L’initiative populaire «Entreprises responsables pour protéger l’être humain et l’environnement» a été rejetée dans les urnes le 29 novembre 2020. C’est donc le contre-projet indirect du parlement qui s’applique. Si ce dernier concerne essentiellement les grandes entreprises soumises à un audit ordinaire, on peut s’attendre à ce qu’il y ait des répercussions importantes sur les PME. D’abord directement si elles importent ou transforment en Suisse de l’or, du tungstène, du tantale ou de l’étain (dans certaines quantités) ou si elles proposent des biens et des services qui ont manifestement eu recours au travail des enfants. Mais également indirectement, lorsque les PME travaillent avec des entreprises qui sont, elles, soumises à la loi. Certaines grandes entreprises refusent déjà de travailler avec celles qui n’auraient pas adopté des standards de durabilité. Voici les conseils d’Alexandre Dübi, Audit Partner chez Deloitte, pour se préparer au mieux à ces nouvelles exigences.

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1. Agir maintenant ou subir plus tard

«Bien sûr, faire une analyse pour savoir si la loi vous concerne est important. La loi est déjà en vigueur et les sanctions en cas de manquement sont lourdes (amende jusqu’à 100 000 francs). Au vu de l’urgence et de la pression sociale qui entourent cette thématique, mon conseil aux PME est de partir de l’idée que tout le monde devrait être concerné. Agir maintenant va permettre aux entreprises de garder leur liberté d’action, de pouvoir contrôler la manière dont elles souhaitent mettre en œuvre leur stratégie en matière de responsabilité sociale. En agissant de la sorte, elles pourront même en tirer des opportunités d’affaires et des gains d’image auprès de leurs clients, de leurs fournisseurs et de leurs employés.»

2. Intégrer les enjeux ESG dans la stratégie d’entreprise

«Si, pour certaines entreprises, il s’agit de questions existentielles immédiates, la plupart des PME vont aussi être rapidement concernées. Des mesures ad hoc telles que changer des ampoules pour du LED ne suffiront pas. Les enjeux ESG impactent la stratégie, les opérations, l’approvisionnement, la finance, bref, l’entier de l’organisation. La direction et le conseil d’administration doivent s’engager. Il faut donc intégrer ces questions au plan stratégique, et faire le suivi des indicateurs dans le tableau de bord de l’organisation

3. Se préparer dès maintenant à être audité

«Les entreprises doivent se préparer à être auditées un jour ou l’autre sur les aspects liés au respect des critères ESG. Certes, le parlement a changé le fardeau de la preuve et les entreprises n’ont plus, désormais, à démontrer qu’elles ont mis en place la diligence requise, mais les attentes sociales vont dans ce sens. Les législations européennes exigent d’ailleurs que les rapports sur les informations non financières soient audités alors que le Code pénal suisse prévoit de punir les individus qui publieraient des informations erronées. Les sociétés sont alors poursuivies ou mises au ban pour greenwashing. Quant aux grandes sociétés, elles exigent désormais que leurs fournisseurs, PME comprises, soient certifiés.»

4. L’importance de créer la bonne équipe

«Le sujet est compliqué mais il intéresse et enthousiasme généralement les employés. Conjuguez les talents et les énergies internes, en particulier dans les domaines destinés à perdurer, et les experts externes pour les sujets techniques et plus ponctuels. Pensez notamment à adapter ou à créer une veille réglementaire sur les aspects ESG. Les changements législatifs qui évoluent vite créent un risque, mais il y a aussi beaucoup d’opportunités à saisir. Par exemple, la loi sur le climat sur laquelle nous avons voté en juin prévoit des aides financières importantes pour soutenir l’acquisition et la mise en place de technologies et processus innovants permettant la mise en œuvre des objectifs climatiques. Les premiers arrivés seront les premiers servis.»

5. Traiter le sujet comme vos autres projets prioritaires

«Il ne faut pas prendre ces nouvelles obligations à la légère. Dans l’idéal, je recommande de nommer un ou des responsables et d’établir une gouvernance claire. Il est utile de commanditer un diagnostic des obligations légales, des risques et des impacts de l’entreprise sur les questions ESG et de déterminer vos ambitions et vos objectifs avant d’explorer les solutions, les outils et les systèmes à mettre en place. Faites un plan et créez de nouveaux indicateurs clés de performance. Cela implique aussi de déterminer les changements à mettre en place sur les politiques internes, sur les directives et sur le modèle opérationnel, dans le domaine de l’approvisionnement. Enfin, prévoyez l’adoption de nouveaux outils, processus ou contrôles. Tout cela implique beaucoup d’efforts, mais ils sont justifiés par l’importance que prend aujourd’hui le respect des critères ESG dans le monde des affaires.»

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Thierry Vial