Bonne nouvelle pour la planète, mauvaise nouvelle pour la branche du voyage: la crise sanitaire liée au Covid-19 a entraîné une diminution massive des déplacements professionnels. Selon une étude publiée en juillet 2021 par le cabinet McKinsey, les dépenses liées aux voyages d’affaires ont chuté de plus de 50% en 2020 à l’échelle globale.

La Suisse n’échappe pas à ce phénomène. Selon un sondage mené par le SonntagsBlick auprès d’Autoneum, Credit Suisse, Lonza, Nestlé, Novartis, Roche, Schindler Swiss Life, UBS et Zurich, ces sociétés ont réduit drastiquement leurs voyages d’affaires en raison de la pandémie. Les collaborateurs de Credit Suisse ont par exemple diminué leurs voyages d’affaires de plus de 85%, passant de 11 000 trajets en 2019 à 1400 en 2020. L’autre géant bancaire helvétique, UBS, a indiqué dans cette enquête avoir opéré en 2020 une réduction de plus de 80% de ses voyages d’affaires en comparaison avec 2019. Quant aux frais liés à ces déplacements, ils sont passés de 378 millions de dollars à 169 millions, selon une porte-parole. Une tendance confirmée par Olivier Emch, membre du comité de la Fédération suisse du voyage et directeur de l’agence Executive Travel: «Dès mars 2020, nous avons perdu à peu près 80% de notre chiffre d’affaires.»

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Showroom virtuel

Confrontées à la quasi-impossibilité d’envoyer leurs collaborateurs à l’étranger – mais aussi d’accueillir la clientèle dans leurs locaux –, les sociétés suisses se sont reportées sur les solutions numériques. Et parfois de manière créative. Chez le fabricant fribourgeois de machines-outils Starrag Vuadens, un showroom virtuel a par exemple été développé afin de pouvoir continuer à présenter les produits aux acheteurs potentiels. «D’habitude, nous participons à une dizaine de salons par année», relève Stéphane Violante, responsable du marketing international auprès de l’ex-Bumotec, une PME de 175 collaborateurs rachetée en 2012 par le groupe Starrag. «Grâce à Angela, notre activité d’acquisition client a pu reprendre presque normalement.» Angela? «C’est ainsi que nous avons baptisé notre guide virtuelle», sourit Stéphane Violante.

Opérationnel depuis le mois de mai 2021, cet outil permet de faire visiter l’ensemble du parc de machines de Starrag Vuadens. «Les clients y obtiennent une vision complète de l’offre et des possibilités d’usinage de pièces complexes en fonction de leur secteur d’activité.» Proposée en français et en anglais, cette visite numérique «a permis non seulement de faire face à l’annulation des salons mais aussi de limiter au strict minimum les déplacements de nos vendeurs, tout comme ceux de nos clients». L’expérience a montré qu’Angela «est particulièrement bien adaptée pour remplacer les premiers contacts» entre les deux parties. Lorsque le partenariat se concrétise, «on passe au mode présentiel», dit le responsable marketing.

Les PME plus souples

Le mode présentiel semble justement reprendre de timides couleurs dans le monde des affaires. Selon l’étude globale de McKinsey, on a observé un lent retour aux voyages professionnels à partir de l’été 2021 – via l’assouplissement des conditions d’entrée dans de nombreux pays. A ce stade, le cabinet de conseil sépare les entreprises en quatre catégories: celles qui n’ont jamais arrêté de faire voyager leurs collaborateurs (environ 15%), celles qui risquent trop en restant à distance et qui ont donc repris les déplacements ou le feront prochainement (environ 60%), celles qui sont attentistes (environ 5%) et celles qui ne reprendront jamais ces déplacements (environ 20%).

L’étude précise que la deuxième catégorie est principalement constituée de PME, qui sont plus souples que les grandes sociétés en matière de politique de déplacement. A l’inverse, celles qui abandonnent les voyages sont surtout de grandes entreprises qui ont décidé de profiter de la crise – et des bonnes expériences faites avec les outils digitaux – pour réduire leurs dépenses.

Mais également pour réduire leurs émissions de CO2, nuance UBS. «Nous nous soucions tout particulièrement de notre empreinte environnementale et souhaitons abaisser d’ici à 2025 nos émissions directes et indirectes liées à l’énergie à un net zéro.» La porte-parole précise que l’année 2021 «a confirmé que le retour aux voyages a été et continuera d’être lent et progressif et qu’il restera limité aux déplacements vraiment nécessaires. Le travail à distance et les vidéoconférences resteront intégrés dans de nouveaux modèles de travail hybrides.»

20% des voyages seront remplacés

Olivier Emch, de la Fédération suisse du voyage, constate que les PME sont davantage ouvertes à une reprise des voyages d’affaires que les grandes entreprises. Ce sont d’ailleurs elles qui ont porté le retour vers les aéroports constaté récemment. «Nous avons retrouvé environ 30 à 40% de notre rythme d’avant-crise», estime le spécialiste, qui ne s’attend néanmoins pas à revenir aux taux d’autrefois, même une fois la pandémie maîtrisée. «A moyen terme, il faudra probablement compter avec une réduction d’environ 30% de nos recettes par rapport à celles de 2019.»

Selon lui, «environ 20% des voyages d’affaires seront remplacés par des outils virtuels et le budget supplémentaire des entreprises passera tout simplement à la trappe par souci d’économies». Les experts de McKinsey font le même constat à plus large échelle et misent eux aussi sur un retour à 80% des mouvements et des dépenses d’avant la crise, dès 2023.