Ferdinand Dudenhöffer a fondé en 2000 l’Institut de recherche CAR – Center Automotive Research. L’économiste allemand, qui vit à Bochum, nous explique comment le constructeur automobile de voitures électriques a redéfini les processus de production pour améliorer ses marges. A ses yeux, seuls les constructeurs chinois peuvent rivaliser avec la marque texane.

Tesla enregistre des bénéfices record, mais vient de baisser les prix de nombreux modèles. Quelle est la stratégie?

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Elon Musk et Tesla sont actuellement en train de mettre en place des méthodes de guérilla pour le pricing des voitures électriques afin de déjouer les autres concurrents.

C’est-à-dire?

Il faut savoir que ces énormes bénéfices ne sont possibles que parce que les coûts de production de Tesla sont relativement bas. Elon Musk est en fait un «manufacturing guy». L’une de ses plus grandes innovations est la redéfinition des processus de production, également appelée «new manufacturing».

Qu’est-ce que cela implique?

Au lieu de pièces de carrosserie individuelles, des pièces arrière et avant de véhicules sont coulées et pressées à l’aide de gigantesques machines de moulage sous pression. Cela rend la production automobile plus rapide et plus rentable à long terme. Les nombreux processus de production économisés confèrent à Tesla des avantages de coûts inédits.

Tesla a atteint une marge bénéficiaire de 16,8% en 2022...

Exactement. Si l’on ramène cela à une voiture, cela signifie qu’avec un chiffre d’affaires ou un prix de 54 391 dollars par véhicule, on réalise un bénéfice d’au moins 9118 dollars par véhicule.

Et quel est le lien avec les baisses de prix?

Comme les coûts de production sont si bas, Tesla dispose de la meilleure arme que l’on puisse imaginer dans un tel jeu, celle des prix. Avec sa marge bénéficiaire actuelle, Tesla peut déclarer la guerre des prix. La plupart des constructeurs automobiles réalisent plutôt des pertes ou des bénéfices très minces avec les voitures électriques. C’est par la guerre des prix que Tesla veut atteindre ses objectifs de croissance.

Tesla veut vendre 20 millions de voitures par an en 2030. Réaliste?

Elon Musk va tout faire pour atteindre cet objectif. Pour l’année 2030, nous prévoyons 90 millions de ventes de voitures par an dans le monde. Si 50% d’entre elles sont des voitures électriques, Tesla détiendrait, avec ses 20 millions, une part de marché de 44% sur le marché des voitures électriques. L’entreprise serait donc clairement en situation de monopole sur ce marché. Et ce ne serait que le début, car Tesla évincerait petit à petit tous les autres acteurs de la branche grâce à ses avantages en termes de coûts. Il ne resterait plus que les Chinois et l’un ou l’autre constructeur automobile occidental en tant que fournisseur de niche.

En Chine, Tesla a augmenté ses prix...

C’est un jeu de yo-yo. Avec ses méthodes de tarification, Tesla déstabilise ses concurrents. Cela ressemble à une sorte de jeu du lièvre et de la tortue, dans lequel la tortue est toujours arrivée à destination, tandis que le lièvre rapide s’essouffle petit à petit et s’effondre. Comme je l’ai dit, Tesla utilise une tactique de guérilla.

Qui est le plus à même de tenir tête à Tesla?

J’ai une très haute opinion des constructeurs automobiles chinois, en particulier de BYD. De mon point de vue, Tesla n’est plus le leader absolu en matière d’innovation dans le domaine de la voiture électrique. En termes de logiciels, de conduite autonome et de performance des batteries, les Chinois me semblent actuellement meilleurs.

Pourront-ils s’imposer face à Tesla?

La concurrence sera rude entre les Chinois et Tesla. On ne sait pas qui gagnera, mais si je devais acheter des actions, ce serait probablement celles de BYD. On sait aussi qui va perdre: les constructeurs automobiles traditionnels.

Florian Fels
Florian Fels