Une majorité de ses magistrats ont paru penser que le gouvernement démocrate avait outrepassé ses pouvoirs en adoptant ce programme coûteux sans autorisation explicite du Congrès.

A l'extérieur du bâtiment de marbre blanc, à Washington, une manifestation aux accents très politiques a tenté d'infléchir leur position.

"Nous disons à la Cour suprême d'écouter les millions de personnes dans le besoin, qui veulent vivre comme la classe moyenne sans être étranglés par la dette", a lancé le sénateur Bernie Sanders, champion de la gauche américaine, entouré de jeunes ayant de lourdes ardoises.

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Omamus Ogheni, un étudiant en neurosciences de 20 ans, a déjà emprunté 31'000 dollars pour financer ses études et attend de savoir si une partie sera effacée avant de poursuivre. "Je suis dans une situation très précaire", a-t-il dit à l'AFP.

Sommes folles

L'enseignement supérieur coûte une fortune aux Etats-Unis, et près de 43 millions d'Américains ont des crédits étudiants fédéraux à rembourser, pour un montant global de 1630 milliards de dollars.

Au début de la pandémie, l'administration du président républicain Donald Trump avait gelé le remboursement de ces emprunts en vertu d'une loi de 2003 permettant de "soulager" les détenteurs de dette étudiante en cas d'"urgence nationale".

Cette mesure a été reconduite sans interruption jusqu'ici.

A la fin août, le président Biden, qui se présente en champion des classes populaires, a voulu aller plus loin: il a annoncé effacer 10'000 dollars de l'ardoise des emprunteurs gagnant moins de 125'000 dollars par an, et 20'000 dollars pour les anciens boursiers.

Les candidats se sont précipités et 26 millions de dossiers ont été déposés, selon la Maison Blanche, qui estime la facture globale pour l'Etat à plus de 400 milliards de dollars.

"Surpris"

La justice a toutefois bloqué la mise en oeuvre de ce plan après avoir été saisie par une coalition d'Etats républicains, mais aussi par deux étudiants non éligibles aux 20'000 dollars d'annulation.

Les plaignants accusent l'administration démocrate d'avoir engagé l'argent du contribuable sans l'accord du Congrès. Pour eux, la loi de 2003 couvre le gel de la dette, et non son annulation.

"Après l'échec de plusieurs efforts législatifs", le gouvernement "a essayé de contourner le Congrès sur l'un des sujets politiques les plus débattus du moment", a plaidé le représentant du Nebraska, Jim Campbell.

Ses arguments ont semblé séduire les magistrats conservateurs. "Le Congrès ne devrait-il pas être surpris quand près de 500 milliards de dollars sont effacés de l'ardoise?", s'est notamment interrogé le chef de la Cour, John Roberts, en se disant très sensible au respect de la séparation des pouvoirs.

"Le ministre de l'Education a agi en plein dans son champ de compétence et en conformité avec l'objectif central de la loi" de 2003, a rétorqué Elizabeth Prelogar au nom du gouvernement fédéral.

La fin de l'état d'urgence sanitaire "ne change pas la justification légale du programme (...): des millions d'emprunteurs ont été fragilisés par la pandémie et risquent de se trouver en défaut de paiement", a ajouté une porte-parole de la Maison Blanche, Olivia Dalton, dans des commentaires à la presse.

"Aucun préjudice"

La haute juridiction a déjà infligé plusieurs revers à l'administration démocrate, invalidant des mesures prises pour bloquer les expulsions locatives pendant la pandémie ou obliger certaines populations à se vacciner.

Pour éviter un nouveau camouflet, le gouvernement plaide que les plaignants n'étaient pas en droit de saisir la justice puisqu'ils n'ont "subi aucun préjudice". Mme Prelogar a demandé à la Cour de rejeter leur plainte, ce qui permettrait de refermer le dossier sans se prononcer sur le fond.

Les trois juges progressistes ont abondé en son sens, avec une oreille réceptive de leur consoeur conservatrice Amy Coney Barrett.

Si la haute Cour ne suit pas cette voie, elle pourrait au contraire profiter de ce dossier pour réaffirmer que les agences fédérales et le gouvernement ne peuvent pas agir sur les sujets les plus importants sans un feu vert du Congrès.

"Cela poserait un problème pour la capacité du gouvernement fédéral à opérer", a mis en garde la juge progressiste Ketanji Brown Jackson, alors que plusieurs de ses collègues semblaient tentés par cette option.

La Cour rendra sa décision d'ici au 30 juin.

A
ats