Bien connu dans l’univers des marques lifestyle, le marketing d’influence ouvre désormais une nouvelle fenêtre: celle donnant sur les PME. La raison? «Une campagne digitale sur Google ou sur Facebook pour promouvoir un produit ou un service, c’est bien, en termes quantitatifs. Mais nous voulions compléter notre offre en proposant une approche plus qualitative, avec des influenceurs qui amènent une vraie proximité grâce à leur communauté», explique Michael Kamm, le CEO de Trio. L’agence de communication lausannoise vient de s’allier à Kingfluencers, une start-up zurichoise qui gère quelque 1500 influenceurs en Suisse.

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Parmi les campagnes les plus représentatives en Suisse romande menées via la plateforme, on trouve celle du Vacherin Fribourgeois AOC, qui a capitalisé 67 000 impressions, soit le nombre de fois où la publication a été vue. Dans le détail, la campagne a touché 17 000 personnes pour 1500 likes entre mai et juin, cela avec 16 stories et publications postées par six influenceurs. Le mot d’ordre? Mettre en scène le fromage sur les réseaux sociaux. L’expérience est reconduite en ce moment même avec la fondue.

Définir son objectif

«Début 2019, je pensais que seulement un quart de nos clients pouvaient être intéressés par ce type de pub. Mais, j’ai changé d’avis. Cela concerne les trois quarts des entreprises, même dans le B2B», assure Michael Kamm. Reste à trouver les bons profils d’influenceurs et le concept qui répond à ses objectifs. Voici quelques points relevés par le faiseur d’image, sur lesquels une PME doit veiller avant de se lancer dans une campagne de marketing avec des influenceurs. Tout d’abord, il faut définir ce que la PME souhaite: gagner en notoriété en fixant un nombre d’impressions à atteindre? Augmenter le taux de conversion en comptabilisant les téléchargements ou les visites sur la page? Accroître ses ventes directes? Ou encore multiplier le nombre d’inscrits à une newsletter?

En fonction du gain recherché, du budget et du marché visé, une stratégie et des influenceurs seront proposés. «Tous les influenceurs n’ont pas 100 000 followers, un nombre très élevé pour la Suisse. Nous travaillons avec des nano-influenceurs qui seront plutôt considérés comme des experts et qui comptent jusqu’à 5000 followers. Puis nous trouvons les micro-influenceurs, avec de 5000 à 50 000 followers. Le but final étant de choisir l’influenceur lié à son activité», explique Laura Jenny, directrice du service à la clientèle chez Trio. Ainsi, un spécialiste des tutoriels de décoration d’intérieur sur YouTube, qui n’a peut-être pas une communauté d’abonnés importante, pourra se révéler pertinent pour votre business parce que ses vidéos enregistrent beaucoup de vues et que votre cible se trouve être les architectes d’intérieur. Stories, vidéos, concours, tests, photos, les formats sont nombreux et chaque influenceur a ses spécialités. Par exemple, proposer un code de promotion visera clairement une augmentation de vos ventes directes, tandis que le concours accroîtra votre audience.

Et côté budget? Que puis-je faire avec 20 000 à 30 000 francs de budget marketing annuel pour ma PME? «Il faut déjà que l’entreprise dispose d’un écosystème digital établi, avec un site web correct et une communication minimale en place», relève Michael Kamm, rappelant au passage l’intérêt de la triangulation site web-réseaux sociaux-influenceurs. Le tarif se détermine en fonction du nombre d’influenceurs choisis. On parle en Suisse de 10 000 francs pour une petite campagne mobilisant de 3 à 5 influenceurs.

Quel retour sur investissement?

Il se calcule en fonction des objectifs fixés au départ: nombre d’impressions, ventes, téléchargements, commentaires… «Le marketing d’influence est une manière de donner accès aux PME à plus de proximité et d’émotion, observe Michael Kamm. Cela leur permet de se faire connaître autrement. Le taux de conversion sur une campagne digitale classique est de l’ordre de 0,5% et, dans le meilleur des cas, un cinquième va faire une demande d’offre. Les gens n’interagissent que peu sur des publications classiques. C’est différent sur une campagne d’influenceurs. Avec le Vacherin Fribourgeois AOC, Trio était ainsi proche des 10%.» A noter une différence culturelle entre les Romands et les Alémaniques. Selon le Swiss Influencer Report, les comptes germanophones affichent un taux d’engagement nettement supérieur à celui des comptes francophones, respectivement 6,3% et 4,7%.

Enfin, pour toutes les sociétés qui rêvent de voir augmenter leur nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux, Michael Kamm temporise leurs ardeurs. «Ce n’est plus un KPI (indicateur de performance, ndlr) déterminant, estime-t-il. Le premier but vers lequel les entreprises doivent tendre, c’est de mettre du bon contenu dans le bon rail, à la bonne personne et au bon moment.» Loin d’être un phénomène de mode marginal, le marketing d’influence a rapporté près de 35 millions de francs aux influenceurs en 2019 en Suisse.


Attention à la triche

Les réseaux sociaux utilisés par les influenceurs suisses sont prioritairement Instagram (cible les 18-34 ans), Facebook (18-44 ans) et YouTube (tous les âges). A noter que LinkedIn n’est pas considéré comme un réseau d’influenceurs, alors que de nombreuses sociétés, particulièrement dans le B2B, le privilégient. «LinkedIn reste un outil plus onéreux pour faire de la pub. A titre d’exemple, pour toucher une personne sur Instagram, il faudra dépenser 1 franc, tandis que sur LinkedIn, vous débourserez 15 francs», compare Michael Kamm.

Autre source de questionnement face aux influenceurs: le manque de transparence. Plusieurs techniques sont utilisées par les influenceurs pour faire gonfler artificiellement leur nombre de followers et leur taux d’engagement. Ces pratiques toucheraient 40% des «instagrameurs» suisses, selon le Swiss Influencer Report. Du reste, seulement 66% des profils Instagram suisses sont gérés par de vraies personnes, les autres étant l’œuvre de robots. Une statistique qui reste au-dessus de la moyenne mondiale, où seulement 54% des profils sont l’œuvre d’humains.

TB
Tiphaine Bühler