«A un certain moment de sa vie, on se retourne sur le chemin parcouru et on réalise qu’il y a comme un fil rouge qui nous a guidé, sans que l’on s’en rende véritablement compte. C’est mon cas. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu l’envie de rechercher des solutions pour améliorer le quotidien. Je note du reste toutes mes idées dans un petit carnet, toujours à portée de main, ce qui fait sourire ma femme. Un beau jour de 2020, je me trouvais sur les quais de la gare de Renens et je me suis demandé pourquoi on ne posait pas des panneaux solaires entre les rails. C’est ainsi que Sun-Ways est né!

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J’ai passé toute ma carrière dans le marketing et la communication, aussi bien en agence qu’en entreprise. En 2016, je suis devenu entrepreneur et j’ai créé ma société Scuderi Marketing Services, à Ecublens. Plusieurs facteurs m’ont mené toutefois à ma start-up. J’ai suivi de près le secteur de l’énergie et de l’électricité, notamment lorsque je travaillais chez Romande Energie, un domaine passionnant. Il y a deux ans, j’ai eu le bonheur de devenir grand-père et mon petit-fils, ainsi que mes enfants, âgés de 20 à 33 ans, ont contribué à ma réflexion sur ce que je peux faire pour les prochaines générations et le climat. Et, à 57 ans, je me suis dit que c’était le moment ou jamais de concrétiser enfin l’une de mes idées.

Persuadé que l’énergie solaire peut amener sa contribution à la réduction des émissions de CO2 et qu’il nous faut agir vite, j’ai conceptualisé ces panneaux solaires posés entre les rails et me suis renseigné, notamment auprès de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle. Or, s’il existe une pléthore de brevets, aucun ne résolvait le problème de la maintenance des rails, une contrainte majeure à laquelle il faut pouvoir répondre. D’où l’idée de développer un système amovible, que j’ai fait breveter.

C’est là que je dois souligner à quel point nous vivons dans une région riche en compétences et en savoirs. Tout est à portée de main. Les rencontres se sont enchaînées. Parmi elles, je citerai Innosuisse, qui m’accompagne depuis mes débuts. Un coaching capital à ce stade, car, au-delà des aspects financiers, lorsque l’on monte une start-up, on est submergé par le doute, d’autant que, n’étant pas ingénieur, le syndrome de l’imposteur refait vite surface. Les hautes écoles, EPFL, HES-SO et bientôt le CSEM pour travailler sur l’ingénierie, et l’entreprise Scheuchzer, pionnier mondial de l’entretien des voies ferroviaires, qui se trouve à deux pas de chez moi, à Bussigny. Grâce à l’enthousiasme de cette dernière, j’ai pu réunir quelques partenaires pour financer un premier test à hauteur de 400 000 francs.

Annoncé à l’origine pour ce mois de mai, et comme il nous faut attendre le feu vert de l’Office fédéral des transports, le projet pilote mené avec les Transports publics du canton de Neuchâtel (transN) à Buttes, dans le Val-de-Travers, devrait finalement être lancé à la fin de l’été. En parallèle, nous perfectionnons le système afin de répondre aux contraintes logistiques, techniques et sécuritaires pour fixer ces panneaux solaires entre les rails.

Reste que l’intérêt suscité par Sun-Ways, auquel je me consacre pleinement depuis un an, est immense. Avec 5317 km de réseau ferré, ces panneaux pourraient produire environ 1 TWh d’électricité par année, soit près de 2% de l’électricité produite en Suisse. Imaginez le potentiel dans le monde, où on estime la longueur des voies ferrées à 1 million de km! Notre projet suscite un fort intérêt: on vient de décrocher une médaille d’or au Salon des inventions, à Genève, et la Fondation Solar Impulse nous a adoubés. Depuis, on reçoit des messages de partout, des émirats à l’Italie, en passant par la France, l’Espagne, Singapour, le Canada, les Pays-Bas ou l’Algérie, tous intéressés à mener des projets pilotes chez eux.

A noter enfin que Baptiste Danichert, 24 ans, m’a rejoint dans l’aventure. Je l’avais rencontré lors d’un mandat pour HEC Lausanne, où il terminait son master en finances, et nous sommes très complémentaires, notamment parce qu’il a déjà lancé une start-up. Seul à la barre, c’est difficile, on s’épuise, et il s’agit maintenant de fixer nos priorités. Les prochaines étapes? Engager un CTO et présenter Sun-Ways aux premiers investisseurs.»

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Elisabeth Kim