Le projet était déjà clair à l’âge de 35 ans: «Je savais que je voulais faire quelque chose d’utile à 50 ans.» Pour ne pas en rester au stade de la réflexion, Erich Geisser avait alors rédigé un contrat avec lui-même au Mövenpick d’Ouchy-Lausanne dans lequel il s’engageait à changer d’orientation à 50 ans. A 47 ans, il a commencé à se fixer une minuterie qui indiquait les années, les mois et les jours jusqu’au «point de non-retour». Tic tac.

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Cinq mois avant son 50e anniversaire, celui qui était alors directeur européen du fabricant d’aspirateurs Dyson a donné sa démission, a fait un pèlerinage sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle et a finalement rejoint son employeur actuel en tant que partenaire. «L’éthique embrasse l’esthétique», tel est le slogan de Changemaker. L’entreprise, qui compte dix magasins et environ 70 employés, vend des produits lifestyle et design fabriqués de manière équitable et durable.

L'âge n'est pas un handicap

Le nouveau départ radical d’Erich Geisser a eu des conséquences drastiques. Son salaire a baissé de 75%. Dans sa vie privée aussi, il y a eu des «dommages collatéraux». «Malheureusement, je n’ai pas réalisé que ma femme n’avait pas vécu le changement aussi bien que moi. C’était probablement un ego trip total de ma part», admet-il.

Regrette-t-il d’avoir fait le pas? Non. «J’en avais assez des jeux de pouvoir et des frictions qui se produisent dans les grandes entreprises.» Aujourd’hui, il a le sentiment d’être enfin en accord avec lui-même, ses valeurs et ses convictions. «L’âge n’est pas un handicap, à partir de 50 ans, on est encore très demandé sur le marché du travail», confirme Nicole Renggli, consultante senior chez Mäder & Partner, spécialiste en placements.

50 ans est une ligne de démarcation qui suscite chez de nombreux hommes l’envie de se rapprocher d’eux-mêmes. L'acteur américain Sylvester Stallone a dû attendre 51 ans pour pouvoir jouer un premier véritable rôle de composition dans Cop Land. Son collègue John Goodman, en surpoids, s’est soumis dans la cinquantaine à un régime drastique qui l’a totalement transformé physiquement. «A 50 ans, le facteur ‘bullshit’ doit disparaître dans le travail, le but, le bonheur et l’efficacité passent au premier plan», souligne Sandro Rüegger, partenaire au sein du cabinet de recrutement zurichois Roy C. Hitchman.

Une faible volonté de changement

Les hommes de plus de 50 ans vont et viennent chez lui. Ce qu’ils ont en commun, c’est qu’ils savent pertinemment que s’ils ne changent pas de cap maintenant, ils feront du surplace jusqu’à la retraite. A cet âge, l’argent n’est généralement plus le principal moteur, les chercheurs d’emploi de cette génération sont plutôt en quête de sens. Sandro Rüegger le dit clairement: «A cet âge, il y a encore de la marge.» Mais il ajoute: «Un nouveau départ radical est plutôt difficile.» Le pianiste amateur qui pense qu’il peut encore devenir professeur de musique? C’est illusoire. Le banquier qui ouvre une nouvelle crèche? Plutôt improbable.

«A cet âge, la question cruciale est de savoir lesquelles de mes compétences clés peuvent être transférées dans d’autres domaines professionnels», explique André Schläppi. Il a été pendant de nombreuses années partenaire de l’entreprise suisse d’outplacement Grass Group et s’occupe aujourd’hui encore d’une petite base de clients sous mandat. La plupart des candidats se retrouvent face à lui malgré eux, souvent après un licenciement.

«A 50 ans, le facteur ‘bullshit’ doit disparaître dans le travail, le but, le bonheur et l’efficacité passent au premier plan.»

Le spécialiste doit alors les aider à se réintégrer sur le marché du travail. Il ne constate toutefois pas de grande volonté de changement de la part de sa clientèle de plus de 50 ans: «La plupart de ceux qui viennent me voir ne sont pas terriblement courageux, ils préféreraient d’abord reprendre là où ils se sont arrêtés. Pour eux, c’est comme s’ils quittaient un hôtel quatre étoiles.» Les femmes auraient en elles une plus grande volonté de changement.

Erich Geisser confirme cette impression. «Neuf collègues sur dix à qui j’ai parlé de mon nouveau départ ont dit: ‘wow super, mais je ne pourrais pas le faire moi-même.» Ils tendent à se cacher derrière leurs prétendues obligations. Autre problème: «Beaucoup de mes interlocuteurs ne sont pas capables de nommer ce dans quoi ils sont vraiment bons professionnellement et ce qu’ils pourraient faire avec passion», explique Sandro Rüegger. C’est toutefois une condition préalable à un changement radical.

Pourtant, des études montrent que la cinquantaine a le potentiel d’être une bonne période pour les transitions. Le scientifique britannique David G. Blanchflower a cherché à savoir à quel âge les gens sont les plus heureux. Conclusion: à l’âge de 49 ans. A partir de 50 ans, la situation s’améliore. Parce qu’on se fixe des objectifs plus faciles à atteindre. On n’échoue plus à cause d’attentes démesurées, ce qui augmente la satisfaction.

Cibler ses formations continues

De ce point de vue, les candidats au changement ne devraient plus entreprendre de formation continue passant à côté de leur objectif. «Faire un MBA à la cinquantaine n’a pas beaucoup de sens, explique Sandro Rüegger. La formation continue devrait être définie de manière beaucoup plus large à cet âge. Il ne s’agit plus de diplômes, mais de la soif d’acquérir davantage de connaissances, quelle que soit la manière dont elles sont utilisées.»

Pour son nouveau départ, Erich Geisser a lui aussi dû s’orienter vers ce qui était réalisable. Avant d’entrer chez Changemaker, son idéalisme l’avait poussé à postuler auprès de plusieurs ONG, sans succès. «Je n’avais aucune chance. L’histoire selon laquelle je voulais passer du poste de directeur européen de Dyson à une organisation à but non lucratif n’a pas reçu beaucoup d’écho.» C’est pourquoi il a atterri dans une plus petite entreprise. Et il est aujourd’hui heureux.

Cet article est une adaptation d'un article paru dans le hors-série Bonanza

Changer de travail à 50 ans: comment réussir?

  • Ne pas avoir d’attentes démesurées: il faut un plan clair, du courage et la volonté de prendre des risques.
  • L’indépendance n’est une option que pour peu de gens.
  • Sur le marché du travail, ne vendre que ses compétences de base et ne pas survendre des qualités universelles comme «agile», «fort en direction», etc.
  • Les PME ont des normes d’embauche moins strictes et sont donc plus adaptées à un changement radical.
  • Oui à la formation continue, mais avec discernement: un doctorat ne peut plus être monétisé.
  • Avoir la volonté et la possibilité de revoir son salaire à la baisse.
  • S’assurer du soutien de la famille et des amis.
KK
Karin Kofler