Depuis le 15 septembre, chaque voyageur se rendant aux Seychelles utilise l’interface de Travizory. «Les retours sont très positifs, se réjouit Ygor Lutz, cofondateur de la start-up neuchâteloise née en juin 2019. Un avion de 250 personnes nécessite deux à trois heures de formalités douanières à l’arrivée, contre une demi-heure grâce à notre système. Avec la pandémie, les gouvernements veulent absolument une expérience sans contact, ni attroupement de voyageurs. Les passagers marchent simplement sous une arche de bienvenue et rejoignent ainsi les hôtels ou les logements accrédités par les autorités car respectant les exigences covid.»

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Créée il y a un an, l’application mobile de Travizory visait initialement à lutter contre la criminalité et le terrorisme. Regorgeant d’intelligence artificielle et de machine learning, l’outil propose un système embarqué de gestion des identités. Désormais, la solution a intégré les données sanitaires covid, comme le scan du test PCR ou, plus récemment, du test antigène rapide. L’intérêt a dès lors explosé, au point que cet été Travizory s’est déjà muée en scale-up, passant de 6 à 40 employés. La pépite de Microcity est aujourd’hui assaillie de demandes provenant du monde entier.

Première cible: les pays sans politique de visa

«L’idée était d’anticiper toutes les démarches sécuritaires. Le voyageur peut ainsi s’enregistrer et scanner lui-même son passeport et son carnet de vaccination, où qu’il soit, chez lui ou à son agence de voyages. Il obtient ainsi une autorisation de voyage, sous forme de code QR, à utiliser tant à l’aéroport qu’à la frontière, à l’hôtel ou chez le loueur de voitures», explique le dirigeant natif de Neuchâtel. Un selfie garantit la correspondance biométrique avec la photo de votre carte d’identité.

Les données personnelles sont stockées dans des data centers et détruites après usage, selon la régulation RGDP. Les passagers, mais également les gouvernements et les compagnies aériennes, voient ainsi diminuer les désagréments, tels que les files d’attente et les innombrables documents à compléter.

«Avant le covid, nous visions un marché de 150 Etats dépourvus de politique de visa. La plupart de ces pays doivent encore se mettre aux normes et communiquer l’identité des personnes entrant sur leur territoire, avant l’embarquement, selon les exigences des Nations unies et de l’aviation civile (ICAO). Mais depuis cet été, il y a une accélération des demandes», mentionne Ygor Lutz, également Chief Revenue Officer (CRO).

Travizory a d’abord développé sa plateforme pour des îles de l’océan Indien ou des Caraïbes, car celles-ci ont un besoin aigu de voir revenir les touristes, tout en évitant absolument la propagation du virus. Par chance pour la start-up, pour la mise en place de sa cellule initiale aux Seychelles, la première compagnie d’aviation européenne à rouvrir cette ligne était Edelweiss Air.

Nous sommes des vétérans de l’industrie aéronautique et sécuritaire. La moyenne d'âge de l'équipe dirigeante est de 50 ans.

Plusieurs autres destinations d’Amérique du Sud ou d’Afrique devraient utiliser prochainement le logiciel suisse. A noter que même des pays disposant déjà d’un mode avec visas électroniques s’intéressent à cette nouvelle génération d’autorisation de voyage. «Personne n’a un système aussi abouti d’identification, grâce au scan du passeport depuis son smartphone et incluant toutes les évaluations de risques sécuritaires et sanitaires, appuie Ygor Lutz. Avec le déploiement du test antigène rapide, dont le résultat peut être directement scanné dans notre application, nous percevons beaucoup d’espoir de la part de l’Association internationale du transport aérien (IATA) et des gouvernements.»

Un espoir pour de nombreux secteurs

Une autre réouverture de pays via Travizory est prévue ces prochaines semaines, entre deux nations d’Amérique du Sud, sur une ligne de bateau cette fois. Elle intègre également le ticketing. On le voit, la problématique de gestion des identités, en amont, dépasse le secteur des transports aériens. «Nous sommes en discussion avec de grands clubs de football pour trouver une solution incluant joueurs, supporters et leurs accès aux stades. Pareil avec d’autres fédérations sportives, ainsi que des organisateurs d’événements, d’expositions ou encore des compagnies ferroviaires, poursuit le CRO. Même des entreprises du privé et du public, qui souhaitent mieux contrôler les accès des employés et des visiteurs, nous ont approchés. Nous travaillons 7 jours sur 7 pour répondre à la demande dans un temps raisonnable.» Face à une telle traction des marchés, la première levée de fonds de 2 millions de francs de l’été dernier n’est plus suffisante.

Pour doubler les effectifs et accélérer encore le développement, une deuxième levée de 10 à 20 millions de francs est attendue pour février ou mars prochain. «Nous ne sommes plus dans du «early stage». Nous devons accélérer notre croissance, souligne Ygor Lutz. Les opportunités sont là et nous savons que nous allons les matérialiser, car les négociations sont avancées. Mais aujourd’hui, il nous faut plus de ressources.» Des venture capitalists se manifestent de toutes parts: Europe, Suisse, Moyen-Orient et Etats-Unis.

La société compte actuellement 14 personnes au siège de Neuchâtel, 12 spécialistes web au Liban, 7 informaticiens en Irlande et des agents en Amérique du Sud et en Afrique. Cette configuration géographique à distance s’explique facilement. Une partie du noyau dur de Travizory est constituée d’anciens ingénieurs informatiques et spécialistes de la biométrie de Sita, la société internationale de télécommunication aéronautique, qui gère notamment l’IT de l’aviation mondiale. Renaud Irminger, cofondateur et CEO de Travizory, a d’ailleurs été responsable de l’innovation pour Sita pendant douze ans.

«Une start-up de vieux»

«Nous sommes des vétérans de l’industrie aéronautique et sécuritaire, souligne Ygor Lutz, 50 ans. La moyenne d’âge de notre équipe dirigeante est de 50 ans et nous cumulons 230 années d’expérience entre la sécurité, la biométrie, la gestion des identités, les applications web. On a une mentalité de start-up, mais un leadership propre à l’industrie traditionnelle. Nous avons choisi de nous installer à Neuchâtel, car Renaud et moi avons grandi ici. Nous sommes aussi mieux placés, entre Bienne, Berne, Yverdon et La Chaux-de-Fonds, pour trouver des développeurs, qui sont surtout moins coûteux ici que ceux de l’EPFL. Nous avons également comparé les conditions des incubateurs entre Vaud et Neuchâtel et elles étaient meilleures à Neuchâtel.» Une transparence et un franc-parler dignes d’un millénial, avec, en plus, une priorité mise sur l’efficacité.

Portée par un tel élan, Travizory ne serait-elle pas une future licorne? Ygor Lutz, caméléon de la biométrie et des technologies embarquées, répond en souriant: «On n’y pense pas. Personnellement, j’ai passé ma vie dans les avions et les aéroports, d’où l’idée de faciliter l’expérience du voyageur. Avec la multiplication des contrôles de sécurité, c’était devenu un calvaire de prendre un vol.»

Le cofondateur de la jeune pousse s’interrompt un instant, cherchant les mots pour évoquer leur succès, alors que tant d’entreprises souffrent de la crise actuelle. «Le covid a été un catalyseur. Nous présentons Travizory aujourd’hui à des dirigeants d’Etat et à des investisseurs. Mais à la base, nous cherchions surtout à répondre à des problèmes concrets qui touchaient les voyageurs et les compagnies aériennes. Nous sentons un énorme intérêt autour de nous. Les gens veulent de nouveau pouvoir se rencontrer et se déplacer librement.»