Il y a près d'un mois, un convoi marchandises de 30 wagons déraillait près du site multifonctionnel de Faido (TI), 15 km après son entrée dans le tunnel en provenance du sud. Seize wagons sont sortis des rails. Une partie d'entre eux a terminé sa course contre un portail qui sépare les deux tubes du tunnel. Ils y avaient été précipités en se décalant sur un rail de changement de voie, vers un aiguillage.
Wagons à démonter
«Les dégâts sont immenses», a admis Peter Kummer, directeur des infrastructures des CFF, face aux journalistes, lors de la visite des lieux. Le retour des trains dans le tube Est endommagé prendra des mois.
Chaque jour, jusqu'à 50 personnes y travaillent pour en évacuer wagons et débris. Vingt-deux wagons et deux locomotives ont déjà été acheminés. Et pourtant, le site multifonctionnel de Faido présente aujourd'hui encore une image de destruction. Huit wagons sortis des voies s'y trouvent toujours. Ils ont été soit comprimés, soit déchirés dans l'accident.
20'000 traverses à remplacer
Leur évacuation est d'autant plus complexe. Ainsi, ils doivent être mis en pièces, car ils ne peuvent plus rouler. Pour ce faire, le personnel sur place doit d'abord les assurer afin qu'ils ne basculent pas lors des travaux de démontage.
L'accident est dû probablement à un essieu brisé. Avant son déraillement, le train de marchandises a endommagé la voie sur une distance de 7 km. Résultat: il faudra remplacer environ 20'000 traverses de voie en béton.
Conditions de travail difficiles
Pour y évacuer le matériel roulant endommagé, les CFF ont dû donc installer une voie provisoire. Les ouvriers travaillent en roulement dans des conditions difficiles: il fait jusqu'à 40 degrés au coeur de la montagne, l'air y est confiné et parfois poussiéreux. Toutes les 45 minutes, les travailleurs ont droit à une pause d'un quart d'heure dans un espace réfrigéré.
Mercredi, les journalistes invités sur place ont dû s'équiper d'un casque et d'une tenue de protection, ainsi que de lunettes de protection, d'un masque contre la poussière, de gants et de boules Quiès. Chacun devait aussi se munir d'un auto-sauveteur à oxygène, en cas d'incendie.
Penne et tomates en conserve
Le convoi accidenté provenait d'Italie et se rendait au nord. Il était chargé de denrées alimentaires italiennes, des pâtes aux tomates en conserve en passant par du riz ou du vin. Des cartons entiers de penne sont encore empilés sur le quai de la station d'urgence du tunnel. Les boîtes de conserve sont amoncelées près de l'aiguillage.
Après l'extraction du dernier wagon, fin septembre, les ouvriers devront démonter la voie provisoire et installer une nouvelle voie. Il faudra aussi remplacer deux aiguillages, de même que des câbles et la ligne de contact.
Les CFF ne font pas encore de prévision sur la durée des travaux de réparation. La compagnie ferroviaire estime toutefois une exploitation partielle possible à partir de début 2024 pour le transport de voyageurs.
Trafic marchandises dans l'autre tube
Les marchandises circulent, elles, à nouveau depuis le 23 mars dans le tube qui n'a pas été endommagé et ce, par convois de quatre trains à la fois. Au total, 90 trains de marchandises par jour traversent actuellement le tunnel de base du Gothard. Une quinzaine circulent, eux, par la ligne de faîte, comme les trains de voyageurs.
Le passage de trains de voyageurs dans le tube Ouest du tunnel de base n'est pas possible pour des raisons de sécurité. En cas d'accident, les passagers devraient en effet être évacués par le tube endommagé.
Solutions en discussion pour les voyageurs
Les CFF cherchent toutefois des solutions avec l'Office fédéral des transports (OFT) pour mettre au point un concept d'évacuation. Leur but est de faire passer, dès que possible, des trains voyageurs à travers le tube non endommagé, le week-end, lorsque la demande est la plus forte. Mais la sécurité reste la priorité absolue, souligne la compagnie,
Inauguré en 2016, le tunnel ferroviaire de base du Gothard est le plus long du monde. Il s'étire sur 57,1 km entre Erstfeld (UR) et Bodio (TI). Il permet de raccourcir d'une heure le trajet entre la Suisse alémanique et le Tessin, par rapport à la ligne de faîte du Gothard.