Des centaines de grévistes munis de pancartes ont défilé devant l'immeuble de Netflix sur le fameux Sunset Boulevard de Los Angeles. Des scènes similaires se sont déroulées partout dans la ville devant les autres studios et services de streaming comme HBO, Amazon ou Paramount. Mais aussi à New York, devant le siège de NBC Universal.

"Nous sommes là pour le long terme, mais c'est un moment historique", a lancé à l'AFP Vera Cherny. "C'est le moment de sécuriser les contrats qui serviront aux générations d'acteurs à venir. Tout comme ils l'ont fait en 1960", a ajouté cette actrice de 44 ans, apparue dans les séries "The Americans" et "For All Mankind".

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Première depuis 63 ans

Il s'agit de la première grève réunissant acteurs et scénaristes depuis 63 ans à Hollywood.

La production de films et de séries tournait déjà au ralenti depuis début mai à cause du mouvement des scénaristes, mais avec le débrayage des comédiens l'industrie américaine se retrouve à genoux: mis à part quelques "soap operas" et émissions de téléréalité, les tournages ne sont tout simplement plus possibles.

Salaires, IA

Les deux corps de métier réclament une revalorisation de leur rémunération, en berne à l'ère du streaming. Ils souhaitent également obtenir des garanties concernant l'usage de l'intelligence artificielle (IA), pour empêcher cette dernière de générer des scripts ou de cloner leur voix et image.

Malgré une prolongation d'une dizaine de jours et une médiation gouvernementale de dernière minute, les négociations entre le syndicat des acteurs SAG-AFTRA et le patronat ont échoué.

Le fossé entre les dirigeants des studios et plateformes et les travailleurs de l'industrie semble béant. Jeudi, le patron de Disney, Bob Iger, a lui fustigé les exigences "irréalistes" des acteurs et scénaristes.

Ambiance déterminée

Sur les piquets de grève, l'ambiance est déterminée. L'antienne d'un Hollywood perverti par les valeurs de la Silicon Valley et son obsession de réduire les coûts revient régulièrement chez les acteurs ou scénaristes rencontrés par l'AFP ces dernières semaines.

"Nous nous battons pour que ce soit une carrière viable, et pas seulement un petit boulot", explique devant Netflix Jonathan Bazile, en fustigeant la culture des "tech bros" importée par l'avènement du streaming.

Ce nouveau modèle a bouleversé les rémunérations "résiduelles" des acteurs et scénaristes, qui découlent de chaque rediffusion d'un film ou d'une série et leur permettent de vivre entre deux projets.

Intéressants avec la télévision car calculés en fonction du tarif des publicités, ces émoluments sont bien moindres avec les plateformes de streaming, qui ne communiquent pas leurs chiffres d'audience et paient un forfait, indépendamment du succès.

Blockbusters menacés

Le développement rapide de l'IA, qui menace de les remplacer, ne fait que renforcer l'impression que l'industrie traverse une véritable crise existentielle.

"C'est un moment critique", a reconnu jeudi l'acteur Kenneth Branagh lors de la première d'"Oppenheimer" à Londres, avant que l'ensemble du casting du blockbuster de Christopher Nolan ne quitte le tapis rouge en signe de solidarité, juste avant l'annonce de la grève. "Tout le monde essaie d'obtenir un accord équitable, c'est ce qui est nécessaire, et nous le soutiendrons."

Les directives du SAG-AFTRA, qui représente 160'000 acteurs, cascadeurs, danseurs et autres professionnels du petit et grand écran, interdisent à tous les membres de tourner, mais aussi de faire la promotion de leurs productions, en personne ou sur les réseaux sociaux.

Personne ne sait combien de temps cette grève va durer, mais si elle s'éternise, elle a le potentiel pour retarder de nombreux blockbusters actuellement en production comme la suite de "Gladiateur", "Deadpool 3" ou "Ghostbusters 4".

Impact potentiellement faramineux

Les grandes conventions et festivals comme Comic-Con ou la Mostra de Venise vont aussi se dérouler sans acteurs américains. Même la cérémonie des Emmy Awards, équivalent des Oscars pour la télé, prévue le 18 septembre, est menacée. La production envisage déjà de reporter l'événement en novembre, voire en 2024, selon la presse américaine.

L'impact pour le secteur risque d'être faramineux. La dernière grève des scénaristes, qui remonte à 2007-2008, avait duré 100 jours et coûté deux milliards de dollars au secteur.

S
SDA