Les entreprises regtech sont en train de révolutionner le travail des cabinets d’avocats et des juges. Leurs outils débouchent sur des processus de travail plus efficaces et moins coûteux, tout en garantissant le respect des réglementations complexes. «L’émergence de solutions basées sur l’intelligence artificielle (IA) va encore élever ces offres à un tout autre niveau dans les années à venir», prédit Tina Balzli, associée du cabinet d’avocats CMS von Erlach Partners et responsable Fintech & Blockchain dans notre pays.

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Le terme regtech est la contraction de regulatory et technology et correspond à l’utilisation de la technologie pour améliorer le respect des exigences réglementaires. «La regtech n’est pas une tendance à court terme, mais un mouvement de fond qui va changer durablement la manière dont les entreprises gèrent les réglementations », poursuit Tina Balzli. Une évolution qui permet aux entreprises de se conformer plus efficacement à des réglementations complexes et d’optimiser les processus de conformité.

Une révolution silencieuse

Cela est particulièrement important dans les secteurs strictement réglementés comme celui des services financiers. Les avantages des regtechs sont nombreux, notamment l’automatisation, la réduction des risques et les économies de coûts qui en découlent, ainsi qu’une meilleure transparence. Face à des réglementations en constante évolution et de plus en plus complexes, l’importance des regtechs va encore augmenter, Tina Balzli en est convaincue.

En Suisse, quelques entreprises pourraient révolutionner le marché regtech local. Parmi elles, Apiax est l’une d’entre elles. Comme la numérisation progresse inexorablement et que les processus commerciaux numérisés doivent respecter le droit, chaque projet de numérisation a également besoin d’une composante regtech, relève Philip Schoch, CEO et cofondateur d’Apiax. L’entreprise, qui a des bureaux à Londres et à Lisbonne, a été l’une des trois start-up suisses à avoir reçu le WealthBriefing Swiss Award du secteur de la gestion de fortune, en 2022. En 2019, Apiax avait déjà remporté le Swiss Fintech Award.

Les banques universelles et privées comptent parmi les clients de l’entreprise. Elle leur propose une solution permettant de consulter les exigences réglementaires de plus de 150 pays via une interface simple (API) et de les intégrer dans les processus internes de la banque, ce que l’on appelle la conformité embarquée.

Concrètement, une application indique aux clients les choses à faire et à ne pas faire en matière de gestion de fortune. De la banque d’investissement à la banque de détail, les utilisateurs peuvent s’entretenir avec un chatbot sur la fourniture de services bancaires transfrontaliers ou sur les lignes directrices internes. Pour ce faire, le chatbot dispose des directives actuelles vérifiées ou de documents réglementaires. «Les regtechs sont déjà arrivées à la fin du cycle de simple engouement», souligne Philip Schoch lorsqu’on lui demande s’il ne s’agit pas simplement d’un effet de mode. «Les entreprises qui sont présentes sur ce marché apportent une valeur ajoutée évidente face aux problématiques concrètes.»

Atteindre les objectifs climatiques

Basée à Genève, easyReg propose une solution regtech pour les banques, les institutions financières, les cabinets d’avocats et les sociétés de conseil. L’entreprise fournit un outil qui soutient ses clients dans la mise en oeuvre du cadre réglementaire comme la gestion quotidienne de la conformité et des risques. Après avoir saisi des termes dans un outil de recherche, easyReg fournit les lois et les règles en vigueur ainsi que leur contexte. L’historique de la réglementation est également disponible. Grâce à la simplicité de la recherche, les intermédiaires financiers et les auditeurs ne perdent pas la vue d’ensemble des réglementations nationales et internationales des marchés financiers, qui ne cessent de changer.

Basée à Herrliberg (ZH), Dydon AI a été récompensée à plusieurs reprises pour ses solutions aux réglementations ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) complexes de l’UE. En septembre 2022, l’entreprise a reçu un prix lors du Global Sustainable Digital Finance Forum organisé à Zurich par les universités Stanford et de Zurich. En octobre 2022, elle a aussi été distinguée durant les ESG Insight Awards pour sa solution d’application de la nouvelle taxonomie de l’UE. Dans le cadre du Green Deal européen, ce système de classification à l’échelle de l’UE définit quelles activités économiques sont durables sur le plan écologique. L’objectif de la taxonomie est d’éviter l’écoblanchiment. L’outil Taxo de Dydon AI, basé sur l’IA, aide les institutions financières et les entreprises à se conformer au règlement européen, en vigueur depuis 2023, et à atteindre les objectifs climatiques européens.

DYDON AI

DYDON AI. L’entreprise zurichoise a été récompensée à plusieurs reprises pour son outil qui aide les entreprises à être conformes avec les objectifs climatiques de l’UE.
Ces illustrations ont été générées entre autres par le modèle d‘IA Midjourney, puis vérifiées et finalisées par Suse Heinz.

© Suse Heinz / AI Artist pour BILANZ

Adaptation rapide

Les outils regtech sont très prisés. Efficaces, ils aident à automatiser les tâches répétitives et permettent aux utilisateurs d’économiser du temps et de l’argent. Selon leur conception, ils offrent une surveillance en temps réel, ce qui permet de détecter le plus tôt possible les infractions potentielles et d’y remédier. Les solutions regtech peuvent être rapidement adaptées aux nouvelles exigences réglementaires, «ce qui est crucial dans des secteurs qui évoluent rapidement», ajoute Tina Balzli. Et grâce à leurs analyses de données approfondies, les tendances sont identifiées à un stade précoce, ce qui permet aux clients de prendre des décisions en connaissance de cause.

L’enfant prodige qu’est la regtech connaît bien sûr aussi des obstacles et des défis. C’est le cas notamment en ce qui concerne les réglementations très complexes, la protection et la sécurité des données ainsi que les coûts de développement et de mise en oeuvre. S’y ajoutent des préoccupations juridiques, comme les questions de responsabilité, en cas d’erreurs ou d’infractions. «La responsabilité entre les entreprises, les fournisseurs et les autres parties devra être clarifiée», poursuit Tina Balzli. L’accès aux données sensibles des entreprises regtech exige des mesures de sécurité strictes afin de respecter les lois sur la protection des données et de préserver la confidentialité nécessaire.

En outre, l’utilisation de systèmes algorithmiques comporte un risque de distorsion et de discrimination. Sans le jugement et l’expertise d’êtres humains, il n’est toujours pas possible de répondre à des questions juridiques complexes. Les regtechs devront se conformer aux normes juridiques et éthiques afin d’instaurer la confiance dans la technologie et de minimiser les risques juridiques, estime Tina Balzli: «Malgré ces défis, on s’attend à ce que les regtechs continuent à se développer, car les entreprises s’efforcent de rendre la compliance plus efficace et de minimiser les risques réglementaires.»

L’Association suisse des banquiers (ASB) mise elle aussi sur les solutions regtech, qui permettent une mise en oeuvre efficiente et efficace des prescriptions réglementaires et apportent «une contribution essentielle au renforcement de la compétitivité de la place financière suisse». Telle est la position officielle de l’ASB sur son site internet.

Une autre entreprise qui a fait les gros titres à ce sujet est Cow Level. Ses fondateurs ont développé le FiPME, le First international Play Money Exchange, une bourse en ligne pour les joueurs. Dans le monde numérique du jeu, les joueurs échangent les objets virtuels dont ils ont besoin pour passer avec succès d’un niveau à l’autre. Selon Cow Level, nombre d’articles en jeu d’une valeur de 200 000 euros changent de mains à chaque minute. La plupart des bourses d’échange sont toutefois peu réglementées et pas toujours sérieuses. En décembre, FiPME a été lancé en tant que place de marché régulée en Suisse pour les objets de jeux vidéo, cela à une époque où les autorités de régulation de l’UE surveillent de plus près cette industrie. L’objectif de l’entreprise est de créer une plateforme sécurisée sur laquelle les biens virtuels peuvent être négociés avec le même niveau de confi ance et de sécurité qu’une bourse. Actuellement, Cow Level semble être sur la bonne voie. En tant que membre de l’organisme d’autorégulation PolyReg, Cow Level répond aux directives de la Finma.

COW LEVEL

COW LEVEL. Avec sa bourse en ligne réglementée, l’entreprise promet aux joueurs un lieu d’échange sécurisé pour les articles virtuels des jeux. La société respecte les directives de la Finma.
Ces illustrations ont été générées entre autres par le modèle d‘IA Midjourney, puis vérifiées et finalisées par Suse Heinz.

© Suse Heinz / AI Artist pour BILANZ

Des armes contre les cyberattaques

Avec son outil d’analyse de cas basé sur l’IA, l’entreprise Herlock Insights de Zurich a contribué à faire passer le processus développé pour Raiff eisen à la vitesse supérieure. En février 2024, la cour suprême zurichoise a annulé un jugement de l’instance inférieure en raison de graves erreurs de procédure. La défense avait misé sur la solution Herlock basée sur l’IA pour passer en revue et analyser les volumes de données.

L’outil permettait de saisir, de lire, de classer et d’analyser de manière ciblée d’énormes quantités de données. La solution traite les informations, les met en relation et réduit la probabilité de passer à côté d’éléments importants. Dans le cas de Raiff eisen, le succès a été au rendez-vous. «Herlock a permis d’identifi er en un clin d’oeil des documents décisifs et de confi rmer ou d’infi rmer des hypothèses étatiques et judiciaires», déclare l’un des avocats sur la page d’accueil de Herlock. Sans une telle technologie, un traitement effi cace aurait été impensable.

Spécialisée dans la surveillance automatique des réseaux et infrastructures informatiques, l’entreprise zurichoise de cybersécurité Exeon Analytics veut stopper les cyberattaques avec des algorithmes. Et ce, avant que des données critiques ne soient perdues. Les bases de la start-up ont été posées par les recherches de David Gugelmann au Zurich Information Security and Privacy Center (ZISC) de l’EPFZ. «Exeon analyse exactement les fl ux de données qui quittent les réseaux d’entreprise de nos clients», expliquait David Gugelmann à Bilanz en 2020.

En cas de schéma inhabituel dans le trafi c de données, le système alerte l’entreprise concernée. Selon Stefan Kuentz, partenaire d’investissement chez Swisscom Ventures 2020, cette solution répond à un besoin évident du marché, car c’est justement dans les grandes entreprises que les virus sont introduits de manière ciblée pour faire du chantage. «De nombreux groupes identifi ent le problème trop tard. Si l’on peut rendre le danger visible très tôt en appuyant sur un bouton, c’est un service de grande valeur.» Parallèlement, les grandes entreprises misent sur les solutions d’entreprises expérimentées pour les sujets sensibles. Exeon devait donc se développer rapidement, gagner des clients internationaux et se faire un nom. L’entreprise semble y parvenir. Elle a notamment réussi à séduire Post- Finance, Swiss et l’entreprise de logistique Planzer. S’y sont ajoutés en 2023 une grande banque allemande ainsi que les premiers clients au Luxembourg et au Liechtenstein.

Identité numérique pour les administrations

Procivis est un vieux routier du secteur. L’ancienne start-up regtech est détenue majoritairement par Orell Füssli depuis 2021. Avec le canton de Schaff house, l’entreprise a réalisé en 2018 la première identité numérique cantonale de Suisse. «Cette solution est utilisée depuis avec succès. Elle est constamment complétée par de nouvelles fonctions», souligne-t-on au Blockchain Center de l’Université de Zurich, dont Procivis est partenaire. Parmi les clients, on compte désormais des administrations de toute la Suisse. Selon l’entreprise, l’accès aux services publics se fera à l’avenir principalement par le biais du téléphone portable. C’est pourquoi l’entreprise a adopté une approche «mobile first».

Parmi les nombreuses entreprises suisses actives sur le marché des regtechs, certaines ont le potentiel de révolutionner le marché. En collaboration avec e.foresight, Swisscom dresse chaque trimestre un panorama du marché des start-up regtech suisses, avec une catégorisation par domaine d’activité. Cela montre à quel point le marché est dynamique. Cet aperçu est réservé aux collaborateurs et aux partenaires de Swisscom.

Tina Balzli est convaincue que les regtechs continueront à croître rapidement au cours des cinq prochaines années. Elles vont probablement s’étendre à d’autres secteurs en dehors de la fi nance, car la nécessité de respecter les prescriptions est commune à l’ensemble des branche. L’IA et l’apprentissage automatique joueront un rôle plus important, les plateformes regtech off rant des informations plus précises et permettant d’automatiser plus effi cacement les tâches de conformité complexes.

Les meilleurs cabinets d’avocats de Suisse en 2024

PME publie les listes des meilleurs cabinets d’avocats de Suisse:

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