«Autant tuer le mythe d’emblée: une vue sur AdSense, le segment rémunérateur de YouTube, rapporte en moyenne 0,6 centime à l’auteur de la vidéo. Soit 6000 francs pour 1 million de vues. On est loin des chiffres que la plupart des gens s’imaginent. Sans compter qu’obtenir 1 million de vues ne se fait pas d’un claquement de doigts mais dépend d’une foule de paramètres que vous ne maîtrisez pas entièrement. J’ajoute qu’Instagram ne rémunère pas et TikTok non plus. En Suisse du moins. Tout cela pour dire que tirer un revenu décent, voire intéressant, du job d’influenceuse est un vrai défi.

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Le graal, c’est lorsque vous êtes rétribué par les marques. Rétribué financièrement j’entends, pas en nature. Cette première étape est pourtant pratiquement inévitable, mais pas forcément ingrate. Au début, il y a même quelque chose de jouissif de recevoir gratuitement des produits pour les tester ou un soin du visage pour promouvoir un institut. Ce n’est qu’au fil du temps et du nombre croissant de vos abonnés que votre travail obtient un vrai salaire.

Après à peine une année d’activité, je totalise 30 000 abonnés sur Instagram et 122 000 sur TikTok avec, pour ce dernier réseau, des vidéos atteignant 1,5 million de vues. C’est bon pour ma notoriété et ma crédibilité auprès des marques, qui commencent à me courtiser. Je suis actuellement dans le collimateur d’une grande agence française, très influente auprès d’enseignes réputées. Avec Laurastar aussi. Le marché de Noël de Montreux m’a également accordé sa confiance. J’en suis d’autant plus satisfaite que j’ai commencé ce job un peu par hasard. Pour tuer le temps pendant le confinement, à vrai dire.

De formation, je suis gestionnaire de vente. J’ai été vendeuse en parfumerie et gérante d’une boutique Anouk. Puis, en 2019, avec Arnaud, mon mari, qui travaillait dans le domaine, nous avons ouvert une agence de placement, à Bulle. Après des débuts prometteurs, le Covid-19 a brisé net cet élan. Beaucoup pensent que le bâtiment n’a été que très peu touché par la crise. Sauf que, avec notre société Start Job, nous travaillions principalement avec des frontaliers. Le coup a été rude. Nous avons plongé dans les chiffres rouges et, désormais, nous nous battons pour remonter la pente.

C’est également pour cette raison que je me suis accrochée à mon nouveau job. Grâce à lui, j’ai pu diminuer mon salaire de 2000 francs par mois à l’agence, où je me charge du secteur administratif. De son côté, Arnaud poursuit une formation dans les assurances, histoire de diversifier aussi ses activités. Avec trois enfants de 13 ans, 5 ans et 1 an, notre maison de Remaufens (FR) et nos engagements, on jongle pas mal. Mon objectif est de sauver l’agence grâce à mes revenus.

J’ai commencé à y croire vraiment après avoir posté une vidéo sur TikTok, enregistrée à Noël dernier avec mon fils aîné, sur une musique des années 2000. Un truc tout simple mais visiblement touchant puisqu’il a atteint 1 million de vues, 2 millions même à ce jour. Grâce à lui, le nombre de mes abonnés a explosé au cours de la semaine qui a suivi. De 6000, je suis passée à 15 000 sur Instagram et de 20 à 20 000 sur TikTok. Incroyable!

Des scores qui ont bien sûr décuplé ma motivation. Au point que je suis partie à Dubaï suivre une formation qui s’est avérée très bénéfique en termes de créativité et de confiance en moi. Car, je l’avoue, parler face caméra ne m’était pas acquis. En fait, le côté moins rose de l’histoire a trait aux insultes que je reçois quotidiennement. Comme mes parents sont d’origine maghrébine, je n’échappe pas aux injures racistes. Mais j’ai trouvé la parade. Plutôt qu’en souffrir, je réponds par l’humour. Non seulement cela me fait du bien, mais cela m’amène des abonné(e)s. Une bonne influenceuse se doit d’ailleurs d’être positive et optimiste. Je le suis chaque jour davantage…»

Christian Rappaz, journaliste
Christian Rappaz