On pensait que seuls les sportifs ou les stars avaient droit à des assurances excessivement personnalisées, voire excentriques. Assurer un pied, un bras, une main? Tout s’assure dans le monde des millionnaires surdoués. L’exemple du footballeur Cristiano Ronaldo est révélateur d’un phénomène versant souvent dans l’exagération. En cas d’invalidité de la star portugaise, une assurance proposait en effet que son club touche quelque 130 millions de francs! Autre exemple: le Real Madrid avait contracté une série d’assurances contre toute blessure ou le décès de Zinédine Zidane. Pour environ 380 000 francs annuels, le club s’était assuré que, en cas d’invalidité permanente ou de décès, il se trouverait remboursé de son investissement. Le salaire était par ailleurs payé par la compagnie d’assurances si le footballeur français se blessait…

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En contactant les professionnels, assureurs et courtiers en Suisse romande, on se rend compte que sur le très sérieux marché des assurances, des produits sont également créés pour des situations spécifiques, suivant les demandes et besoins des clients. Çà et là fleurissent des propositions inédites. Du club de football qui doit assumer financièrement sa promotion en passant par la PME qui perd un cadre irremplaçable ou les dégâts que risque de provoquer le Brexit sur une entreprise suisse qui travaille avec la Grande-Bretagne, les produits innovants sont légion cette année.

Nul n’est irremplaçable? Pas forcément

TSM Compagnie d’Assurances, basée à La Chaux-de-Fonds et disposant de plusieurs entités romandes, fait preuve d’esprit novateur dans le domaine des produits d’assurance avec plusieurs propositions très spécifiques. Créée en 1921 en lien avec le monde horloger, la société estimait que les conditions offertes alors par les assureurs étaient trop communes, notamment dans le domaine des transports. Après des décennies d’activité, le groupe a gardé son esprit précurseur. Après plus de 90 ans d’existence, elle reste spécialisée dans le domaine de l’assurance transport, mais certains de ses produits sont uniques dans leur genre.

Parmi les assurances véritablement personnalisées susceptibles d’intéresser les PME, celles concernant les personnes dites «uniques». TSM propose en effet une assurance qui vise à maintenir l’activité de l’entreprise en cas de problème de santé d’une ou plusieurs personnes clés, comme le résume le slogan de la société: «Prémunissez-vous d’un préjudice important en cas d’absence inopinée – accident, maladie entraînant une incapacité totale, décès – d’un de vos employés ayant un savoir-faire unique ou un expert dans un domaine complexe exerçant une compétence spécifique.» Et si l’adage prétend que «nul n’est irremplaçable», l’assureur propose néanmoins une porte de secours!

S’assurer contre le… Brexit!

Du côté du géant Bâloise, l’inattendu est également de mise. Fort de son rayonnement et de son expérience internationale, le groupe suisse colle à l’actualité et anticipe des événements potentiellement très impactants pour de nombreuses entreprises suisses. En l’occurrence, il s’agit du Brexit qui secoue depuis des mois l’Europe entière. Car si la date et les conditions de retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (UE) restent incertaines, les conséquences pourraient devenir importantes pour certaines de nos PME suisses.

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Le 14 mars, la grève du zèle des douaniers français, inquiets face au post-Brexit, bloquait le trafic sur l'A16 en direction de l'Eurotunnel.
© D.Charlet/AFP

Si le «no deal» devait se produire, les accords bilatéraux – tels qu’ils existent par exemple entre la Suisse et l’UE – ne s’appliqueraient plus dans le cas de la Grande-Bretagne. Cette situation influencerait à plusieurs égards le processus de transport, notamment. Il n’est en effet pas encore défini quels seront les droits de douane prélevés, même avec la Suisse. «Il faut partir du principe que l’instauration de contrôles douaniers modifiés entraînera des goulets d’étranglement et de longs embouteillages aux postes-frontières, ce qui influencera la chaîne logistique», prévient d’ailleurs l’assureur.

De nouveaux frais et de nouvelles prestations à fournir seront envisageables. Les contrats de vente entre acheteurs et vendeurs ainsi que les contrats de transport entre expéditeurs, transporteurs et commissionnaires expéditeurs pourront en être affectés. L’allongement des files d’attente aux bureaux de douane et les embouteillages en résultant pourraient mener à une augmentation des dommages, pour les marchandises par exemple à la suite d’un vol, d’une altération ou d’influences de la température. Cela peut se traduire par d’autres pertes financières dues à des interruptions dans les chaînes logistiques et à des pénalités contractuelles.

«Nous recommandons de conclure des accords clairs avec les expéditeurs et de préciser clairement que des ralentissements lors du dédouanement sont à prévoir pour une durée imprévisible. Ces conséquences non définitives doivent être prises en compte, préparées et clarifiées même dans de courts délais avant la réalisation de transports de ou vers la Grande-Bretagne», argumente la Bâloise.

Des sports et des risques

La société PSPI est, entre autres, spécialisée dans le sport automobile. «Lorsque la passion se professionnalise, la réalité rattrape la fiction. Et quand au statut de coureur professionnel vient se greffer celui de père de famille, avec toutes les responsabilités que cela incombe, la raison semble l’emporter sur cette touche de folie intrinsèquement liée à une profession considérée comme très risquée», détaille la fondatrice, qui a notamment comme client le coureur professionnel Loïc Duval, vainqueur de l’édition 2013 des 24 Heures du Mans et consultant sur Canal + pour la F1.

A Genève, Bula Assurances propose notamment des produits liés aux sports d’élite. La liste des prestations est aussi hétéroclite qu’intéressante. L’assureur offre par exemple aux clubs de football des assurances en cas de promotion, de titre de champion national ou de vainqueur de la coupe! «Il faut savoir que les clubs promettent de grosses primes aux joueurs en cas de titre. Nous les couvrons effectivement dans ces cas-là», confirme Raphaël Bula, directeur de la société. Celle-ci a d’ailleurs comme cliente Lara Gut, qui s’est assurée pour toucher des indemnités journalières en cas d’accident ou de blessure. Ce qui vient d’être malheureusement le cas pour la skieuse, sa protection ayant alors été immédiatement activée.


Deux millions pour la libération du patron

A l’étranger, les employés travaillant dans des zones à risques sont des cibles de choix, et les assurances actives dans le domaine des enlèvements et des demandes de rançon se font très discrètes. Le risque est pourtant bien réel. Par Johannes J. Schraner (HandelsZeitung)

En janvier 2016, plus d’une trentaine d’hommes, pour certains lourdement armés, attaquent à l’aube le site d’extraction de gaz de Tiguentourine. Cette région désertique d’Algérie orientale, proche de la localité d’In Amenas, est située non loin de la frontière libyenne. Les islamistes prennent en otage 130 techniciens étrangers venus d’une trentaine de pays, dont la France, la Grande-Bretagne, le Japon, la Norvège et les Etats-Unis, qui officient comme spécialistes pour une cinquantaine d’entreprises du monde entier. Les forces armées algériennes donnent l’assaut. Bilan: la majorité des terroristes sont tués, mais 38 otages périssent dans les combats ou sont exécutés. La prise d’otages d’In Amenas fait partie des actions les plus spectaculaires à ce jour. Bien que n’ayant pas pour but la demande d’une rançon, elle rappelle le danger potentiel auquel des employés envoyés à l’étranger peuvent être exposés.

«Il existe toujours des dangers invisibles et inconnus pour un employé envoyé à l’étranger, que ce soit pour peu de temps ou durablement», souligne Denise Balan, de l’assurance spécialisée XL Catlin, qui forme depuis un an, avec Axa Corporate Solutions, Axa Art et Axa Matrix, la nouvelle division assurance de choses, responsabilité civile et risques spéciaux AXA XL. Elle serait le plus grand prestataire d’assurances d’entreprises de la planète. Il est difficile d’évaluer l’importance en Suisse de ce marché de niche que forment les polices «kidnapping et rançon» (Kidnap and Ransom, ou K&R), car les prestataires opèrent, cela va de soi, dans la plus grande discrétion.

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Sabine Alder, Association suisse d'assurances.
© DR

«Question rançons, il y a lieu de se rappeler que la discrétion est essentielle, car il n’y a aucun intérêt à publier où et dans quelles conditions ces assurances entrent en action», explique Sabine Alder, de l’Association suisse d’assurances (ASA). Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la Finma n’énumère pas séparément les chiffres des assureurs à ce sujet.

En majorité des autochtones

Une estimation du groupe d’assurances américain AIG parlait en 2015 de 15 000 enlèvements assortis de rançon. Celle-ci aurait été payée dans 68% des cas, pour un total de quelque 500 millions de dollars. Une autre estimation de la branche de l’assurance indique que, dans 90% des cas au moins, les victimes ne sont pas des étrangers mais des autochtones, pour lesquels il ne faut en général payer «que» quelques centaines ou milliers de dollars. «En Suisse, le marché des K&R reste stable, à la différence de celui de la cybercriminalité, qui est dynamique», révèle Konrad Hugo, de Walser Assurances et Prévoyance, basé à Rüschlikon (ZH).

Actif depuis trente ans dans le secteur, il place avec son équipe des polices K&R destinées avant tout à des employés de grandes entreprises, notamment du secteur financier, mais aussi aux expats d’ONG, à des journalistes et à leurs éditeurs, ainsi qu’aux représentants de PME. Konrad Hugo collabore avec le groupe d’assurances AIG. Sur la liste noire de ce dernier figurent 31 Etats, notamment l’Afghanistan, l’Algérie, l’Egypte, la Biélorussie, le Venezuela ou la République centrafricaine, mais aussi l’Inde, le Kenya, Cuba, le Mexique, la Turquie et le sud des Philippines.

Une police K&R intégrale ne couvre pas que les coûts de rançon et d’extorsion, mais aussi d’éventuelles pertes lors de la remise de la rançon ainsi que les coûts de conseil juridique, de services de sécurité, tout comme les coûts de voyage et d’hébergement de la personne assurée. Autres éléments assurables: les coûts éventuels d’interruption d’activité, de rapatriement urgent pour raisons politiques, de remise sur pied, de réhabilitation et de dommages à la personne.

Pour les spécialistes K&R, une règle d’or énonce qu’un conseiller a bien travaillé quand l’honoraire ne dépasse pas le montant de la rançon. A noter que les montants couverts peuvent aller jusqu’à plus de 50 millions de francs pour l’employé d’une entreprise. L’éventail des primes annuelles s’étend de 2000 francs par employé de petite entreprise à 250 000 francs pour un dirigeant important.

EdouardBolleter
Edouard Bolleter