Le triomphe était annoncé. Nommée dans cinq catégories, Zaho de Sagazan, 24 ans, en a remporté quatre: album, chanson originale, révélation scène et révélation féminine.

L'artiste, portée par son premier album «La symphonie des éclairs», a notamment rendu hommage «aux aide-soignants», première activité qu'elle occupait avant de se jeter dans la musique. «Mais qui pirate le truc ? C'est ma mère derrière tout ça ?», a plaisanté sur scène la native de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), surmontant l'émotion de ce quadruplé.

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Inconnue il y a un an et demi, son agenda est déjà bien rempli et la taille des enceintes a changé en 2024, avec une tournée des salles de type Zénith, dont celui de Paris mi-mars, déjà complet. Les autres (Marseille, Lille, etc.) suivront en novembre. D'ici là, la jeune femme à la chevelure peroxydée va s'exporter, avec au programme Québec, Suisse et Belgique. Son univers s'articule autour d'une écriture à fleur de peau, une incarnation à la Brel et Barbara, le tout servi par une ambiance électro.

«Victoire du partage»

L'autre fait marquant de la soirée fut donc la place donnée au rap/r'n'b, genres stars sur les plateformes musicales jusqu'ici snobés par les Victoires. Si un rappeur comme OrelSan, grand public, a déjà récolté 12 Victoires dans sa carrière, il était l'arbre qui cachait la forêt de la diversité du rap francophone.

Gazo est lui emblématique des artistes surtout prisés des jeunes audiences et son prix de l'artiste masculin ex aequo avec Vianney est un signe fort des Victoires. C'est son premier trophée à 29 ans. Le troisième pour Vianney, 32 ans, qui a salué «la Victoire du partage».

Et que dire de la Victoire de l'artiste féminine pour Aya Nakamura ? La reine du r'n'b, encensée par les enfants de Madonna, chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde, n'avait récolté jusqu'ici qu'une récompense annexe aux Victoires. Cette fois, voilà une couronne à la hauteur de sa carrière, à 28 ans. La Franco-Malienne n'était toutefois pas présente pour la recevoir.

Pour Gazo, c'est une belle revanche sur la vie. L'artiste est né à Châteauroux (Indre), issu d'une famille nombreuse d'ascendance guinéenne. Arrivé enfant en région parisienne, le cauchemar a commencé entre décrochage scolaire précoce, placements en foyer ou en famille d'accueil. Puis sont venus les squats et combines illégales à la majorité. Gazo a même raconté être passé par la case prison. Le rap l'a sauvé en deux albums solo «Drill FR» (2021) et «KMT» en 2022.

Larmes de Lavilliers

Comme un symbole, la première Victoire de la soirée, celle du clip, a été remise à une rappeuse, Shay (pour la vidéo de «Commando»). Et c'est le rappeur Damso qui a remporté la Victoire du concert. Yamê, au croisement rap-r'n'b-chanson, a été désigné révélation masculine.

La création l'an dernier des Flammes, cérémonie dédiée au rap et ses courants, a donc «fait bouger un peu l'industrie et, cette année, les nommés des Victoires sont bien plus représentatifs de ce qui marche en France», analysait pour l'AFP Nicolas du Roy, directeur éditorial de Spotify France. On y décèle aussi la patte réformatrice de Vincent Frèrebeau, nouveau président des Victoires, revenu à un poste tournant déjà occupé en 2005-06 et 2012-13.

Les premières larmes de la soirée ont été versées par Bernard Lavilliers, 77 ans. Après avoir chanté un medley de ses succès avec plusieurs artistes - dont Catherine Ringer et Jeanne Cherhal - le chanteur a reçu une Victoire d'honneur des mains de l'actrice Sandrine Bonnaire. «Il y a trois sortes de gens: les morts, les vivants et ceux qui sont en mer. Pour l'instant, je suis en mer», a déclaré au micro l'interprète de «On the road again».