Comment marier écologie et business? L’économie circulaire offre une bonne partie de la réponse et permet de rompre avec la logique linéaire qui domine la société de consommation: extraire, fabriquer, jeter… Reste à imaginer et à mettre en œuvre les innovations qui permettent de passer des  grands principes à la pratique. Comme souvent, elles viennent des universités, des start-up et des PME. Voilà pourquoi l’entreprise Nespresso et B Lab Switzerland, l’organe qui décerne la certification B Corp, se sont associés pour lancer le Swiss StartCup Challenge. Les noms des quatre lauréats de la première édition de ce prix viennent d’être rendus publics.

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Dans la catégorie Étudiant, c’est le projet ZipBack qui a recueilli la majorité des votes des internautes. Un projet qui vise à combattre l’immense gaspillage d’emballages en plastique et en carton généré par le commerce en ligne. 

Dans la catégorie Start-Up, le public a  plébiscité le trio fondateur de Terra Preta. Son objectif: aider les paysans à produire eux-mêmes du charbon biologique, un engrais naturel qui contribue aussi à diminuer les émissions de CO2. Avec comme terrain d’expérimentation les pays d’Amérique latine. 

Dans la catégorie PME,  l’entreprise RedElec Technologie l’a emporté grâce à sa technologie de récupération des métaux contenus dans les déchets industriels et de leur remise en circulation - une revalorisation profitable alors que les prix des matières premières comme le cuivre, le zinc ou le nickel explosent. 

Les organisateurs n’ont pas reçu moins de 271 candidatures venues de toute la Suisse. Sur les 24 projets nominés lors d’une première sélection, les dix membres du jury ont retenu neuf finalistes, trois par catégorie, soumis aux votes du public. Les jurés ont aussi distingué une quatrième entreprise, Légumes Perchés, pionnier de l’agriculture urbaine et lauréat du Coup de Cœur du Jury.

«Lancée sous forme d’une expérience-pilote par Nespresso Suisse, a souligné Guillaume Le Cunff, le CEO de l’entreprise basée à Vevey, ce premier StartCup Challenge a également été déployé en Australie. Nous espérons que d’autres marchés dans lesquels nous sommes présents lanceront à leur tour ce challenge.» En plus d’une  somme de 20’000 francs et d’un trophée réalisé à partir de capsules de café usagées, bel exemple de upcycling! , les lauréats reçoivent l’accès à une formation à la certification B Corp dispensée par Jonathan Normand, le CEO de B Lab Switzerland, et son équipe.

Un processus qui permettra aux quatre gagnants d’affiner encore leur business plan et sa conformité aux objectifs du développement durable. Quelque 16 000 voix se sont exprimées pour désigner les gagnants. «La preuve, a conclu Jean-Luc Valleix, le directeur de Nespresso Suisse et membre du jury, que l’économie circulaire gagne chaque jour en pertinence et en attention.» 

ZipBack

L'équipe de ZipBack reçoit le prix Etudiant des mains de Jérôme Perez, Global Head Sustainabiliy Nespresso.

© DR

ZipBack: révolutionner les emballages

Le commerce en ligne représente près de 20% des ventes de détail dans le monde. Et ce n’est qu’un début! Les 159 milliards de colis envoyés l’an passé ont généré des quantités stratosphériques d’emballages en plastique et en carton. Dont seule une fraction est recyclée. Ces chiffres donnent le tournis. Ils ont aussi stimulé la créativité de cinq étudiants en master de la Haute Ecole de gestion de Fribourg, lors du lancement de leur projet dans le cadre d’un cours d’entreprenariat et d’innovation.

Dans ce groupe, on trouve Julie Gaudin, une athlète d’élite, membre de l’équipe suisse rugby et qui s’apprête à lancer sa marque de vêtement de sport. Assez naturellement, elle fait part à ses coéquipiers Mégane Schafhirt, Sabrina Servant et Jean-Sébastien Rahm de ses interrogations sur une entreprise comme Zalando et les gaspillages qu’elle induit. L’idée naît ainsi de créer une pochette pour les envois d’habits, un emballage réutilisable plusieurs dizaines de fois. Première étape du projet ZipBack.  S’ensuit une collaboration avec une ONG suisse active au Cambodge et qui aide des groupes de femmes à produire des accessoires taillés dans des sacs de ciment de récupération. Un peu sur le modèle de l’entreprise Freitag.

Deuxième étape, les étudiants prennent contact avec la Poste suisse. Accueil très favorable. La pochette est en effet en conformité avec les normes postales et les tarifs correspondants. Il ne reste qu’à lui faire passer le test des chaînes de tri automatique du courrier. Exercice réussi. Troisième étape, encore balbutiante: convaincre les grands acteurs du commerce de détail de jouer le jeu pour les envois d’habits à leurs clients.

Le prix  du Swiss StartCup Challenge décroché par ZipBack  devrait, justement, lui permettre de passer le cap du projet pilote. Les quatre membres de l’équipe occupent actuellement un autre emploi. Mais ils espèrent se consacrer pleinement à leur projet si les acteurs du commerce en ligne (et les consommateurs!) devaient adopter leur concept. L’aventure ZipBack ne fait que commencer.

Terra Preta

Jonathan Normand, CEO et fondateur de B Lab, remet le prix Start-Up à l'équipe de Terra Preta.

© DR

Terra Preta: régénérer la terre et capturer du CO2

Innovation ne rime pas forcément avec high tech. Cofondateur de la start-up Terra Preta, Thomas Käslin a ainsi découvert les vertus du charbon biologique (biochar) obtenu par une combustion à haute température et en l’absence d’oxygène (pyrolyse) à partir de déchets végétaux. Une technique séculaire et qui permet de remplacer avantageusement les engrais chimiques par des fertilisants naturels et de capturer dans le même temps des quantités importantes de CO2.

Le Zurichois de 28 ans  et ses associés Lorenz Buser et Juan David Gonzalez mènent actuellement en Colombie deux expériences pilotes avec un demie-douzaine de familles de cultivateurs de maïs. La technique s’applique bien évidemment à d’autres végétaux: résidus de coton, de café ou de cacao. Et si elle permet aux agriculteurs de produire eux-même de quoi régénérer leurs sols, elle peut leur assurer aussi des revenus supplémentaires. Par la vente du fertilisant lui-même, mais aussi par celle de crédits carbone acquis par les grandes entreprises visant à compenser leurs émissions de CO2. 

Diplômé en finance de l’Université de Saint-Gall, Thomas Käslin s’est frotté pour la première fois aux principes de l’économie circulaire lors de son service civil auprès de la Swiss Climate Foundation, il y a trois ans. Les crédits carbone et les mécanismes de compensation, c’est bien et le jeune homme a commencé par lancer une start-up centrée sur ce business. «Mais quels sont, s’est-il ensuite demandé, les projets qui, sur le terrain, permettent de capturer du CO2 et d’agir concrètement pour sauver le climat -  LE défi de ma génération?» La réponse viendra d’une conversation avec un planteur de cannes à sucre, lors d’un voyage en Colombie. Thomas Käslin s’y rend régulièrement, sa future femme est  originaire du pays.

Terra Preta a depuis développé deux versions de four à pyrolyse fabriqués sur place. Un modèle conçu à partir de barils de pétrole récupérés et vendus trente dollars. Et un équipement plus sophistiqué et d’une grande capacité d’un prix de 1’000 dollars. Grâce au Swiss StartCup Challenge, Thomas Käslin et ses associés lanceront l’an prochain une nouvelle expérience avec quelque 300 agriculteurs. Il espère aussi collaborer avec Nespresso et les dizaines de milliers de planteurs de café qui fournissent l’entreprise de Vevey. «Ce qui permettrait à Terra Preta, conclut-il, de décoller vraiment et d’avoir un impact démultiplié.» What else?

RedElec

L'équipe de RedElec reçoit le chèque de la catégorie PME des mains de Jean-Luc Valleix, directeur Nespresso Suisse.

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RedElec Technologie: valoriser les métaux de récupération

«L’électrochimie a été mise de côté pendant plusieurs décennies, observe David Crettenand, CEO de RedElec Technologie et lauréat du Swiss StartCup Challenge dans la catégorie PME. Comme les batteries sont essentielles à la transition énergétique, cette discipline revient  actuellement très fort à l’avant-scène.» Âgé de 46 ans, docteur en électrochimie de l’EPFZ, justement, l'entrepreneur valaisan a développé une technologie qui lui permet d’extraire les métaux contenus dans les déchets industriels aqueux et de les remettre dans le circuit de production.

Potentiellement, ce sont des quantités considérables de cuivre, de zinc, de nickel, d’or… qui pourront ainsi être revalorisées. Et réduire d’autant l’exploitation minière. Un bel exemple d’économie circulaire: «Avec l’explosion du prix des matières premières, notre machine peut être amortie en deux ans, explique-t-il. Elle génère ensuite des économies (ou des revenus) de 500’000 à un million de francs par an aux entreprises qui remettent ces ressources dans le circuit de production.»

Ce procédé de traitement des eaux, David Crettenand, qui a créé RedElec en 2007, l’a d’abord appliqué à la teinture des jeans. Les machines produites en série par l’entreprise valaisanne ont été exportées vers l’Asie, principalement. Après l’industrie textile, l’entrepreneur-inventeur s’est tourné plus récemment vers les branches de la chimie et de la pharma, avec ce nouvelle objectif d’extraction des métaux, convaincu que des normes environnementales toujours plus sévères allaient inciter les grandes entreprises à jouer le jeu de la circularité plutôt que de brûler, d’enterrer ou d’exporter leurs déchets vers les pays en voie de développement.

L’actualité semble lui donner raison. Un exemple: la révision de la Loi sur la protection de l’environnement, en cours au Parlement suisse, contient de nombreuses mesures de soutien à l’économie circulaire, explique celui-ci qui est aussi député PLR au Grand Conseil valaisan. Sa participation au Swiss StartCup Challenge lui aura donné une nouvelle visibilité auprès des investisseurs et des entreprises susceptibles d’installer ses machines. Et l’occasion de réaffirmer les valeurs qui depuis toujours nourrissent sa verve entrepreneuriale. 

Légumes Perchés

L'équipe de Légumes Perchés reçoit le prix Coup de coeur du jury d'Irene Balascas, directrice Durabilité de Nespresso Suisse.

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Légumes Perchés: booster l’agriculture urbaine

En moins de trois ans, l’entreprise Légumes Perchés s’est imposée comme pionnier de l’agriculture urbaine dans l’Arc lémanique. L’un des projets-phare du moment: Mixcity, la première ferme urbaine net zéro carbone de Suisse, un projet mené en partenariat avec l’entreprise Steiner, à Renens, près de Lausanne. Les 2000 m2 de surfaces cultivées prendront place sur les toits, mais aussi, sous forme d’un jardin forêt, autour de cet ensemble immobilier mixte abritant à la fois des surfaces industrielles et commerciales, détaille Thomas Verduyn, 29 ans, cofondateur de Légumes Perchés.

Avec ce mélange de pragmatisme et d’enthousiasme qui le caractérise, ce passionné d’agriculture passé par HEC Lausanne revient sur la genèse de l’aventure Légumes Perchés: «Notre motivation première, c’était de reconnecter les citoyens des villes avec la nature et l’alimentation, de valoriser les espaces perdus comme  les toitures et de réduire le gaspillage alimentaire.» Autre chiffre significatif: les 18 tonnes de déchets verts urbains recyclés dans les potagers gérés par Légumes Perchés. Rien ne se perd. 

A ce jour, l’entreprise a conçu et réalisé une demi-douzaine de fermes et de potagers urbains en collaboration avec des développeurs immobiliers. Avec le travail de formation des habitants qui va de pair. Le maraîchage, ça s’apprend. Légumes Perchés conseille aussi les collectivités publiques dans leur stratégie de végétalisation de leurs espaces.  Cofondateur de l’entreprise, lui-aussi, David Bollier est l’ingénieur agronome de l’équipe, diplômé de la Haute-école du paysage, d'ingénierie et d’architecture (Hepia), à Genève. Constantin Nifachev, diplômé en nutrition et en psychologie, complète le trio des associés et anime notamment des ateliers de formation dans les crèches, les écoles et les EMS. Ce qui lui permet de «mêler le plaisir d’enseigner et de cultiver de bons légumes», selon ses propres termes. 

Avec ses six collaborateurs, Légumes Perchés reste pour l’heure de taille modeste. Mais voilà, l’entreprise se développe hors de la région lémanique, notamment à Neuchâtel et à Fribourg. Et l’intérêt monte Outre-Sarine où la demande pourrait se révéler plus importante encore qu’en Suisse romande.Thomas Verduyn: «Nous sommes en pleine réflexion sur les investissements nécessaires et l’organisation qui va de pair pour y répondre.» Avec comme boussole, encore et toujours, les objectifs du développement durable et de l’économie circulaire.