Certaines entreprises suisses souffrent déjà énormément de la crise. Sont-elles trop dépendantes de certains marchés étrangers?

Tout d'abord, il faut relever que la Suisse bénéfice fortement de la fragmentation de la chaîne de création de valeur au niveau mondial et de sa politique d'exportation dans les domaines à forte valeur ajoutée. Les hauts salaires suisses et le train de vie élevé en sont notamment la conséquence. Les risques de dépendance au marché allemand, par exemple, sont rendus obligatoires du fait de l'étroitesse de notre marché du nôtre. L'ouverture aux autres marchés permet ainsi d’accroître la production et de réaliser des économies d'échelle essentielles pour ces entreprises. Mais le revers de la médaille, c’est que l’économie suisse est directement touchée par un ralentissement économique mondial. A l’heure actuelle, la Suisse notre pays risque de souffrir principalement de la baisse de la demande consécutive à la crise du coronavirus, ainsi que du choc sur l’offre qui a paralysé les chaînes de valeur.

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Ce problème apparaît en force en 2020?

Nous anticipons une récession technique en Europe durant les deux premiers trimestres ainsi qu'un ralentissement de la croissance aux Etats-Unis. Ceci impactera directement la Suisse.

Quelles sont les leçons à tirer de cette situation?

Les sociétés suisses doivent essayer de diversifier leurs marchés cibles. L'Asie et l'Europe de l'Est sont des régions de croissance intéressantes. A plus long terme, c'est-à-dire sur plusieurs dizaines d'années, l'Afrique sera aussi intéressante. Il faut s'adapter aux déplacements des sites de consommation.

Et que faire en ce qui concerne la production à l'étranger?

Les PME, comparées notamment aux grands groupes technologiques qui ont été touchés par l’arrêt des chaînes de valeur, ont une meilleure visibilité sur leurs sous-traitants et bénéficient généralement de partenariats à long terme et fiables. Mais des relocalisations pourraient avoir lieu à terme. La transition écologique, l'augmentation du protectionnisme et la personnalisation accrue des produits vont de toute façon entraîner une diversification des sources d'approvisionnement et une réduction des distances entre les lieux de production et les lieux de consommation. D'ailleurs, les salaires ont beaucoup augmenté en Chine ces dernières années et des nations comme le Vietnam ou le Bangladesh ont leur carte à jouer. Pour les entreprises suisses, des relocalisations en Europe de l'Est sont une possibilité.

Et pourquoi pas en Suisse? Les coûts sont-ils vraiment trop importants?

Les coûts sont très élevés, mais avec une bonne politique d'automatisation, il est possible de réduire la main-d'œuvre. Pour ce faire, les entrepreneurs suisses pourraient profiter de conditions de financement intéressantes pour financer leur outil de production.

La crise pourrait donc changer drastiquement nos systèmes. Il y aurait un avant et un après?

Je ne pense pas qu’il faille s’attendre à une révolution à la suite de la crise du coronavirus, mais plutôt à un rééquilibrage à moyen terme. La crise actuelle pourrait devenir le catalyseur de cette évolution, rendue nécessaire par la transition écologique notamment.

Quels sont vos sentiments pour les mois à venir?

Tout dépendra de la durée de l’épidémie. Si cela se calme dans un mois et demi, un rattrapage économique sera possible en Suisse. On aura perdu la consommation immédiate, mais il y aura une accélération des achats de biens durables notamment. En revanche, si cela dure plus longtemps, le chômage partiel va faire son apparition ainsi qu'une baisse des revenus et l'on pourra parler alors d'un risque de récession.

EdouardBolleter
Edouard Bolleter