1. Le nec plus ultra de l’efficience énergétique énergétique

De prime abord, cette villa mitoyenne, au chemin des Mésanges, à Nyon, ne se distingue pas des maisons avoisinantes. Si ce n’est par une couverture totale du pan de toit le mieux exposé avec des panneaux photovoltaïques intégrés. Architecture traditionnelle, disposition classique des pièces pour ce bâtiment de deux étages avec jardin dont les deux logements de 4,5 pièces ont été vendus au prix habituel du marché pour ce genre d’objets (environ 12000 francs le mètre carré).

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Mais les Romanens (le père, Pierre-André, ses deux fils, Loïc et Benjamin) ont voulu en faire un modèle de maison durable. Et une vitrine pour leur entreprise, une PME d’une trentaine de personnes. Les murs d’abord: ils sont bâtis en briques de terre cuite isolées à la laine de mouton suisse. En remplacement de l’omniprésent polystyrène. «Une aberration observée dans beaucoup de bâtiments Minergie, y compris dans certains écoquartiers, souligne Benjamin Romanens. On se veut durable, mais on utilise un matériau à base d’hydrocarbures qui génère de grandes quantités de microparticules quand on le ponce.» Les matériaux d’isolation au sol? A base de verre recyclé.

Romanens Groupe

Romanens Groupe, Chavannes-de-Bogis. La PME familiale a commencé dans la maçonnerie. Elle se positionne aujourd’hui à la pointe en matière énergétique et de construction durable.

© Romanens

Mais c’est le concept énergétique qui est le plus novateur. Produite par une pompe à chaleur alimentée au solaire, l’électricité est stockée dans des batteries au sel… des Salines de Bex. Résultat: une autonomie de près de 70% sur l’année. Ce n’est qu’un début: Pierre-André Romanens, député PLR au Grand Conseil vaudois, se veut un ardent défenseur de l’hydrogène comme moyen de production et de stockage d’énergie. L’an prochain, les Romanens lanceront la rénovation de leur siège à Chavannes-de-Bogis. Objectif: l’autonomie totale du bâtiment grâce à un système de piles à combustible. Une première à l’échelle suisse et même européenne pour ce type d’ouvrage.

2. Le plus haute tour en bois du monde

Trente-deux étages, 255 appartements, un coût de construction budgété à 250 millions de francs… ce sont les chiffres qui résument le projet de l’immeuble Rocket, à Winterthour, sur l’ancien site de Sulzer, financé par le groupe INA Invest Holding et construit par le groupe Implenia. Il devrait accueillir ses premiers habitants en 2026. Avec ses 100 mètres, cet ouvrage est le plus haut bâtiment dans le monde en cours de réalisation et dont la structure est 100% en bois. C’est une équipe de l’EPFZ, sous la direction du professeur Andrea Frangi, qui a développé et adapté au bois le principe de la technique dite tube-on-tube. Une première. Les étages sont en revanche composés de dalles de béton, tout comme les fondations.

Le même procédé est appliqué à la construction d’un autre bâtiment qui devrait être achevé l’an prochain: la tour Pi, à Zoug, d’une hauteur de 80 mètres. Ce complexe se distingue aussi par des expérimentations de type social. Avec notamment la création d’espaces flexibles et communautaires, dit clusters, facilitant la mixité des générations, notamment.

Jusqu’à ce que ces deux tours soient achevées, c’est un bâtiment situé à Rotkreuz (ZG), inauguré en 2018, qui reste l’ouvrage en bois le plus élevé du pays, avec ses 60 mètres. Précisons qu’il comprend des murs périphériques en béton… Une structure hybride, donc, tout comme celle de la tour Malley Phare, une extension du centre commercial Malley Lumières, en train de sortir de terre dans l’Ouest lausannois. Propriété de la SUVA, cet ouvrage d’une hauteur de 60 mètres, avec ses 14 étages, accueillera 200 habitants. Son utilisation massive de bois lamellé-collé (2'000 m³, l’équivalent de quelque 4'000 arbres) lui assure une conformité au label 2000 watts. Une réalisation du bureau d’architectes CCHE et de l’entreprise bulloise JPF Construction.

Implenia, immeuble Rocket

Implenia, immeuble Rocket. Du Japon à la Norvège, la course est engagée pour savoir qui construira le plus spectaculaire des gratte-ciel en bois. Pour l’heure, c’est la Suisse qui mène le bal.

© Schmidt Hammer Lassen et Cometti Truffer Hodel

3. Un centre mondial de la durabilité à Fribourg

Karen Scrivener (photo) est une sommité mondiale dans son domaine. Directrice du Laboratoire des matériaux de construction de l’EPFL, elle a inventé en 2008 le fameux ciment LC3, qui permet de réduire les émissions de CO2 de 40% par rapport à un ciment classique. Comment? En remplaçant le clinker par des argiles calcinées à basse température. Sa nouvelle mission: la création d’un Centre for Worldwide Sustainable Construction (CWSC), à Fribourg, sur le campus décentralisé de l’EPFL, en collaboration avec le canton de Fribourg, la HES-SO et l’université.

Karen Scrivener ne part pas de zéro puisqu’on y trouve déjà le Smart Living Lab et ses quatre professeurs. Une demi-douzaine de chaires supplémentaires seront créées et les liens avec les laboratoires lausannois de l’école renforcés. L’idée de ce centre: casser les silos dans lesquels le secteur de la construction se trouve encore enfermé, favoriser la collaboration entre les métiers (architectes, ingénieurs…) pour appréhender la chaîne de valeur dans son ensemble avec un objectif de durabilité.

Les domaines de recherche: les matériaux, bien sûr. Le design et la transformation des infrastructures existantes. Les processus de construction… et de déconstruction. La gestion des bâtiments. La mesure et l’anticipation des impacts de ce secteur qui, rappelons-le, est responsable de 40% des émissions de CO2. Objectifs: booster les transferts de technologie avec les géants du secteur. Stimuler la création de start-up. Avec une visée internationale et une attention portée aux partenariats avec l’Inde, le Pakistan, Cuba, le Kenya… «C’est dans ces régions que les besoins en ciment se feront le plus sentir dans les décennies à venir.» Enfin, le nouveau centre développera une forte activité de formation continue et lancera un master avancé d’ici à un ou deux ans.

Karen Scrivener, professeure à l'EPFL

Centre for Worldwide Sustainable. Construction Sortir d’un fonctionnement en silos, c’est pour l’industrie de la construction la seule voie vers la durabilité et une meilleure utilisation des ressources.

© Stefan Wermuth/Bloomberg/Getty
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