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Automobile

Skoda, la marque européenne qui tient tête aux Chinois

Le constructeur tchèque combine design et efficacité industrielle pour rendre les voitures électriques abordables. Une stratégie gagnante confirmée en Suisse, l’un de ses marchés fétiches. Reportage.

Weisses Viereck

Alain Jeannet

Klaus Zellmer, CEO de Skoda

Selon Klaus Zellmer, le CEO de Skoda, il serait risqué de se concentrer uniquement sur l’Europe, même si la marque y est devenue cette année la troisième la plus vendue.

Milan Jaros/Bloomberg/Getty

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En cette journée de septembre, plusieurs dizaines de voitures d’époque sont rassemblées devant le Musée Skoda. Une démonstration spectaculaire du caractère emblématique de la marque tchèque qui fête ses 130 années d’existence. Mais si nous nous trouvons à Mladá Boleslav, le siège de la marque tchèque, c’est d’abord pour comprendre pourquoi Skoda affiche une belle confiance en l’avenir et des résultats qui tranchent avec ceux des autres marques du groupe VW. Sans parler de ses concurrents de Stellantis, Fiat, Peugeot, Citroën...

Une stratégie électrique pensée pour rester abordable

Quelques jours plus tôt, Skoda a dévoilé au Salon de l’auto de Munich, renommé IAA Mobility, les contours de sa Vision O. Cette voiture de démonstration constitue une sorte de manifeste de sa stratégie pour le secteur des véhicules électriques à l’horizon 2030. Sur les neuf premiers mois de l’année, Skoda talonne par ailleurs avec ses modèles électriques Elroq et Enyaq le leader Tesla, en fort recul. Et alors que le chinois BYD s’apprête à déferler sur l’ensemble du continent, la marque tchèque paraît particulièrement bien parée pour faire face.

«Nous avons pour politique de pratiquer pour les véhicules électriques les mêmes prix que pour les modèles à essence ou diesel équivalents», explique Jaroímr Mendl, chef de produits des voitures électriques, qui nous reçoit. Le prix d’entrée de son modèle Elroq, justement, est de 34 000 francs. Avec ses batteries les plus puissantes, ce SUV de taille moyenne affiche une autonomie de 560 kilomètres. Une stratégie qui vise à démocratiser les modèles électriques. L’an prochain, elle frappera un nouveau coup avec un petit SUV citadin d’un prix inférieur à 30 000 francs. Plus accessible que les modèles BYD actuellement proposés en Europe, l’Epiq devrait aussi exprimer de manière aboutie le Modern Solid Design qui encapsule la philosophie de la marque. 

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Rappelons que Skoda a remporté ces cinq dernières années la palme de la voiture préférée des Suisses, même si elle reste, tous modèles confondus, le numéro trois du marché derrière les marques VW et BMW. Ces dix dernières années, le modèle Octavia, la reine des «combis», appréciée par les familles comme par les entreprises, a été le best-seller du marché helvétique. L’explication régulièrement avancée par les responsables Skoda: «Nous avons l’image d’une marque qui offre un excellent rapport qualité-prix sans jamais donner dans le show-off.» 

Le O du modèle futuriste Vision O mentionné ci-dessus ne fait toutefois pas référence à la populaire Octavia, mais symbolise la circularité de sa conception, désormais un impératif incontournable pour l’ensemble du secteur automobile. Il faut écouter le Français Julien Petitseigneur, l’un des designers de la Vision O, nous expliquer de quelle manière Skoda a renversé le paradigme classique de l’industrie et conçoit désormais ses voitures en partant de l’aménagement intérieur pour dessiner sa carrosserie – une approche dite inside-out. Et détailler comment l’habitacle a été conçu pour le confort du conducteur et des passagers: le tableau de bord sur toute la largeur du véhicule, une tablette réduite au maximum et le maintien de boutons analogiques qui assurent à la conduite une ergonomie optimale. Les matériaux choisis pour les sièges sont, eux, recyclables, la conception de l’appuie-tête imprimé en 3D permet d’éviter la production de chutes et de déchets. La variation de l’éclairage intérieur, on parle de biolight, vise une atmosphère propice à la détente.

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Skoda Vision O

La Vision O représente une sorte de manifeste illustrant la stratégie de Skoda pour le développement des véhicules électriques à l’horizon 2030.

Skoda
Skoda Vision O

La Vision O représente une sorte de manifeste illustrant la stratégie de Skoda pour le développement des véhicules électriques à l’horizon 2030.

Skoda

«Nous aimerions, résume-t-il avec un sourire, que le conducteur et les passagers arrivent au terme de leurs déplacements plus reposés et détendus qu’ils ne l’étaient au départ.» Et c’est sans parler des inévitables aides pilotées par l’IA. Responsable de l’extérieur du véhicule, le designer sud-coréen Joung Geen Kim, engagé par Skoda il y a sept ans déjà, lui, a visé la simplicité des lignes et une douceur qui contraste avec beaucoup de voitures actuelles, notamment les SUV. Comme si l’exigence de sécurité allait forcément de pair avec une silhouette trapue aux contours agressifs. Tempi passati!

Skoda a certes été relativement lente dans le lancement de ses modèles électriques. Le temps d’observer le marché et d’éviter les erreurs commises par d’autres. Contrairement à VW qui, à la suite du dieselgate, a misé de manière plus radicale sur le tout électrique, Skoda continue d’attacher une grande importante aux véhicules traditionnels, sans doute conditionnée par son marché historique, la Tchéquie, qui reste des plus rétives à embrasser la transition vers la mobilité électrique. Se mettre en conformité avec les normes européennes (arrêt des immatriculations de voitures à essence ou diesel dès 2035 en principe) et suivre la demande des clients en parallèle, telle a été la stratégie de l’entreprise tchèque. Et ce n’est pas un hasard si les véhicules traditionnels et les électriques sortent des mêmes lignes de production. Une flexibilité unique dans l’industrie européenne qui s’ajoute à un autre atout: des salaires en moyenne deux fois moins élevés qu’en Allemagne. Alors que la marque mère VW annonce quelque 30 000 suppressions de postes, la filiale tchèque du groupe enregistre un chiffre d’affaires et des résultats opérationnels en hausse de plus de 10% qui la mettent pour l’heure à l’abri de telles mesures.

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Une expansion mondiale pour résister à la concurrence chinoise

A Mladá Boleslav, une ville de 45 000 habitants volontiers surnommée Skoda City, l’entreprise emploie plus de 27 000 personnes sans compter les employés de ses sous-traitants. On comprend dès lors mieux l’importance de ses performances pour l’économie du pays. Quelque 2600 véhicules sortent ainsi chaque jour de ses usines tchèques, mais Skoda produit aussi à l’étranger, notamment en Inde et, depuis peu, au Vietnam, afin de servir les marchés de la région. Il serait risqué, répète volontiers le CEO de l’entreprise, Klaus Zellmer, de ne miser que sur l’Europe, où Skoda est pourtant depuis cette année la troisième marque la plus vendue.

Diversifier les débouchés et se frotter aux concurrents asiatiques sur leurs propres terres, voilà l’idée. Car la bataille ne se joue pas seulement sur les prix et la qualité des produits, mais aussi sur la vitesse de développement de nouveaux modèles. Il faut chez BYD, selon les dires du géant automobile chinois basé à Shenzhen, deux ans de la première esquisse à la mise en production. Contre cinq ans chez Skoda. «Nous avons encore des progrès à faire en matière d’agilité», reconnaissent les responsables. Les ventes récentes, très supérieures à l’ensemble du marché, incitent à l’optimisme. Et le terme Skoda, coïncidence linguistique amusante, qui signifie «dommage» en français, n’en tempère pas pour autant l’esprit de conquête ressenti à Mladá Boleslav.

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La Suisse à la traîne

Avec le modèle Elroq, Skoda a remporté en décembre 2024, pour la cinquième fois consécutive, la palme de la voiture préférée des Suisses décernée sous la houlette des publications Ringier. C’est d’ailleurs le succès de la marque tchèque qui explique en partie la légère hausse des ventes de voitures électriques depuis le début de l’année (21,1% des nouvelles immatriculations) après un tassement en 2024 (19,3% des nouvelles immatriculations). Face à la concurrence, notamment chinoise, les modèles Skoda sont en effet d’un rapport qualité-prix assez imbattable et contribuent à démocratiser la mobilité électrique. En la matière, la Suisse reste toutefois loin derrière la Norvège (89% des nouvelles immatriculations) ou les Pays-Bas (34,7%).

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