Isabelle Paccaud a vécu le rachat de sa société de robotique Demaurex par le groupe Bosch. Elle passe dix ans dans la multinationale – 420 000 collaborateurs en 2023 – avant de la quitter pour ARC Logiciels, à Yverdon. «J’arrivais dans une entreprise d’une dizaine d’employés en 2011. J’ai été engagée pour des tâches administratives. Le côté familial avec un accès à tous sans passer par une hiérarchie m’a attirée. La possibilité de participer à l’évolution de la société et les perspectives de développement du produit étaient aussi intéressantes», explique celle qui est aujourd’hui directrice RH d’ARC Logiciels.
Depuis son arrivée, la petite structure est devenue une PME de 40 collaborateurs avec trois entités et un pied en Allemagne. Isabelle Paccaud a aussi pu participer au lancement d’une start-up proche de la société d’informatique. Elle a en outre repris une partie du cahier des charges du fondateur et s’occupe notamment des recrutements. «Nous recevons 80% de CV venant de France et de grands groupes. Nous évitons d’engager quelqu’un qui a fait vingt ans dans une multinationale. Il aura de la peine à s’adapter à nos processus de PME. Mais cela dépend aussi du caractère de la personne, évidemment», ajoute-t-elle.
Plus récemment, elle relève une forte demande des jeunes sortant des études, qui préfèrent une petite société à un géant prestigieux. Quid de l’écart salarial entre les deux? «Il est à présent minime sur les profils juniors. Dans notre secteur, les salaires des groupes ont bien diminué», observe-t-elle. Mais la rémunération ne fait pas tout. La richesse des tâches et la flexibilité sont des atouts en faveur des PME. «J’avais déjà un poste très varié chez Bosch, mais, chez ARC Logiciels, je suis au top de la diversité et j’aime ça, souligne-t-elle. Le seul point négatif est que cela empiète davantage sur ma vie privée.»
Alban Bitz démissionne de chez Bobst pour rejoindre Sofies, un bureau de conseil en durabilité racheté ensuite par DSS+.
Pour ce nouveau poste, Alain Bitz part alors deux ans en Tunisie sur un projet environnemental. «Je voulais une rupture, être patron et avoir un nouveau challenge. J’ai été servi, commence-t-il. J’ai quitté une structure de plus de 5000 collaborateurs pour une micro-société et me retrouver seul dans un contexte arabe post-révolutionnaire. J’avais une pression importante sur les épaules et perdu 40% de mon salaire.»
Il apprend à gérer la frustration, la sienne et celle de ses mandataires. L’adaptation est immense. Pour quel gain? «Travailler à 100% dans ce que j’aime, être indépendant et prendre la direction d’une entreprise, glisse le Valaisan. Sofies est passé de 10 à 80 employés avec des succursales dans trois pays. On était alors l’un des plus gros bureaux de conseil en environnement de Suisse.»
Alban Bitz a beaucoup plus travaillé, une période extrêmement intense pour une croissance très rapide. Il devient l’un des actionnaires principaux de Sofies. «Dans une petite structure, on peut plus facilement prendre des risques et faire ses expériences, note-t-il. On est aussi livré à soi-même et on apprend très rapidement. J’ai acquis des compétences en gestion de comité exécutif, en finances, en RH et dans mon métier de consultant. On devient multitâche. Je n’aurais jamais abordé tant de sujets chez Bobst. J’aurais été spécialiste d’un secteur.» Il souligne avoir démarré dans la vie avec un CFC d’électricien.
Après dix ans, Sofies décide de rejoindre le groupe DSS+, bouclant ainsi la boucle. «On se retrouve vite dans la masse, sourit-il. Mon expérience chez Bobst m’a permis de trouver mon positionnement, mais la transition a plus piqué. Le temps d’adaptation a aussi été plus long, car je me suis posé plus de questions à 45 ans qu’à 35.»
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Il y a deux ans, Sophie Burdet, cadre dans les finances de Zenith Watches (LVMH), au Locle, a choisi de travailler dans la start-up de son mari à Genève.
Un choix de carrière qui a inquiété ses proches, mais qu’elle ne regrette pas. «J’adorais mon travail et la culture d’entreprise chez Zenith, avec de très gros événements et beaucoup de collègues. Quitter un groupe de renom pour une petite structure a été difficile au départ. On peut se sentir isolé, confie-t-elle. J’avais la sécurité, un bon salaire avec des bonus d’équipe et individuels. J’ai opté pour l’inconnu.»
Ce changement professionnel est parfois mal compris au début. «La start-up est un univers beaucoup plus stimulant avec une manière de collaborer en mode projet plus agile et sans devoir faire valider son travail par x personnes ou avoir des blocages incessants», se réjouit-elle. La possibilité de télétravailler à un taux de 80% et le temps gagné dans les trajets quotidiens – qui étaient de plus de deux heures par jour – font vite oublier la diminution salariale.
Depuis son arrivée chez GeniusCount, une société qui développe un logiciel pour les fiduciaires, l’effectif est passé de six à douze personnes et les compétences de Sophie Burdet ont bondi. «J’ai appris différents langages informatiques, la communication digitale et, actuellement, je prépare un projet de financement avec Microsoft, énumère-t-elle. Tout va beaucoup plus vite que dans un groupe où les formations sont généralistes et les possibilités de mobilité souvent de la poudre aux yeux.» Elle relève que se former sans cesse demande aussi beaucoup d’énergie.
Suivant cette même direction, une de ses amies vient de démissionner de chez Rolex, lasse de ne pas voir les projets avancer. «Les jeunes quittent les grandes structures car ils ne veulent plus être tranquilles au bureau. Ils veulent un environnement stimulant et de la flexibilité dans les horaires», conclut-elle.
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