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Cet hiver, la journée de ski coûtera 81 francs aux Portes du Soleil et 94 francs dans les 4 Vallées. De tels tarifs, en augmentation dans toutes les stations, feront-ils fuir la classe moyenne? Les remontées mécaniques restent confiantes.
Blandine Guignier
Le pass journalier acheté en caisse atteindra cette saison 94 francs aux 4 Vallées. Pour Laurent Vaucher, CEO de Téléverbier, cette hausse s’explique essentiellement par l’inflation.
Sedrik Nemeth pour L’IllustréPublicité
Entre 2015 et 2023, le prix du plein tarif journalier dans les stations de l’Arc alpin a augmenté de près de 35% au-dessus de l’inflation, selon les calculs de la société Radical Storage. Se rendre spontanément à la montagne pour skier un jour de grande affluence devient plus compliqué. En Suisse, le pass journalier acheté en caisse atteindra cette saison 81 francs aux Portes du Soleil et 94 francs aux 4 Vallées. A Zermatt-Cervinia, l’accès au domaine skiable binational a passé la barre des 100 francs (103 francs par jour).
Pour Laurent Vaucher, CEO de Téléverbier, qui gère une grande partie des remontées mécaniques des 4 Vallées, la hausse des prix s’explique essentiellement par l’inflation. «Comme de nombreux secteurs de l’économie, nous n’y avons pas échappé ces dernières années», explique le directeur de la société qui emploie 270 collaborateurs à l’année. «Il est important de noter que la hausse des coûts liés à l’entretien, à l’énergie et aux salaires n’a pas été totalement répercutée sur la clientèle, loin de là», note aussi Berno Stoffel, directeur de Remontées mécaniques suisses, l’association des exploitants de transports de montagne.
Au-delà des charges, le prix du forfait journalier peut aussi correspondre à une stratégie tarifaire. «Certaines stations vont proposer un prix à la journée ou à la demi-journée particulièrement bas. C’est le cas de Mosses-Lécherette dans le canton de Vaud, par exemple (à 49 francs en 2025-2026), détaille Anne Sophie Fioretto, professeure à l’Institut Tourisme de Sierre. D’autres feront, à l’inverse, des efforts sur les prix à la semaine ou les abonnements à la saison, qu’ils soient propres à leur domaine ou via l’offre interstation Magic Pass.» La société Téléverbier-4 Vallées s’inscrit plutôt dans cette deuxième tendance. «Nous avons aussi fait le choix, comme de nombreux domaines en Suisse, d’introduire des prix dynamiques. Les forfaits journaliers pourront ainsi être jusqu’à 20% moins chers en ligne à certaines périodes.» En raison de toutes ces différences de prix, il est plus pertinent pour Laurent Vaucher de regarder le prix moyen de la journée durant l’ensemble de la saison. «Si l’on additionne toutes les recettes liées à la vente de forfaits et que l’on divise par le nombre de skieurs, on obtient une journée à 43 francs en moyenne durant la saison dernière.»
Berno Stoffel signale lui aussi l’importance de tenir compte de cette moyenne qui inclut les rabais et les abonnements. «Entre la saison 2014-2015 et la saison 2024-2025, le prix moyen effectif d’une journée a évolué de 33,80 à 37,10 francs en Suisse, nuance-t-il. Cette évolution représente une augmentation de 9,7% sur dix ans. En comparaison, l’inflation générale en Suisse s’est établie à environ 10% sur la même décennie.»
Plusieurs stations, telles que les 4 Vallées, assurent aussi avoir amélioré la qualité de leurs domaines. «Les recettes des forfaits nous permettent d’investir dans les infrastructures. Ainsi nos clients disposent de plus grands espaces pour skier et surtout profitent de meilleures installations.» Roland Schegg, chercheur à l’Institut Tourisme de Sierre, rappelle que les skieurs sont certes moins nombreux (30 millions de journées-skieurs environ par saison il y a trente ans contre environ 22 millions ces dernières années), mais que ceux-ci sont plus exigeants. «Les besoins des clients des stations ont changé durant les deux dernières décennies. Auparavant, il était courant de passer des journées entières sur les skis, avec peu de pauses. Aujourd’hui, on souhaite combiner la glisse avec des aspects ludiques, voire gustatifs.» Un constat que partage Berno Stoffel. «Les entreprises de remontées mécaniques ont massivement investi, d’une part, dans des révisions majeures ou le remplacement d’installations. D’autre part, elles ont modernisé leurs infrastructures, qu’il s’agisse de snowparks, de parcs de loisirs ou d’autres attractions destinées aux visiteurs hivernaux.»
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Plusieurs stations, telles que les 4 Vallées, assurent avoir amélioré la qualité de leurs domaines.
Valais/Wallis Promotion
Plusieurs stations, telles que les 4 Vallées, assurent avoir amélioré la qualité de leurs domaines.
Valais/Wallis PromotionSi elle se poursuit, l’augmentation des forfaits pourrait-elle dissuader les familles de la classe moyenne? «Je pense que le facteur prix ne suffit pas à expliquer la baisse générale du nombre d’adeptes du ski, relève Anne Sophie Fioretto de l’Institut Tourisme de Sierre. Les facteurs sont multiples. La population suisse vieillit, d’une part, et n’a plus toujours l’énergie pour skier. Il y a aussi une évolution d’ordre culturel. La démocratisation des voyages en avion à l’étranger, par exemple, pousse une partie des Suisses à réorienter leur budget vers d’autres types de séjours. Pour les loisirs hebdomadaires en période hivernale, le mercredi et le week-end, les activités possibles sont désormais beaucoup plus nombreuses qu’auparavant, même en région de montagne.»
Berno Stoffel, représentant de la branche, ne croit pas en un désamour en raison du prix. «En 2024-2025, les remontées mécaniques ont enregistré une fréquentation record depuis quinze ans. Nos enquêtes confirment d’ailleurs que les clients estiment que la valeur perçue du ski est en adéquation avec son prix. Concernant les enfants en particulier, un grand nombre d’opérateurs de remontées mécaniques accordent des tarifs réduits, voire la gratuité des billets, ce qui permet d’alléger considérablement le budget des familles.» Dans le budget d’une semaine de ski en famille (deux enfants, deux adultes), la part des forfaits est de l’ordre de 20%, selon une étude réalisée durant la saison 2023-2024 par la Banque Cler. La même étude relève toutefois une croissance du prix des hébergements de près de 40% dans certaines stations, en comparaison avec deux années antérieures.
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Arrivera-t-on un jour à des forfaits journaliers de 200 francs ou plus, comme aux Etats-Unis? «Je n’y crois pas en l’état actuel des choses, tranche Laurent Vaucher, CEO de Téléverbier. Cependant, dans un avenir plus lointain, si l’enneigement venait à se faire toujours plus rare, les stations de très haute montagne pourraient être tentées d’augmenter leurs tarifs afin de gérer le flux de visiteurs.»
Un tiers
Un tiers des Suisses de 15 ans et plus (34,9%) pratiquent le ski pour une moyenne de huit jours par année.
Plus de 20 000
2389 installations de remontées mécaniques en Suisse occupent 20 568 collaborateurs.
63%
63% des clients de ces remontées sont Suisses.
1,8 milliard
1,8 milliard de francs: chiffre d’affaires des entreprises du secteur en 2024, dont 49% pour le transport hivernal de personnes.
902 millions
902 millions de francs: produit des transports durant l’hiver 24-25, contre 828 pour l’hiver 23-24.
5604 francs
5604 francs: coût global moyen d’une semaine de vacances de ski pour une famille de quatre personnes, 5400 francs pour un couple et 1621 francs pour un étudiant louant un appartement avec deux autres personnes.
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