«Avec l'Europe et les Etats-Unis qui ralentissent et la Chine qui ne reprend pas comme anticipé, la visibilité pour la marche des affaires se réduit», indique à l'agence de presse AWP, François Billig, le directeur général d'Acrotec, le spécialiste jurassien de la micromécanique, un fournisseur de poids de l'industrie horlogère.

L'industrie des garde-temps helvétique tournée vers l'exportation dépend de l'état de santé de ses principaux débauchés que sont l'Empire du Milieu, le Vieux continent et le pays de l'Oncle Sam. Si ce secteur, à l'image de l'industrie du luxe dans son ensemble, a su faire fi les deux dernières années des conséquences du renchérissement du coût de la vie et de la guerre en Ukraine, la clientèle fortunée commence à se montrer plus sélective lorsqu'il s'agit de réaliser ses emplettes dans les boutiques des grandes marques de renom à Paris, Londres, New York ou Shanghai.

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Les exportations horlogères, un indicateur clé de la branche, s'acheminent certes vers un nouveau record en 2023, mais le deuxième semestre se montre moins dynamique que le début de l'année, ce qui amène les griffes horlogères à commencer à se montrer quelque peu sur la réserve lorsqu'il s'agit de commander des composants à leurs fournisseurs, des entreprises souvent plus petites et moins résistantes aux soubresauts économiques que les marques connues du grand public telles que Rolex, Swatch, Cartier, Audemars Piguet ou Patek Philippe.

Premiers signes

«Un de nos clients horlogers relativement important a fait une demande de relissage. Cela veut dire que ce client souhaite que ses commandes de composants pour 2024 débordent un peu sur 2025», relate Pierre Dubois, le directeur général de Dubois Dépraz, un sous-traitant au service des maisons horlogères du haut de gamme.

Même son de cloche chez Acrotec. «Nous avons des clients qui ont un peu réduit la voilure et ont décalé des commandes de 2024 sur 2025», indique son patron.

«Il y a des petits signes mais pas encore de grandes baisses», souligne Pierre Dubois, tout en indiquant que d'autres demandes de «relissage» pourraient survenir en 2024 si le refroidissement conjoncturel venait à s'aggraver.

Nonobstant cette décélération qui se profile, Dubois Dépraz prévoit de clôturer 2023 sur une croissance du chiffre d'affaires à deux chiffres en pourcentage. «Si tout va bien d'ici la fin de cette année, on devrait atteindre le niveau record de 2019, voire le dépasser légèrement», confie le dirigeant.

Les marges devraient cependant pâtir du renforcement des effectifs et de l'inflation. Le spécialiste des complications a engagé environ 100 personnes ces 18 derniers mois, portant les effectifs à 425 personnes.

«Notre entreprise n'a jamais compté autant de collaborateurs.» Avant la pandémie, quelque 380 à 390 personnes oeuvraient auprès de la firme basée dans la Vallée de Joux. Ces effectifs étaient cependant descendus à 330 en 2021, en raison de la chute des activités au plus fort de la crise sanitaire mondiale.

Acrotec, qui à côté de l'horlogerie fournit également les industries médicale, aéronautique et automobile de par le monde, et ayant plus de 2800 collaborateurs et collaboratrices, anticipe une hausse du chiffre d'affaires «correcte», en dessous de 10% pour 2023. La barre des 500 millions de recettes devrait ainsi à nouveau être franchie.

Négociations difficiles en vue

«Les fournisseurs de l'industrie horlogère constatent une légère érosion au niveau des volumes de commandes», constate également Patrick Linder, directeur de la chambre d'économie publique du Jura bernois, une région qui se caractérise par la présence d'un nombre élevé de sous-traitants de l'industrie horlogère.

«La perception que nous avons aujourd'hui c'est qu'après une période de croissance marquée, une espèce de pallier a été trouvée sur les six derniers mois. Cette dernière est appelée à se prolonger jusqu'à la fin de l'année», ajoute le responsable dont le département vient de publier un rapport sur les anticipations des industries actives dans la région pour le 4e trimestre 2023.

La fin de l'année approchant à grands pas, Acrotec et Dubois Dépraz se préparent en outre à entamer les discussions pour les hausses de prix des composants avec les maisons horlogères dans un contexte inflationniste.

«Les négociations sont difficiles et se font au cas par cas», relève M. Billig tandis que Pierre Dubois fait remarquer qu'il n'est pas possible pas de répercuter l'ensemble des charges ayant augmenté.

«Je pense que 2024 sera plus dure et il faudra batailler pour rester compétitifs au niveau des tarifs», conclut le patron d'Acrotec.

lk/jh

S
SDA