derrière cette ferveur, le Lausanne Hockey Club fonctionne comme une PME, avec un modèle économique ambitieux et la diversification de ses activités au cœur de son fonctionnement.

William Türler

Chris Wolf

Chris Wolf, CEO du Lausanne Hockey Club Group, voit son rôle comme celui d’un chef d’orchestre. Il est actif au sein du club depuis une vingtaine d’années.

François Wavre / Lundi 13

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Bien qu’il appartienne, depuis trois ans, à un seul homme, Gregory Finger, le LHC est porté par un puissant sentiment d’appartenance, rare en Suisse. Il suffit d’assister à un match ordinaire de championnat à Malley pour se rendre compte du soutien indéfectible de ses supporters, chantant en chœur et agitant des drapeaux de la première à la dernière minute de la partie. Fondé en 1922, le club fédère des abonnés fidèles depuis soixante-cinq ans, des couples qui s’y sont mariés et des familles qui s’y transmettent la passion depuis trois générations. En un mot: le Lausanne Hockey Club est populaire.

Mais derrière l’affect, il y a aussi une PME bien réelle, employant 117 personnes. Ses activités sont multiples. «Pour évoluer au plus haut niveau en Suisse, un club a des obligations envers la ligue», détaille Chris Wolf, CEO du Lausanne Hockey Club Group. L’infrastructure doit être adaptée aux médias, en particulier à la télévision. Elle doit offrir suffisamment de places debout, assises et VIP, afin que le ticketing couvre une partie du budget. La relève doit être assurée par une académie structurée. Enfin, le club doit s’ancrer dans un bassin économique capable de lui fournir sponsors et partenaires.

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Entre food trucks, VIP et concerts

Pour étoffer ses sources de revenus, le LHC a décidé de maîtriser entièrement la restauration, une composante essentielle de l’expérience offerte lors des 26 à 38 soirées de hockey, selon la saison. Afin que ses supporters puissent bénéficier d’une offre variée, le club propose notamment des food trucks aux cuisines du monde entier à l’entrée de la Vaudoise aréna. Du côté des loges VIP, l’offre culinaire va de la fondue à la finger food, en passant par des buffets ou encore des tables assises pouvant accueillir des clients autour d’un menu trois plats.

Le club organise également des spectacles avec des promoteurs locaux, transformant la patinoire en quelques heures seulement, puis la réinstallant tout aussi rapidement après l’événement. Un tel travail mobilise une équipe importante de 40 personnes, ce qui explique que ce segment ne soit pas encore rentable. A titre d’exemple, la Vaudoise aréna a dernièrement accueilli plusieurs spectacles et concerts d’envergure, de Sting à Kendrick Lamar, en passant par le Cirque du Soleil.

Enfin, l’académie occupe une place centrale. La sélection y est drastique: seulement 1% des jeunes formés à l’Academy deviendront des joueurs professionnels, un taux que le club espère voir progresser dans les années à venir. En effet, lorsqu’un joueur formé par le club évolue ailleurs, ce dernier reçoit des «unités de formation», ce qui impose de trouver un équilibre entre talents internes et externes. Sur ce point, le LHC reste aujourd’hui déficitaire. Actuellement, sept joueurs de la première équipe ont été formés à l’Academy (Pasche, Haas, Vouardoux, Marti, Baragaño, Rochette et Bougro), dont certains avec des rôles très importants.

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Un modèle à consolider

Marqué par des incertitudes, des guerres internes et une gouvernance défaillante ces dernières années, le club a entamé un nouveau chapitre depuis son rachat par Gregory Finger. «Aujourd’hui, on ne retrouve plus les cuisiniers dans les vestiaires, les entraîneurs dans la cuisine et les médecins dans les bureaux, résume Chris Wolf, qui voit son rôle à l’image d’un chef d’orchestre. Chacun respecte pleinement les responsabilités de l’autre.» Ce qui n’empêche pas la PME Lausanne Hockey Club de fonctionner en mode start-up: «Notre défi est complexe, poursuit l’ancien directeur commercial, actif au sein du club depuis une vingtaine d’années. Il s’agit de réduire le déficit et les charges, tout en restant compétitifs et attractifs, et en faisant croître nos revenus.»

Le financier derrière le club

Né à Moscou, Gregory Finger a très vite émigré en Floride, où il a fait fortune dans la finance, l’électronique et les réseaux sociaux. Après un retour dans son pays natal, il s’est installé en Suisse, où il vit depuis plus de vingt ans. Arrivé au sein de l’actionnariat du LHC au printemps 2020, il est actionnaire unique du club depuis janvier 2023. On raconte qu’il assiste à tous les matchs.

Aujourd’hui, ceux-ci dépasseraient, selon nos informations, les 30 millions de francs par an. La billetterie reste la première source, avec 9600 places réparties entre 3500 debout et 6100 assises, dont 1400 VIP, pour des tarifs allant de 11 à 480 francs le ticket et de 195 à 10 000 francs l’abonnement annuel (les montants les plus élevés concernent les loges et clubs de soutien). «Afin de maintenir des prix populaires, il faut disposer d’un nombre suffisant de places VIP», résume le directeur. La deuxième source de revenus bruts est la restauration. Viennent ensuite le sponsoring, puis les droits TV et, enfin, le merchandising.

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Côté coûts, le salaire des 25 joueurs, qui bénéficient de contrats compris entre un et cinq ans, arrive en tête. Suivent le loyer – le LHC est locataire de la Vaudoise aréna, dont le propriétaire majoritaire est la ville de Lausanne, aux côtés de Prilly, de Renens et de Lausanne Région – et des dépenses liées aux infrastructures, avant le reste de la masse salariale.

Ces éléments étant posés, qu’en est-il de l’état actuel des finances? Le club vise-t-il l’équilibre financier, et à quel horizon? «Nous nous sommes fixé un but très clair: réduire nos pertes et notre dépendance financière à l’actionnaire, explique Chris Wolf. Pour nous, c’est une question de loyauté. Nous n’avons pas d’ultimatum. L’objectif est de s’approcher à terme de l’équilibre. Pour reprendre les mots du président Jean‑Luc Rochat: le club est en excellente santé financière, il ne doit de l’argent qu’à son propriétaire.»

L’humain au centre

Au-delà des chiffres, un élément central reste essentiel: l’humain. Parents et familles qui accompagnent les jeunes de l’académie, employés, mais aussi bénévoles – une trentaine à chaque match – jouent un rôle indispensable. «Sans eux, nous ne pourrions tout simplement pas exister», souligne le directeur.

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Impossible, pour terminer, de ne pas mentionner les enjeux sportifs. Deux fois finaliste du Championnat suisse ces deux dernières années, le LHC ambitionne évidemment de décrocher la Coupe. «C’est l’objectif principal des joueurs et des coachs: ils s’entraînent chaque jour pour y parvenir, poursuit-il. Pour nous, dirigeants, ce n’est pas le seul enjeu: nous voulons aussi remplir la patinoire et faire du club une véritable fierté pour tous les Vaudois et Vaudoises.»

Alors que l’automatisation et l’IA bouleversent de nombreux secteurs, un spectacle sportif, mêlant émotions, échanges et transmission, conserve tout son attrait. C’est d’ailleurs la direction que souhaite prendre le LHC dans les années à venir, en développant par exemple l’éducation, la formation et le hockey féminin, mais surtout en visant à faire rêver le public bien au-delà du canton, à l’échelle nationale et même européenne.

< 1,5 mio
Loyer annuel de la Vaudoise aréna.

480
Nombre de jeunes dans l’académie.

600
Nombre de PME locales qui soutiennent le club.

360
Nombre de personnes qui travaillent lors de chaque match.

80%
Pourcentage de spectateurs qui achètent de la nourriture lors d’une partie.

A propos des auteurs
William Türler
William Türler
William Türler

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