Nous nous sommes lancés à partir d’un double constat: les besoins des PME ont fortement évolué ces dernières années, mais elles n’ont souvent pas l’attractivité, la charge de travail ou les moyens suffisants pour embaucher un responsable expérimenté en matière stratégique. Ensuite, il existe aujourd’hui toujours plus d’anciens dirigeants quinquagénaires ou sexagénaires qui souhaitent travailler différemment et qui disposent des compétences indispensables pour développer ces petites et moyennes entreprises.»

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L’entreprise Chiefs on Demand, fondée par Philippe et Katja Thévenot en 2016, permet d’engager un membre de direction à un taux d’occupation flexible pour renforcer la stratégie commerciale, organiser l’implémentation d’un logiciel de gestion intégrée ou résoudre une situation de crise. La société rolloise propose à ses clients un pool d’une centaine de directeurs certifiés, aussi appelés CxO, et experts dans tous les domaines du monde entrepreneurial.

Pouvoir monter au front

C’est le cas par exemple de Philippe Vignon. Après un parcours professionnel qui l’a amené à occuper des fonctions dirigeantes chez L’Oréal, EasyJet ou Genève Tourisme, le Genevois a rejoint il y a quelques mois la plateforme Chiefs on Demand, en parallèle d’une activité de conseil et de mentoring. «L’aspect motivant de la fonction de CxO est de pouvoir monter au front pour régler les problèmes d’une entreprise ou de faciliter sa transformation, à l’opposé d’un rôle de consultant où l’on produit simplement un rapport. D’autant plus qu’un ancien dirigeant qui a été confronté à une multitude de problématiques va avoir un impact aussi rapide que décisif.»

Philippe Vignon est convaincu que cette nouvelle approche de l’acquisition de compétences est amenée à fortement se développer ces prochaines années. «J’observe que la pandémie a été un facteur massif de transformation du marché du travail et je suis sûr qu’il va de plus en plus évoluer vers une forme de ’slashing’(cumul de plusieurs activités/fonctions, ndlr), y compris dans les niveaux hiérarchiques supérieurs.»

L’idée de pouvoir diversifier ses activités tout en mettant à disposition son expertise est aussi ce qui a motivé Bernard Menettrier à devenir un «chef à la demande». Il remplit actuellement une mission de directeur commercial dans une PME industrielle avec un taux d’occupation d’environ 20%, qu’il combine avec la photographie, «une passion de quarante ans transformée en activité professionnelle». Sa mission du moment? Recruter et former aux meilleures pratiques une équipe pour renforcer l’activité commerciale tout en mettant en place les outils dédiés à son suivi. «Pouvoir agir dans une petite entreprise familiale où il y a une multitude de choses à faire après vingt ans passés dans de grandes structures aux processus hyper-structurés est un vrai régal, relève le sexagénaire. Le plus grand défi tient au fait de ne travailler qu’à 20%. J’ai parfois l’impression d’avancer au ralenti. Mais cette charge de travail réduite est aussi ce qui permet à une entreprise d’accéder à des compétences intéressantes pour un budget attractif.»

La formule développée par Chiefs on Demand permet ainsi de s’offrir un directeur en time-sharing pour un tarif journalier moyen d’environ 2000 francs. Parmi la centaine de clients qui ont fait appel à la société rolloise, la plupart comptent entre 40 et 200 employés. Ils sont issus aussi bien du domaine industriel que du domaine immobilier ou financier. Près de 80% d’entre eux contactent la société pour «éteindre un incendie», le restant recourant à ses services pour développer leurs activités.

En mode "pompier"

«Les entreprises qui font appel à une intervention en mode ’pompier’ ont souvent tout essayé, note Philippe Thévenot, cofondateur de Chiefs on Demand. Il faut dire que même si notre concept séduit, il est en rupture avec les habitudes entrepreneuriales suisses. Notre objectif consiste désormais à pouvoir intervenir plus tôt dans la vie de la société.» Le défi réside ainsi dans le fait de convaincre de la nécessité d’une transformation durable de l’entreprise. «Pour renforcer cette prise de conscience, nous avons mis en place une méthodologie basée sur la création d’un bilan de santé, la mise en place d’une feuille de route et enfin un suivi au plus près de l’engagement de nos CxO, voire la création d’un comité de direction.»

L’entrepreneur insiste sur l’originalité de son modèle d’affaires: «Là où le conseil va dire ce qu’il faut faire et l’intérim place un employé avant de s’en aller, nous allons pouvoir moduler l’effort tant dans l’intensité que dans la durée pour atteindre les objectifs fixés.» Une approche en quelque sorte «ubérisée» qui se voit aussi renforcée par les échanges réguliers menés par les dirigeants inscrits sur la plateforme.

A noter que les CxO de Chiefs on Demand sont parfois amenés à intervenir quand une entreprise va trop bien! C’est l’histoire de cette société de conseil genevoise, dont le dirigeant souhaite garder l’anonymat. «Nous avons connu en 2017 une période de croissance très forte durant laquelle nous sommes passés de 20 à 50 collaborateurs et avons enregistré une progression du chiffre d’affaires de 2 à 5 millions de francs.»

La PME emploie à l’époque une personne responsable à la fois de l’administratif, de la finance et des RH, épaulée par un assistant junior. «Durant cette période, je me suis concentré sur l’acquisition de clients, comme cela arrive souvent, au détriment du suivi des activités de support. Résultat: les comptes ne sortaient plus et nos systèmes informatiques étaient dépassés par l’augmentation de nos effectifs.»

L’entrepreneur genevois se voit obligé de se séparer de son collaborateur et fait appel à Chiefs on Demand. La solution retenue consiste en l’arrivée d’un directeur financier à 30% et d’un directeur informatique sur une base plus limitée. «Cela nous a permis de reprendre les choses en main durant une phase qui a duré deux ans, avant d’engager un CFO à temps plein, puisque notre activité a continué à se développer.»


Direction

Améliorer les process administratifs

Parfois, c’est même pour occuper un poste de directeur que les chefs à la demande sont amenés à intervenir. C’est le cas de Flavia Schneider (photo), fondatrice par ailleurs d’Akoya Solutions, un cabinet spécialisé dans la gestion administrative. L’entrepreneuse dirige ainsi depuis le mois de novembre Manuplast, spécialisée dans la fabrication de moules et l’injection plastique, à un taux de 60%.

A son arrivée, la PME nord-vaudoise se porte bien sur le plan des affaires, mais doit résoudre toutes sortes de questions administratives. «J’apprécie depuis longtemps de mener plusieurs projets en parallèle, et c’est quelque chose que je retrouve dans cette mission où il s’agit d’améliorer les processus tant comptables que RH, mais aussi de renforcer la confiance des équipes, indique Flavia Schneider. Cette variété de défis est stimulante d’un point de vue personnel, mais je pense qu’elle représente aussi une vraie plus-value pour l’entreprise.»

EF
Erik Freudenreich