Une sélection limitée d’articles à des prix attractifs, disponibles seulement pour les membres durant une période restreinte, telle est la formule magique des ventes privées en ligne. Le concept, né en France en 2001, rencontre un succès remarquable dès son arrivée en Suisse, en 2007. Chez Veepee (initialement eboutic), les membres se voient proposer jusqu’à 20 nouvelles offres quotidiennes. On y trouve des vêtements, des objets de décoration, de la maroquinerie, de l’électroménager ou des articles de bricolage à des prix cassés. La plateforme, leader dans le pays, collabore avec environ 7000 marques.

également interessant
 
 
 
 
 
 

Ces sites sont ainsi souvent considérés comme des concurrents de la grande distribution. Pour Patricia Lemattre Stoeckel, qui dirige Veepee Suisse depuis 2019, la vente privée en ligne fonctionne plutôt comme un canal complémentaire: «Nous offrons aux marques un espace pour écouler leur excédent de stock sans le faire sortir du pays. C’est une façon intelligente de gérer le surplus en évitant la destruction des produits. Il n’est absolument pas question de nous substituer aux points de vente physiques. Nous valorisons d’ailleurs aussi les entreprises locales.»

Site de seconde main

Le pan suisse de l’entreprise européenne compte 50 collaborateurs et toute l’activité se déroule dans le pays: les bureaux se situent à Lausanne et, depuis peu, à Zurich, tandis que l’entrepôt se trouve à Monthey (VS). «Même notre service clients est installé en Suisse», ajoute la directrice. Contrairement aux points de vente de la grande distribution, qui ont souffert des fermetures répétées au cours de la crise du Covid-19, Veepee a pu bénéficier de son fonctionnement en ligne. Quelques ajustements au niveau de l’offre lui ont permis de traverser cette rude période pour le commerce. «Comme l’éventail de produits que nous proposons est particulièrement diversifié, nous avons pu ajuster les ventes. Nous avons par exemple proposé plus d’articles de bricolage et de produits de bien-être.»

Autre acteur du secteur en Suisse, MyPrivateBoutique, fondée en 2009. Avec ses 500 000 membres, l’entreprise de 40 employés a quant à elle tiré profit de sa plateforme sœur MyPrivateDressing pour résister à la crise. «Depuis 2017, nous avons créé un site de seconde main où les membres peuvent revendre des articles de luxe, détaille Babak Daghigh, fondateur du concept. Pendant la pandémie, MyPrivateBoutique a connu un ralentissement des affaires. En revanche, l’offre de seconde main a triplé de volume et compte aujourd’hui 45 000 articles. Aujourd’hui, les acheteurs sont de plus en plus sensibles à la dimension environnementale. MyPrivateDressing dope par ailleurs les ventes de la structure principale, car les membres savent qu’ils peuvent acheter un article puis le revendre facilement grâce à la plateforme de seconde main.»

Une observation que partage aussi Franck Paucod, associé chez Mazars, une entreprise spécialisée dans l’audit et le conseil. «Les consommateurs suisses se distinguent par une extrême sensibilité au «Swiss made» et de plus en plus d’intérêt pour la dimension durable des objets qu’ils achètent.» Pour Babak Daghigh, l’une des clés du succès de ses sites de ventes privées est d’avoir intégré l’option du paiement sur facture. «En Suisse, la population a un grand besoin de se sentir en confiance lors de ses achats en ligne.»


Influences sur le secteur du luxe

Un des grands défis de la vente privée en ligne est de convaincre les marques d’associer leur produit aux plateformes, et particulièrement les enseignes de luxe. «Pour les marques, le contrôle de l’image est capital, explique Franck Paucod, chargé du secteur luxe et retail pour la fiduciaire Mazars qui a mené une étude sur la transformation économique du secteur du luxe. Les grandes maisons sont plutôt réticentes à ces canaux alternatifs.» Ce type de vente efface également l’expérience client en boutique sur laquelle misent de nombreuses maisons. «L’augmentation des ventes en ligne transforme le modèle économique des marques de luxe, poursuit le spécialiste. Alors qu’elles ont été plus lentes à la digitalisation, on voit de plus en plus de marques qui, grâce au succès de la vente en ligne, imaginent une expérience boutique digitale.»

 

Carré blanc
Carole Extermann