Le navigateur genevois Alan Roura et son bateau La Fabrique a créé la sensation en juillet en battant le record de la traversée de l’Atlantique Nord en solitaire et en monocoque au départ de New York. L’homme est un habitué des exploits. A 23 ans, il était le plus jeune navigateur à boucler le Vendée Globe, course autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance. A bord d’un des plus vieux bateaux de la flotte et doté d’un des plus petits budgets, il a achevé sa course à une excellente douzième place.

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Alan Roura a aussi participé à la Transat Jacques Vabre en 2017 et 2019, à la Route du Rhum 2018, et prépare aujourd’hui le Vendée Globe 2020. Rencontre avec Alan Roura au début du mois de juin, à la Nautique à Genève, pour comprendre comment le navigateur mène sa barque, à la tête d’une véritable petite PME à Lorient, en France. Il nous décrit aussi ses relations avec son sponsor principal, l’entreprise vaudoise La Fabrique, spécialisée dans la boulangerie et dirigée par la famille Cornu à Champagne.

Alan Roura, comment est-ce que vous vous organisez dans un monde de la voile qui demande énormément de moyens?
Techniquement, nous avons monté une petite PME de six personnes  à Lorient, en Bretagne, pour préparer le bateau avant les courses et s’occuper de toutes les démarches administratives, comptables ou financières. C’est donc sur tout un système de ramifications et d’interactions diverses que repose la bonne marche du projet. Les rôles sont bien définis mais tout le monde est multi-tâches et il n’y a pas de hiérarchie. J’ai appris à déléguer et à m’entourer des bonnes personnes.

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Alan Roura
© Blaise Kormann/L'Illustré

Quels sont les métiers dans la «PME Roura»?

C’est un peu comme dans une entreprise classique. Nous avons entre autres un directeur technique, une responsable administrative et financière, une personne pour la communication, un co-skipper (Sébastien Audigane avec lequel il va courir trois courses en double, ndlr) et des techniciens. Lorsque je suis en mer, la vie à terre continue et je dois pouvoir compter sur eux pour faire tourner la société. C’est primordial dans l’organisation.

Vous êtes donc un navigateur/entrepreneur?

Oui, c’est exactement cela. En dehors des courses, j’essaye de participer aussi activement que possible aux chantiers de La Fabrique, au plus près de mon équipe. J’apprends ce rôle de «leader» sur le tas ainsi que les obligations d’un patron, comme par exemple le suivi rigoureux du budget. En résumé, je suis chef d’entreprise et team manager du projet.

Le budget, justement. Vos projets sont ambitieux et il faut faire tourner votre «entreprise». Comment réussissez-vous ce double exploit, outre ceux vécus sur les mers, à seulement 26 ans?

Nous avons la chance d’avoir comme sponsor La Fabrique, gérée par la famille Cornu, qui nous suit depuis 2016. Le budget jusqu’à 2021 a été validé, c’est une énorme satisfaction et une grande motivation. Mais nous devons continuer à chercher des partenaires pour l’avenir et assurer de la visibilité, 2020 sera une année charnière. A ce sujet, nous aimerions trouver un partenaire pour un nouveau bateau en vue du Vendée 2024, par exemple en co-naming.

Le message est passé... Comment décrocher des sponsors en Suisse?

Il faut dépenser beaucoup d’énergie et rencontrer de nombreuses personnes en défendant le projet un peu partout. La Fabrique nous avait contactés deux mois avant le départ du Vendée 2016, suite à un article dans le quotidien 24 heures. J’avais alors rencontré à Champagne un des membres de la famille Cornu qui est de ma génération  et qui défend les mêmes valeurs que moi. Nous avons ensuite signé les contrats.

Vous venez d’ailleurs de décrocher un nouveau sponsor?

C’est exact. La société de Lausanne Pemsa, active dans la délégation de personnel dans les secteurs techniques du bâtiment, rejoint le pool de partenaires de La Fabrique Sailing Team en tant que troisième sponsor officiel (avec Swisspro et Prodis, ndlr).

Quel est votre budget de fonctionnement?

Il est d’environ 4 millions pour 4 ans, sans le prix du bateau qui appartient à La Fabrique.

Vous préparez le Vendée Globe 2020, une course très renommée…

C’est mon objectif principal et cela représente environ quatre années de préparation pour naviguer sur un bateau de génération plus récente, qui partira le 8 novembre 2020. Je serai à la barre d’un nouveau monstre, l’ex-MACSF de Bertrand de Broc et premier 60 pieds d’Armel Le Cléac’h, avec lequel le dernier vainqueur du Vendée Globe avait terminé deuxième en 2008.

Outre la voile, vous êtes vous-même parrain d’une belle association!

Oui, la Fabrique Sailing Team a choisi de soutenir l’association suisse Zoé4Life, qui œuvre auprès des enfants atteints du cancer et de leurs familles. Et je suis parrain de r’Ose Transat, un projet louant les vertus du sport et plus particulièrement de la voile dans le cadre de la reconstruction des femmes après un cancer du sein. L’initiatrice du projet est Elisabeth Thorens-Gaud, elle a rassemblé les équipières, époux, familles, sponsors et donateurs, bénévoles ainsi que les contributeurs, pour une belle aventure de voile humaine. Plusieurs femmes qui ont été victimes du cancer du sein ont en effet repris la barre de leur destin pour effectuer une traversée de l’Atlantique entre elles, prévue cet automne.


Justine Mettraux une championne à soutenir

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Justine Mettraux
© Jean-Christophe Bott/Keystone

La Genevoise Justine Mettraux s’est fait remarquer avec sa 7e place dans la course Solitaire du Figaro. Depuis 2011, elle bénéficie du soutien de l’entreprise informatique genevoise Teamwork. «L’investissement est d’environ 250 000 francs par an, ce qui comprend le budget de fonctionnement total du bateau, mon salaire et le coût de mon préparateur à temps partiel. Le bateau est la propriété de Teamwork et ne fait pas partie du budget. Je pense que l’on a une bonne relation de confiance et d’amitié qui va au-delà d’une relation de sponsoring.»

Justine Mettraux prépare la prochaine Ocean Race (tour du monde en équipage) qui aura lieu en 2021/2022 avant de revenir au solitaire et préparer le Vendée 2024, tout en continuant sa recherche de sponsors. «Je n’ai pas d’autres aides à part des fournisseurs techniques et la Société nautique de Genève qui m’a soutenue deux années de suite. Aujourd’hui, ce ne sont malheureusement pas les marins qui sont les plus performants qui trouvent le plus de sponsors, mais souvent les meilleurs communicants», déplore la championne, qui est actuellement la seule Suissesse à faire de la course au large en solitaire. «Je pense avoir prouvé ces dernières années que j’étais une des femmes performantes du moment en solitaire et en équipage au travers de mes résultats en mini, en Figaro, en Class 40 et en VOR.»

 

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Edouard Bolleter