Ouvrir un compte bancaire en ligne sans frais, tout en obtenant une carte de crédit gratuite, le tout en moins de dix minutes: c’est l’offre proposée depuis quelques mois par la start-up Neon via une application pour smartphone. «Aucun formulaire papier n’est nécessaire, assure Michael Noorlander, cofondateur. La seule contrainte concerne l’authentification du client via un appel vidéo avec un de nos agents. Mais nous allons aussi introduire une solution d’identification par l’intermédiaire d’une photo pour les clients qui ne seraient pas à l’aise avec la vidéo.»

également interessant
 
 
 
 
 
 

Deuxième du genre, après l’application Zak, proposée par la Banque Cler (ex-Banque Coop), la proposition de Neon a suscité l’intérêt de l’éditeur Tamedia. Après une prise de participation chez Lykke, une plateforme de gestion des cryptomonnaies, le groupe de médias zurichois vient ainsi d’investir au capital de la jeune fintech zurichoise, sans toutefois que le montant et l’ampleur de la participation soient précisés.

Des charges réduites au minimum

L’application de Neon utilise l’infrastructure ouverte de la banque argovienne Hypothekarbank Lenzburg (HBL). L’établissement assure la tenue des comptes des clients de Neon et de toute la partie IT, permettant à la carte de débit de la start-up d’être connectée aux systèmes de paiement du monde entier. HBL perçoit ensuite les commissions sur les transactions effectuées et les comptes hébergés. «Cette collaboration avec une jeune société issue du secteur de la fintech est stratégiquement importante, car elle permet de nous diversifier et d’augmenter nos revenus», explique André Renfer, membre de la direction générale de HBL.

Comment Neon se finance-t-elle? En l’absence de revenus provenant des frais de gestion de compte, la start-up reporte la perception de commissions sur les achats faits via les cartes de crédit, des frais lors de retraits aux distributeurs de billets et les écarts de taux de change. En matière de charges, la société affirme opérer avec une structure de coûts très basse, grâce à une équipe de seulement dix personnes, dont une partie est basée à Munich. «Pour atteindre la rentabilité, nous devons compter plusieurs dizaines de milliers de clients», précise Michael Noorlander.

Avec son application aux couleurs flashy, Neon cible en priorité les milléniaux, soit les hommes et femmes nés entre 1980 et 2000. «La sensibilité bancaire de la génération Y est différente de celle de ses aînés, explique Ruediger Fahlenbrach, professeur au Swiss Finance Institute (SFI) de l’EPFL. Les milléniaux recherchent avant tout une solution simple pour abriter un compte salaire et effectuer quelques paiements sans avoir besoin de tous les autres services financiers.» Depuis son lancement, la jeune société a séduit «plusieurs milliers» de clients, dont la majorité est basée à Zurich. L’objectif de cette année est de doubler le nombre de clients. Un but ambitieux, alors que son concurrent Zak revendique déjà 14 000 utilisateurs un an après son lancement, dont 60% ont entre 18 et 35 ans.

Bientôt Google Pay et Apple Pay

«Il y a toujours une certaine méfiance des Suisses à l’égard des nouvelles banques, remarque Dominique Turpin, professeur de marketing et ancien président de l’IMD Business School à Lausanne. L’avantage de Zak réside dans sa filiation avec la Banque Cler, qui est connue depuis près d’un siècle, et ce, dans toute la Suisse. Contrairement à Hypothekarbank Lenzburg. Pour Neon, il faudra certainement quelques années encore avant d’atteindre ce seuil.»

Pour Damir Filipovic, également professeur au SFI de l’EPFL, le grand défi de Neon est à venir. «En Suisse, le marché bancaire est saturé. Il sera difficile de trouver de nouveaux clients. Mais si elle y parvient, la société devra revoir sa politique de coûts car les charges vont forcément augmenter. Et il faudra alors trouver d’autres sources de revenus.» L’entreprise fintech zurichoise a ainsi prévu de rejoindre l’écosystème de Google Pay d’ici à cet été et compte aussi travailler avec Apple Pay.

TP
Tiago Pires