La grande hôtellerie se remet en question. La branche, talonnée par des chaînes comme 25Hours, qui offrent un confort adapté au goût du jour à des prix sans rapport avec ceux d’un palace, doit explorer des voies nouvelles et réinventer le segment du grand luxe. En Suisse, plusieurs projets récents illustrent cette tendance: l’incroyable Chedi Andermatt ou le bluffant Domaine du Bürgenstock en sont les plus marquants exemples. A l’aspect hôtelier pur s’ajoute une offre différente, sous forme d’appartements ou de villas, avec pour leurs hôtes une autonomie parfaite: un chez-soi, pour ceux qui ont tout, mais qui ne veulent plus, comme autrefois, devoir téléphoner pour qu’on leur apporte un café.

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Les clients qui ne se déplacent jamais sans un majordome et une femme de chambre sont en effet en voie d’extinction. Même les plus nantis sont habitués à vivre sans témoins permanents. Et cette clientèle, Nati Felli la connaît bien. C’est donc à son intention qu’elle et son mari Giancarlo ont développé une offre ciblée. Avec, il convient de le relever, la particularité de ne pas disposer du soutien logistique et financier d’un grand groupe: «Je tenais à ce que ça reste notre projet à nous, personnalisé et différent», explique Nati Felli. 

100 millions de francs d’investissement

Alors ils se sont lancés. Pour commencer, ils ont acheté l’Hôtel des Alpes, un établissement vieillissant, mais entouré de 6000 mètres carrés de verdure en bordure du golf, au calme et disposant d’une vue sur le paysage alpin. «On s’est mis d’accord sur le prix, puis on s’est serré la main et l’affaire était conclue. Ça s’est passé de manière fantastique!» se souvient la propriétaire de ce qui s’est transformé en petit resort de cinq grands chalets.

Pendant trois ans, j’ai passé des heures à penser à nos suites.

Nati Felli, fondatrice et directrice du Guarda Golf

Au programme, un hôtel cinq étoiles, le Guarda Golf, et un investissement de 100 millions de francs, quand même. Puis, trois chalets d’appartements à vendre en PPE. Leur prix: entre 5 et 6 millions l’unité. «La banque nous a dit que nous ne parviendrions jamais à les vendre à ce prix-là. Et pourtant, ils sont tous vendus», se réjouit la promotrice du projet, qui a tout imaginé elle-même. Sa connaissance de la clientèle ciblée n’y est en effet pas étrangère. «Ce qui fait la différence, c’est la qualité de la construction, mais aussi de l’ensemble de l’offre.»

En résumé, celle-ci se décline ainsi: spa avec piscine couverte, salle de sport, jacuzzi, parking souterrain relié aux différents bâtiments, espaces de rangements et luxueux vestiaires pour les skis… «De plus, à la demande, ces appartements disposent de tous les services hôteliers. Et il y a toujours un service de conciergerie», précise Nati Felli. Surtout pour une clientèle étrangère nantie, ces «détails» font la différence.

Sept suites de grand luxe

Dernier acte du projet, il y a quelques mois, une résidence hôtelière abritant sept suites de grand luxe s’est ajoutée au complexe. «Pendant trois ans, j’ai passé des heures à définir ce que doivent proposer de telles suites, afin de pouvoir être louées entre 3800 francs et 5800 francs par jour.» Cette quête du détail a néanmoins valu au Guarda Golf un renouveau de succès l’hiver passé. «Un couple de Dubaï, par exemple, est revenu à Crans après douze ans, juste parce qu’ils ont appris l’existence de nos suites», se réjouit Simon Schenk, le directeur de l’hôtel.

A l’aménagement de ces suites (lire encadré) répond évidemment le confort de l’infrastructure hôtelière: un spa complet (séparé de celui réservé aux immeubles), avec piscine, fitness, jacuzzi et un restaurant japonais d’une excellence reconnue par les guides, notamment. Mais la clé du succès, Nati Felli la résume parfaitement en une phrase: «Ce type de projet est idéal pour répondre à la Lex Weber.» En effet, il offre le luxe d’un chalet particulier, avec des installations d’un raffinement très abouti et, en permanence, un service de grande maison, même pour ceux qui ne peuvent pas acheter.
 


On a testé pour vous les appartements de grand luxe

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© DR

«Je tenais à ce que mes clients se sentent comme chez eux», explique Nati Felli. C’est donc elle qui a choisi les matières, défini les volumes, réparti les espaces de son tout nouvel immeuble de sept appartements de grand luxe à louer au jour, à la semaine, au mois… Fière du résultat, elle a invité PME Magazine à séjourner dans l’un de ces appartements. Disons-le d’emblée: si vous habitez un deux-pièces de 45 m², vous ne vous sentirez pas vraiment «chez vous». Parce que ici, on parle d’appartements de 225 m2. La porte s’ouvre sur un hall aux parois de bois sobre. C’est élégant. Feutré. D’autant plus qu’un capteur allume automatiquement un éclairage agréablement tamisé. A droite, un «WC invités». Tout droit, une large coursive qui mène aux trois chambres.

Lits voluptueux, éclairage doux, espaces généreux, chacune des chambres douillettes se prolonge d’une grande salle de bains en pierre blonde et d’un dressing qui suffirait à ranger une garde-robe de star. Alors on se prend au jeu. On joue avec l’éclairage, variable. On monte les stores, pour les redescendre aussitôt.On essaie la version «nuit» en fermant les épais rideaux de couleur tendre, avant de découvrir la brosse à dents marquée à son nom et les petits cadeaux parfumés qui sont posés sur les lits.

Passons à la partie jour. La mise en scène est parfaite: au bout d’un passage boisé, s’ouvre le séjour, immense. Pour les jours ensoleillés, il est prolongé d’une vaste terrasse en bois qui regarde le golf et les montagnes. Pour les soirs plus frais, il est équipé d’une cheminée: un bouton suffit à faire surgir les flammes. Il n’y a plus qu’à se laisser engloutir par les vastes canapés en grignotant un petit gâteau (il y en a, justement, sous une belle cloche de verre) et à savourer l’atmosphère élégante de cette suite hors normes, éclairée, 4 ou 5 mètres plus haut, par la cascade de verre étincelant d’un grand lustre moderne.

Pas envie d’aller au restaurant? La table de la salle à manger peut aisément accueillir six convives. Et la cuisine entièrement équipée permet de se mettre soi-même aux fourneaux. Ou alors de demander un room service ou encore, pourquoi pas, un chef privé. Ils accéderont à la cuisine directement depuis le hall. Le prix? Quelques milliers de francs par jour, certes, mais avec un tarif dégressif pour les séjours prolongés… En tous les cas, ce n’est pas vraiment plus cher que trois chambres de palace, mais avec un confort et un espace clairement améliorés.
 


Du Brésil au Valais par passion

De tout temps, Nati Felli a aimé le théâtre et la mise en scène. Enfant, elle réalise que l’hôtellerie réunit toutes ses passions. Portrait.

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La famille Felli a réussi un pari audacieux en misant sur le luxe.
© DR

Enfant, Nati Felli vivait dans un vaste domaine, au Brésil. «La maison était grande et, plusieurs fois par an, on recevait la famille au complet. J’adorais participer aux préparatifs: aérer les chambres, faire les lits, planifier les menus et se mettre aux fourneaux pour bien accueillir nos invités.» A l’âge de 10 ans, lorsqu’elle a dormi pour la première fois dans un hôtel et qu’elle a vu son père payer pour leur séjour, elle a réalisé que cette activité conciliait toutes ses passions: le commerce, la mise en scène, l’accueil et le jeu d’acteur indispensable pour que la magie opère. C’était ça qu’elle allait faire!

Mais avant de pouvoir se lancer dans l’aventure hôtelière, elle a créé des écoles, au Brésil. «Parce que la formation et l’éducation, aussi, sont des domaines qui me tiennent à cœur.» Puis elle a lancé une société de «fast-food sain», toujours dans un souci d’éducation, mais aussi d’accueil. Ces entreprises, elle les a ensuite facilement – et bien – vendues pour embrasser la carrière qui lui tient à cœur: l’hôtellerie. C’est ainsi qu’elle est arrivée en Suisse.

«Au Brésil, la Suisse dispose d’un capital sympathie et confiance immense. C’est donc là que j’ai voulu venir me former.» Et c’est à Bluche, près de Crans-Montana, qu’elle a atterri pour suivre les cours de l’école hôtelière Les Roches. C’est là aussi qu’elle rencontre Giancarlo Felli, qui allait devenir son mari. Ensemble, ils se sont d’abord lancés dans l’immobilier, dans les résidences avec service de conciergerie et finalement dans l’hôtellerie en rachetant un petit hôtel sur le déclin. C’est le début d’une belle aventure; ils ont en effet démonté, puis reconstruit l’hôtel, en version grand luxe, avec l’ambitieux projet de le compléter de résidences d’appartements à vendre et de suites de grand luxe à faire pâlir les palaces.
 

Knut Schwander
Knut Schwander