«C'est un moment de rupture politique, les Français veulent que le RN accède au pouvoir», a résumé auprès de l'agence AWP Simon-Pierre Sengayrac, co-directeur de l'Observatoire économie de la Fondation Jean-Jaurès, créée par le Premier ministre socialiste Pierre Mauroy.

«En matière économique, je doute fort d'une rupture, car la Bourse de Paris a ouvert en forte hausse à +2,5%.» Pour l'expliquer, l'expert souligne que «les marges de manoeuvre budgétaires de la France, quel que soit le parti au pouvoir, sont très fines. La France va entrer de nouveau en procédure pour déficit excessif à la Commission européenne et va se voir imposer une trajectoire de retour à l'équilibre. Ce qui fait que toutes les mesures d'allègement fiscal et de dépenses supplémentaires que propose tout un chacun et notamment le RN auront très peu de chances de passer.»

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Dimanche soir a résonné l'appel au désistement des députés du camp présidentiel arrivés en troisième position en cas de triangulaires, de la part du Premier ministre «pour empêcher le Rassemblement national d'avoir une majorité absolue au second tour», selon Gabriel Attal. Dans pareil cas, Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise, a aussi appelé au retrait des députés du Nouveau Front populaire, avec pour consigne «pas une voix, pas un siège de plus pour le RN».

Ce qui incite Anne-Laure Delatte, économiste et chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à tabler sur une majorité relative pour le parti de Jordan Bardella au sortir du second tour et «probablement un gouvernement technique, comme en Italie».

Selon elle, «le danger vient plutôt d'une ingouvernabilité, car il sera difficile de promulguer des lois, comme il n'y a pas de possibilité de coalition. Il peut y avoir des ententes, en particulier en économie, entre le RN et Ensemble (majorité présidentielle), vu que le RN a rétropédalé sur tout pour rassurer les patrons et les marchés».

Marchés soulagés mais attentifs

Des marchés, qui ce lundi, «affichent leur soulagement», a constaté Jézabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ils «craignaient surtout une percée du Nouveau Front populaire dont le programme économique de rétablissement des services publics et d'investissement dans la transition écologique repose sur des hausses d'impôts», a ajouté la spécialiste de la régulation bancaire.

De plus, il n'y a pas eu d'effet de surprise «pour les marchés qui lisent froidement l'installation de l'extrême-droite ailleurs qu'en France et s'en accommodent sans mal», a-t-elle relevé.

Cette semaine, «les marchés financiers vont rester attentifs et évoluer au gré des vicissitudes des accords croisés. Cependant, les risques d'une instabilité politique prolongée aux débouchés inconnus risquent fort d'éloigner les investisseurs des actifs français», a estimé Gaëlle Boucher, CIO de la Banque Cramer & Cie.

L'arrivée au pouvoir dans l'Hexagone du RN, qui s'en est notamment pris aux binationaux lors de la campagne des législatives, est «une très mauvaise nouvelle économique d'abord pour la France», selon Gilbert Casasus. «La Suisse va peut-être profiter de l'apport de capitaux et de cerveaux français, mais va être confrontée à des questions concernant ses investissements», a expliqué le professeur émérite en études européennes de l'Université de Fribourg. La Suisse est le troisième investisseur étranger en France, comptant 1300 entreprises sur le sol hexagonal.

Si la France, sous la houlette du président de la République Emmanuel Macron «s'est montrée attrayante pour les entreprises» ces dernières années, désormais «est-ce qu'un entrepreneur suisse a envie d'entreprendre en France? La réponse est non», a-t-il asséné.

La réputation de la Suisse comme valeur refuge pourrait se renforcer, car la Confédération et «sa place financière sont toujours perçues favorablement, grâce à nos compétences en matière de gestion de fortune et notre stabilité politique et fiscale», a ajouté Dusan Isakov.

D'après le professeur ordinaire de finance et de gouvernance d'entreprise au département des Sciences du Management de l'Université de Fribourg, «le secteur de la gestion de fortune en Suisse devrait être le premier à profiter de ces nouveaux afflux de capitaux.»