«Je n’étais pas destinée à devenir entrepreneuse. Passionnée par la littérature, je me voyais enseignante, raison pour laquelle j’ai commencé l’Ecole normale supérieure. Mais la vocation n’était pas là. J’ai ensuite tenté le concours pour entrer à l’ENA, qui s’est soldé par un échec. Ce fut pour moi un déclic: je n’étais pas vouée à devenir fonctionnaire. Cap sur HEC Paris, des études et des stages en entreprise, qui ont confirmé mon sentiment. Le monde s’ouvrait à moi et l’idée de créer ma propre affaire a commencé à germer.

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L’aventure Gemmyo a débuté lorsque, avec mon futur mari, Charif Debs, nous cherchions une bague de fiançailles. En nous rendant chez les joailliers de la place Vendôme, nous avons trouvé l’expérience désuète, voire poussiéreuse. Nous nous sommes dit qu’il était certainement possible de moderniser ce segment du luxe. C’était en juin 2011. A partir de là, les choses sont allées très vite. En septembre 2011, nous avons fondé la société avec mon mari, avec de premiers bijoux vendus sur un site internet créé en l’espace de trois mois!

Nous avons foncé tête baissée et, rétrospectivement, je me dis que ce n’était pas si mal, car si nous avions eu conscience de l’ampleur de la tâche, je ne suis pas sûre que nous nous serions lancés. Il nous a fallu tout apprendre. Les premiers mois, nous avons essuyé des dizaines de refus de la part des ateliers de bijouterie qui ne nous prenaient pas au sérieux.

A nos débuts, le fait de ne pas avoir de capital de départ nous a obligés à être inventifs. D’où le business model 100% digital et les bijoux sur mesure, ce qui nous permettait de ne pas avoir de stock. Au fil du temps, pour répondre à la demande de nombreuses clientes, nous avons ouvert des boutiques, d’abord à Paris et ailleurs en France, puis à l’international, Bruxelles, Genève l’an dernier et actuellement Tokyo. L’esthétique de notre marque semble plaire à la clientèle japonaise et le nom de Gemmyo, pour la petite histoire, vient d’une impératrice japonaise du VIIIe siècle réputée pour sa modernité et son esprit pionnier.

Nous avons aujourd’hui huit boutiques, environ 70 employés et, en ce qui concerne la Suisse, notre objectif est de nous implanter à Zurich dès que possible. Le concept de nos magasins, c’est de recevoir les clientes dans une ambiance intimiste et chaleureuse, où elles peuvent prendre le temps de choisir et de personnaliser leur bijou. Avec 50% de ventes digitales, notre site reste toutefois notre première boutique. La Suisse pèse environ 10% de notre chiffre d’affaires et, ce printemps, nous avons conçu notre première montre, fabriquée dans une manufacture jurassienne, dont une édition limitée sortira mi-octobre. Une grande fierté pour moi qui vit désormais dans le canton de Lucerne, dans le petit village de Weggis, car j’ai eu un véritable coup de cœur pour cette région.

Ma vie d’entrepreneuse a bien sûr été traversée par des périodes de doutes. J’écoutais alors beaucoup de podcasts, essentiellement en anglais car il n’existait pas grand-chose en français il y a quelques années. Chez moi, les choses démarrent souvent sur un coup de tête et, en mars 2018, je me suis lancée. Le podcast de Pauline Laigneau, c’est deux épisodes par semaine et 500 000 écoutes par mois aujourd’hui! J’y interroge des personnes inspirantes et je donne des conseils qui répondent aux questions des auditeurs.

Par la suite, en 2020, en plein covid, j’ai poursuivi cette même démarche en créant une première formation en ligne. A mes débuts avec Gemmyo, l’une de mes frustrations, c’était de ne pas trouver des réponses très pratiques à mes questionnements. J’ai voulu partager mon expérience de manière concrète, avec des vidéos, une marche à suivre et des exercices. J’en suis à ma neuvième formation cette année, pour plus de 10 000 participants. Je pense que le fait d’être moi-même une entrepreneuse me donne une certaine assise et je ne choisis que des thèmes où je me sens une légitimité. Cette activité est regroupée sous le nom de Demian, tirée d’une œuvre de Hermann Hesse, dont l’étymologie grecque signifie «voix intérieure».»

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Elisabeth Kim