Qu’il s’agisse de moderniser un site existant, de se doter d’une vitrine au moment de lancer son activité ou de vendre ses produits en ligne, le web n’est plus vraiment un choix, mais un impératif indispensable pour qui veut être visible et exister face à ses concurrents. Reste à savoir comment et à quel prix… Des questions d’autant plus complexes que les dirigeants d’entreprise font face à une abondance d’offres dont la lecture n’est pas toujours facile. «On voit de tout sur le marché, avec des solutions qui vont de quelques centaines de francs à 15 000 francs», témoigne Raphaël Dupertuis, consultant web indépendant et cofondateur de l’agence vaudoise Kudos. Un avis partagé par le Genevois Franck Anthonioz, de l’agence Edenweb: «L’échelle de prix peut varier de 1 à 8 pour des offres dont la différence ne saute pas aux yeux.»

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Les défauts du low cost

A chaque solution son coût, ses avantages et ses inconvénients, mais la plupart des professionnels – du côté des agences comme des PME – alertent sur certaines faiblesses des offres à bas coût comme Wix ou Jimdo. Ces plateformes proposent pour quelques francs par mois un hébergement et des modules prêts à l’emploi, conçus pour permettre à un chef d’entreprise de créer son site de chez lui, rapidement et sans efforts apparents.

Le piège? Outre une architecture qui ne facilite pas le référencement naturel sur des moteurs comme Bing ou Google et l’insertion de publicités toujours gênantes sur un site professionnel, ses utilisateurs ne sont pas réellement propriétaires de leur nom de domaine et de leurs pages. Wix n’étant pas une solution «open source», impossible d’emporter son site le jour où on souhaite aller voir ailleurs: il faudra repartir de zéro.
Sans compter que ces modèles reposent sur des abonnements mensuels et non sur une prestation livrée et payée une bonne fois pour toutes. «Une partie des chefs d’entreprise vivent dans l’illusion que le web est gratuit et tentent de tout faire eux-mêmes, avant d’en revenir quand ils constatent que ce n’est pas si simple», observe Franck Anthonioz, qui souligne que la plupart des agences sont elles-mêmes des PME, donc bien placées pour comprendre le souci des dirigeants d’entreprise d’investir au bon prix et à bon escient.

Avant de se tourner vers des agences spécialisées, d’autres solutions intermédiaires existent. Sylvie Dutoit est la fondatrice d’Agripassion, une société qui commercialise des jouets et des modèles réduits liés au monde agricole. Elle a complété son magasin physique de Pailly (VD) par un site de vente en ligne en 2008, pour toucher des clients trop éloignés ou trop occupés pour se déplacer. Face à l’abondance de solutions, la cheffe d’entreprise opte pour YourShop, une offre de boutiques en ligne qui intègre des solutions de paiement sécurisé complètes, de la carte de crédit aux transactions par PayPal. L’avantage: une fois le site en ligne, YourShop se rémunère uniquement via un pourcentage sur les ventes. «Si je ne vends rien, je ne paie rien», résume Sylvie Dutoit, toujours satisfaite de son choix après dix ans. L’inconvénient: à elle de gérer plus de 3000 références, en intégrant photos et descriptifs.

Les agences: conseil et expertise

Lorsque l’on est à la recherche d’une solution non standardisée et de services plus affinés, passer par des agences spécialisées devient une nécessité. Elles seules sont à même de proposer une offre sur mesure, capable de répondre à des enjeux complexes: référencement, architecture, graphisme, ergonomie, SAV, suivi dans la durée, formation aux outils de gestion de contenus, conseil en stratégie numérique, initiation à l’usage des réseaux sociaux…

«La plupart des chefs d’entreprise ne s’y connaissent pas vraiment sur le plan technique et attendent de nous une dimension de conseil, voire de coaching», remarque Raphaël Dupertuis. Une expertise précieuse puisque les besoins ont évolué, insiste Jasper King, de l’agence Digital Romandie: «Tout a changé avec l’explosion de l’usage du mobile ou la nécessité d’être «Google friendly». Etre relégué en deuxième page d’une recherche Google revient à ne pas exister.» Dangereux, à l’heure où une recherche sur deux se fait sur mobile, et «jusqu’à 70% dans des domaines comme l’hôtellerie-restauration».

Tarifs en baisse

Globalement, les acteurs du secteur interrogés insistent sur un point: sur un marché très concurrentiel, les prix des agences ont tendance à baisser ces dernières années. «Les tarifs moyens pour un site «Google friendly» et «responsive» (qui s’adapte automatiquement aux smartphones et tablettes, ndlr) tournaient autour de 6000 à 8000 francs voici quelques années et se situent plutôt autour de 3000 à 4000 francs aujourd’hui», résume Franck Anthonioz. Le spécialiste insiste cependant sur le fait qu’un prix ne veut rien dire en soi. «Notre rôle consiste à expliquer à un client qu’il a plus intérêt à dépenser 1500 francs en développement et 1500 francs en référencement plutôt que 3000 francs pour un site plus accompli sur le seul plan du design.»

Cette expertise a été un critère essentiel aux yeux d’Ana Olivera lorsqu’elle a créé le site Tissu & Co en 2014, une boutique en ligne destinée aux amateurs de couture et de do-it-yourself. Elle a confié son développement à l’agence Edenweb, sur la foi d’un devis précis doublé des recommandations de son entourage. «Le professionnalisme de l’agence web est d’autant plus important pour moi que des transactions financières se font sur le site, des paiements, des solutions de crédit… Une solution robuste et sûre n’est pas un luxe, c’est une obligation.»

Même son de cloche du côté de Luc Dupuis, du cabinet genevois Anticipe, spécialisé dans l’accompagnement de carrière et le conseil en gestion d’entreprise. Lorsqu’il a fallu moderniser son site, créé en 2003 et devenu doucement obsolète, le dirigeant n’a pas retenu l’offre la moins chère, trop peu crédible, ni la plus chère d’ailleurs (8000 francs). «Je cherchais un mélange de compétence technique et d’accompagnement. L’agence retenue a pris le temps de comprendre nos besoins pour affiner son offre.» Bilan: une facture de 4500 francs pour un site fiable, moderne et adapté. Et le sentiment d’avoir bénéficié d’une réelle écoute, assortie d’une formation aux outils de gestion de contenus sommaire, mais largement suffisante.

Alors faut-il se débrouiller dans son coin, passer par une agence web, préférer un free-lance ou l’une des nombreuses plateformes de création de sites en ligne, avec leurs promesses de quasi-gratuité? Autant de questions qui n’appellent aucune réponse standardisée mais plutôt à examiner chaque solution de près (lire encadré ci-dessus). «Un site web est une technologie plus ou moins complexe, comme une voiture. Dans les deux cas, tout dépend de ce que l’on souhaite en faire», résume Monique Delarze, directrice de l’agence de communication lausannoise du même nom. Pour elle, le web n’échappe en somme pas à une règle qui vaut pour tous les outils de communication: «Tout part du contenu.» C’est en le travaillant qu’on peut cerner ses besoins et choisir la solution la plus adaptée à ses besoins et à son budget.

Enfin, comment appliquer le règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD), entré en vigueur en mai dernier? Celui-ci vise à mieux protéger les données personnelles des consommateurs de l’Union européenne: meilleure information, protection renforcée… La Suisse est-elle concernée? Les PME doivent-elles s’adapter? Indirectement parfois, explique Jasper King, de l’agence Digital Romandie. «Les entreprises hors UE sont concernées lorsqu’elles traitent les données personnelles de clients européens.»

Le RGPD, au cas par cas

Si les choses sont claires pour Google, Facebook ou encore Airbnb, tout se joue au cas par cas pour les PME romandes. «Tout dépend de leur activité. Un artisan ou un commerçant qui réalise la quasi-totalité de son chiffre d’affaires en Suisse n’est pas concerné au même titre qu’un e-commerçant qui livre des clients en France ou en Allemagne.» Quoi qu’il en soit, pas de panique: «Nous sommes là pour alerter nos clients si nécessaire mais, dans la plupart des cas, il suffit le plus souvent de compléter le site existant.»


Les bons réflexes à avoir

  1. Comparer: face à la masse d’offres disponibles, ne pas se compliquer la vie peut être tentant. Mieux vaut pourtant prendre le temps de comparer en détail les offres de plusieurs prestataires.
  2. Se former: nom de domaine, hébergement, référencement, CMS, site «responsive»… Même si le jargon du web peut sembler rebutant, un minimum de maîtrise du vocabulaire de base sera utile pour estimer différents devis.
  3. Rencontrer: rien ne remplace un échange direct avec un prestataire potentiel qui prend le temps d’écouter et aide à préciser les besoins.
  4. Cibler: solliciter de grosses agences habituées aux grands comptes n’est pas nécessairement utile. Mieux vaut se tourner vers des prestataires qui travaillent régulièrement avec des PME et en comprennent les besoins et les contraintes.
  5. Détailler: prendre le temps de se faire expliquer en détail chaque prestation, notamment pour ce qui concerne le service après-vente une fois le site mis en ligne: en cas de problème, que prévoit le prestataire, dans quels délais et à quel prix?
  6. Préciser: photos, vidéos, textes, logos… En matière de contenus, prendre le temps de préciser qui fournit quoi, de la PME ou du prestataire, est essentiel pour ne pas devoir trouver des solutions en urgence lorsque le site est déjà avancé sur le plan technique.
  7. Se protéger: il faut veiller à ce que les solutions techniques proposées soient «open source» et notamment les CMS, ces logiciels qui permettent de gérer les contenus du site une fois celui-ci livré. C’est ce qui permet de ne pas être prisonnier de son prestataire si l’on souhaite en changer un jour.
JP
Jean-Christophe Piot