Après avoir annoncé lundi être en "discussions (...) en vue d'un éventuel rapprochement" avec OneWeb, dont il est déjà actionnaire à hauteur de 23%, Eutelsat a confirmé la signature d'"un protocole d'accord". Il prévoit une co-entreprise détenue à parité à 50-50 dont le siège restera en France, et qui continuera d'être cotée à Paris.
En parallèle, l'entreprise fusionnée va également demander son admission dans un segment de la Bourse de Londres. La transaction se fera par échange d'actions et valorise OneWeb à 3,4 milliards de dollars impliquant une valeur de 12 euros par action Eutelsat, a précisé l'entreprise dans un communiqué.
L'opération doit être finalisée "à la fin du premier semestre 2023". L'action Eutelsat, spécialiste de l'orbite géostationnaire avec sa flotte de 35 satellites positionnés à 36.000 kilomètres de la Terre pour des services de diffusion par satellite et d'internet à haut débit, perdait 17,79% à 7,04 euros, dans un marché en légère baisse de 0,29%, peu avant 14h00.
L'action avait déjà chuté de près de 18% lundi. L'opération inquiète en raison des besoins de trésorerie qu'elle engendre à court terme et de la dépendance aux contrats gouvernementaux, selon Roshan Ranjit, analyste de la Deutsche Bank.
La directrice générale du groupe Eva Berneke a cependant défendu mardi lors d'une conférence téléphonique son projet de créer "un groupe orienté vers la croissance", admettant que cela représentait "un grand changement pour certains actionnaires". La société britannique OneWeb a déjà déployé 428 des 648 satellites de sa constellation en orbite basse, à quelques centaines de kilomètres d'altitude afin de fournir de l'internet à haut débit et à faible latence, c'est-à-dire rapide dans la transmission de données.
Outre le conglomérat indien Bharti (30%) et Eutelsat (22,9%), le capital de OneWeb comprend le gouvernement britannique (17,6%), le japonais Softbank (17,6%) et le conglomérat coréen Hanwa (8,8%). Eutelsat est lui détenu à 20% par Bpifrance, la banque publique d'investissement de l'État français, ainsi que par le Fonds stratégique de participations (FSP) détenu par sept assureurs français, le reste du capital étant flottant.
Connecter les régions isolées
Le projet vise à notamment desservir les régions isolées dépourvues de fibre optique. Un marché estimé à 16 milliards de dollars à horizon 2030, selon Eutelsat. Dans cette course, l'américain SpaceX du milliardaire américain Elon Musk a pris une longueur d'avance. Plus de la moitié des 4.408 satellites de sa constellation Starlink a déjà été déployée (il en souhaite 42.000 à terme). Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon, compte de son côté déployer plus de 3.200 satellites pour sa constellation Kuiper.
L'Union européenne souhaite elle aussi déployer sa propre constellation en orbite basse d'environ 250 satellites à partir de 2024, au nom de la souveraineté. "Nous ne savons pas à quoi ressemblera la future constellation européenne mais nous sommes impatients d'entamer le dialogue avec la Commission", a déclaré Mme Berneke.
Quant à la Chine, elle dispose de son propre projet de constellation, Guowang, de 13'000 satellites. "Les constellations à basse orbite sont un marché qui peut potentiellement devenir stratégique pour les gouvernements", avait souligné lundi auprès de l'AFP Romain Pierredon, analyste chez AlphaValue.
Le déploiement de la constellation OneWeb est à l'arrêt depuis février et l'invasion de l'Ukraine. Les deux premiers tiers de la constellation avaient été mis en orbite par des fusées russes Soyouz. "Cela aurait pu nous retarder pendant longtemps (...) mais nous avons reçu un soutien formidable des États-Unis et du gouvernement indien", a affirmé mardi le président exécutif de OneWeb, Sunil Bharti Mittal, précisant qu'un contrat pour 3,5 lancements avait été conclu avec SpaceX et que le gouvernement indien avait mis à disposition 2 fusées GLSV pour achever le déploiement de la constellation "très certainement d'ici mars 2023".