Le système des bonus est à nouveau décrié. L'indignation suscitée par la faillite de Credit Suisse et les rémunérations variables élevées des cadres bancaires est grande. La banque a versé plus de 30 milliards de francs de bonus au cours des dix dernières années, tout en accumulant des pertes de 3 milliards de francs, avant d’être sauvée in extremis par UBS.

Le système de rémunération a complètement échoué. En fait, les bonus devraient garantir un succès durable. Une partie du salaire est fixe, une autre variable, versée en espèces ou en actions, avec une période de blocage sur les actions. Voilà l'idée de base.

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«Une entreprise poursuit une stratégie - nouveaux segments de clientèle ou nouveaux pays, réduction des coûts ou développement d'un nouveau produit - et grâce à des programmes à long terme, elle fait participer ses collaborateurs au succès, résume Christoph Thoma, Partner People Advisory chez EY. Ceci, dans l'intention de conserver ses employés sur le long terme.»

Motivation extrinsèque des employé

«Environ 96% de toutes les directions d'entreprise présentent une forme de rémunération variable, souligne Urs Klingler, codirecteur de l'équipe Reward du cabinet d'audit EY. Plus le niveau hiérarchique est bas, moins on trouve de participations à long terme.»

«Celui qui veut de la performance doit pouvoir offrir des composantes variables liées aux résultats», ajoute Christoph Thoma. Mais le calcul n'est pas si simple, comme l’explique la psychologue du travail Petra Schmid de l'EPFZ: «On sait aujourd'hui que les bonus sont beaucoup moins efficaces qu'on ne le pensait.» 

Elle voit une raison dans le fait que les bonus n'encouragent pas la motivation intrinsèque des employés, mais la motivation extrinsèque: «On fait quelque chose en raison d'incitations extérieures, en l’occurrence pour l'argent. En revanche, si l'on est motivé intrinsèquement, on peut parfois travailler un peu plus que ce qui est prévu.»

La situation est encore plus délicate lorsque des primes sont attendues. Des bonus inattendus ou plus élevés que prévu augmentent fortement la motivation. Il est frappant de constater que «ce qui motive le plus, c'est quand le bonus est plus important que celui du collègue. Cela montre une estime particulière, une singularité, un statut spécial», ajoute la psychologue.

Par ailleurs, elle observe que pour les objectifs de carrière à long terme, le salaire et les bonus sont moins déterminants que de bonnes conditions de travail telles que l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ainsi que l'estime dans le travail. «Mais pour les décisions de carrière à court terme, par exemple lors d'un changement de poste, l'argent est souvent déterminant», précise-t-elle. 

Par conséquent, des bonus élevés peuvent attirer les talents. Mais ces derniers repartent généralement plus vite dès qu'une offre plus élevée se présente ailleurs. Pour ces personnes, les bonus sont un symbole de statut: elles font la chasse à la position la plus élevée, avec les bonifications les plus importantes.

Des incitations et des prestations correctes

Toutefois, il s'agit là de cas exceptionnels, souvent très médiatisés. Selon Petra Schmid, la règle de base est la suivante: «En matière de salaire et de bonus, il est en premier lieu important qu'ils soient perçus comme équitables et justes par rapport aux autres membres de l'équipe, de l'entreprise, mais aussi par rapport à la norme dans la branche.» Urs Klingler va dans le même sens: «Un bonus ne doit pas être extrêmement élevé, mais les attentes de la personne en matière de rémunération variable devraient être dépassées en cas de performance durable correspondante.»

Pour qu'un système de bonus fonctionne, il faut mettre en place les bonnes incitations. Le plus important consiste à s'assurer que le système soit en corrélation avec les objectifs et les résultats de l'entreprise. En d'autres termes, si le résultat est positif, la rémunération variable doit suivre avec un montant adapté. En cas de résultat négatif, elle tombe à zéro. «Il y a des cas assez fréquents où cela peut arriver, on l’observe notamment dans la distribution», explique Christoph Thoma.

Des paramètres clairement définis pour l'équité

Dans ce contexte, les paramètres doivent être clairement définis et mesurables. Mais un tel système ne fonctionne pas partout. Par exemple, un essai a été mené au sein d’un cabinet d’avocats: en guise de motivation, ceux-ci recevaient une rémunération par affaire gagnée. «Cela a eu pour conséquence que les avocats expérimentés n'ont plus pris en charge que les cas simples et ont laissé les cas difficiles à leurs jeunes collègues», relève Urs Klinger. 

De même, une personne chargée de la compliance ne devrait jamais être motivée par un bonus, car une prime alléchante pourrait la rendre influençable. Dans les hôpitaux aussi, instaurer un système de bonus se révèle difficile, surtout s'il dépend du nombre d'opérations ou de patients. C’est pourquoi, on préfère parler d'honoraires.

Il n'existe pas de règle générale concernant le montant des bonus, mais une chose est sûre: plus l'entreprise est grande, plus la part variable est importante. Dans les sociétés suisses de plus de 10 000 employés, la part variable de la rémunération des membres de la direction représente plus de 50%. Ce système est importé des Etats-Unis, mère patrie des bonus, où ces derniers sont bien plus élevés qu’en Suisse. 

Selon Petra Schmid, cette tendance ne devrait toutefois pas être copiée. Car, en fin de compte, il faut se poser cette question: «Les bonus ont-ils un sens effectif ou conduisent-ils à ce que les informations ne soient plus échangées entre collègues et à ce que ces derniers se mettent des bâtons dans les roues pour se faire mieux voir?»

Tina Fischer
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