Tous les experts sont unanimes: il est passé le temps béni des taux négatifs qui rendaient la propriété d’un logement nettement plus avantageuse que sa location. «La hausse des taux hypothécaires a quelque peu changé la donne. La rapidité avec laquelle ils ont augmenté a créé un vrai choc mais, en définitive, c’est plutôt un retour à la normale», explique Jonas Wiesel, qui a cofondé la plateforme numérique d’estimation immobilière RealAdvisor.

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«La situation a diamétralement changé en 2022, quand les taux hypothécaires ont triplé, passant de 1 à 3% pour un taux fixe à dix ans. Jusque-là, l’argent ne coûtait rien. Pour 1 million d’emprunt, on payait 10 000 francs d’intérêts par année alors que le loyer pour un objet similaire coûtait facilement 25 000 francs l’an», détaille Donato Scognamiglio, du CIFI.

Une demande en baisse ces dernières années

Conséquence immédiate: ces deux dernières années, le relèvement des taux hypothécaires a fortement bridé les chances de devenir propriétaire. Et la demande s’est nettement réduite. Mais elle devrait reprendre: «Il est certain qu’avec la baisse des taux d’intérêt à long terme et les nouvelles baisses attendues du taux directeur de la BNS, les scénarios d’une correction accentuée des prix de l’immobilier sont définitivement écartés», souligne Fredy Hasenmaile, chef économiste de Raiffeisen.

C’est ce que constate Jonas Wiesel, du site Real-Advisor qui a fourni les chiffres de la carte ci-contre. «Depuis une année, on assiste à une stabilisation des prix de l’immobilier résidentiel. En effet, sur les douze derniers mois, ils n’ont augmenté que de 1,3% pour les appartements et 0,1% pour les maisons.» A titre de comparaison, Jonas Wiesel relève que, depuis le début du siècle, soit en moins de vingt-cinq ans, les prix au m² des maisons et des appartements ne sont pas loin d’avoir doublé (+85% en Suisse, +120% dans les cantons de Vaud et de Genève).

Mais, dans presque toute la Suisse romande, la balance des coûts penche de nouveau en faveur de la propriété, alors que les loyers vont continuer de monter, fait remarquer la dernière étude de Raiffeisen sur l’immobilier.

Les cantons romands tous concernés

A Genève, sans surprise, ce sont les communes de la rive gauche du lac et la ville ainsi que l’enclave vaudoise de Céligny qui affichent les valeurs les plus élevées, avec des prix dépassant les 15 000 francs le m2. Les sites les plus avantageux sont, de façon tout aussi attendue, en campagne, avec les tarifs les plus modestes à Dardagny (8470 le m2). «On notera la forte amplitude entre les zones les plus cotées et les plus avantageuses, puisque l’on passe presque du simple au double», commente Jonas Wiesel.

Dans le canton de Vaud, pas de découverte bouleversante non plus. C’est sur l’ensemble du littoral lémanique que les prix pratiqués sont les plus élevés. Pas loin d’une centaine de communes affichent des valeurs dépassant les 10 000 francs le m2. Actuellement, le sommet se situe sur la petite commune de Paudex, qui est à la seule à franchir la barre des 15 000 francs le m2.

«La présence de Rougemont sur le podium des sites les plus huppés est le signe patent de l’impact et de l’extension de Gstaad», signale Jonas Wiesel. Les logements les moins chers se trouvent à Premier, commune coincée entre Vallorbe et Romainmôtier, ainsi qu’à Sainte-Croix, la cité chère au conseiller aux Etats Pascal Broulis. Là, les prix au m2 se négocient à tout juste plus de 4400 francs.

Fribourg a largement profité de sa situation médiane entre l’Arc lémanique et la Suisse alémanique, mais aussi d’une plus grande réserve en terrains constructibles. «C’est le canton où les prix ont le plus augmenté en 2023, d’environ +4%», constate Thomas Veraguth, économiste spécialiste de l’immobilier au sein de la Recherche d’UBS.

Ce canton est aussi celui où la fourchette de prix est la plus étroite: moins de 2500 francs de différence entre les communes les plus et les moins recherchées. De façon étonnante, dans la banlieue de Villars-sur-Glâne, le m2 coûte 1000 francs plus cher qu’en ville de Fribourg. Quant aux tarifs les plus avantageux, ils sont tous en Singine.

Les cantons plus périphériques (Valais, Jura et le Jura bernois) partagent la particularité d’afficher toujours des communes à moins de 4000 francs le m2. On notera, avec un peu de surprise, que les appartements les moins chers du Valais romand sont à Vionnaz, tout près du Chablais vaudois. De son côté, avec 3780 francs le m2, Moutier est médaille d’argent des cités romandes les plus avantageuses, juste derrière Soyhières (JU). «Au final, les primo-accédants n’ont souvent d’autre choix que de déménager dans des régions moins onéreuses, éloignées des grands centres», conclut Donato Scognamiglio, du CIFI.

Une hausse continue

La courbe dessinant l’évolution des prix depuis l’an 2000 est éloquente. Au cours de ce siècle, la valeur de l’immobilier n’a jamais faibli. Contrairement à d’autres pays, la Suisse n’a plus connu de crise financière depuis 1989, lorsque les arrêtés fédéraux urgents (AFU) promulgués par surprise le 6 octobre ont plongé tout le monde immobilier dans la tourmente. Suivant les cantons, il a fallu de cinq à dix ans pour retrouver les prix record de l’époque. Mais, depuis, la pierre n’a plus jamais faibli.

Conséquence: le nombre des acquéreurs potentiels ne cesse de baisser. «Il y a vingt ans, près de 60% des ménages pouvaient acquérir un logement standard. Aujourd’hui, ce ne sont plus que 15%, soit 660 000 ménages», calcule Thomas Veraguth, d’UBS. Leur chance: le télétravail est entré dans les mœurs. Ils peuvent donc envisager des trajets pendulaires plus longs.

Il serait néanmoins faux de croire que le recul des acheteurs potentiels pourrait faire baisser les prix. Le petit nombre de biens en vente, la faible quantité de nouvelles constructions et l’arrivée de quelque 100 000 immigrants par an réduisent l’offre et soutiennent la demande.

«De ce fait, les logements en propriété situés dans des régions meilleur marché, comme le canton de Fribourg, ont vu leurs prix augmenter plus fortement, d’environ 4% en 2023. A l’autre extrême, les prix ont même légèrement reculé dans de grands centres traditionnellement chers comme Genève», illustre l’économiste d’UBS Thomas Veraguth.

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PB
Pierre Ballay