Sur les 20 millions de tonnes de PET produites annuellement dans le monde, moins de 10% sont recyclés. On estime que 8 millions de tonnes de plastique, soit l’équivalant en surface de 17 fois la Suisse, finissent dans nos océans chaque année.» C’est sur la base de ce triste constat et avec l’idée d’y remédier que la chimiste canadienne Samantha Anderson a créé l’entreprise DePoly à Sion en février 2020. Depuis, cette start-up, spin-off de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), dont le nom représente une contraction du procédé de «dépolymérisation», suscite un fort intérêt (lire encadré).

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Son objectif est ambitieux: recycler à grande échelle, de manière simple, rapide et peu énergivore, le PET et autres plastiques. «Nous voulons soutenir la cause environnementale tout en diminuant notre dépendance à l’industrie pétrolière pour produire le plastique dont nous avons besoin», résume la directrice de 32 ans. Cette démarche positionne son entreprise de cinq personnes dans l’écologique air du temps, avec une sincérité qui la place aux antipodes des tentatives de greenwashing plus ou moins crédibles pullulant ces dernières années.

«L’idée de trouver un nouveau moyen de recycler le PET m’est venue en 2018, après avoir terminé ma thèse en science des matériaux à Energypolis, alors que je lisais les derniers articles au sujet de la pollution des océans et du sort des animaux marins retrouvés morts sur les plages, le ventre rempli de plastique.» Par curiosité, la jeune femme se renseigne alors sur les méthodes de recyclage actuellement disponibles et les problèmes qu’elles peuvent poser. Elle comprend qu’il y a là un créneau d’innovation. Avec ses deux associés, Christopher Ireland et Bardiya Valizadeh, elle se documente plus en profondeur et constate que les techniques de recyclage du PET – mises sur pied dans les années 1960 – ne conviennent pas à tous les types de PET, nécessitent beaucoup de pression et de chaleur et consomment donc trop d’énergie.

Le trio imagine alors divers procédés alternatifs et les teste sur de petits échantillons de 400 mg. «Sur une telle quantité, il est aisé de voir rapidement ce qui marche ou non», explique-il. Les échecs s’enchaînent mais rapprochent les scientifiques du succès final, lequel survient au bout de seulement six mois d’expérimentations intensives. Sous les yeux de Samantha Anderson, les deux éléments de base constituant le PET, l’acide téréphtalique (PTA) et le monoéthylène glycol (MEG), se séparent clairement. «Et ce à température ambiante dans notre électrolyse à base de quatre produits chimiques durables, utilisés en quantité modérée et qui peuvent pour la plupart se trouver dans des magasins grand public.»

Quatre mois de peaufinage débouchent sur le dépôt d’un brevet. «Notre procédé permet de recycler le PET mais aussi d’économiser 7000 litres de pétrole par tonne traitée, et ensuite de réduire de 66% l’énergie nécessaire à la production de plastique neuf.» La technique a aussi l’avantage de traiter sélectivement le plastique PET des autres plastiques, ce qui restait une lacune majeure des technologies de recyclage actuelles. En outre, le procédé DePoly permet de traiter des plastiques de couleur, multicouches ou souillés par des restes chimiques ou alimentaires.

«L’augmentation du taux de récupération et la possibilité de recycler le PET qui devait auparavant être incinéré sont une vraie opportunité, soutient Pascal Simonetto, directeur de l’association PET-Recycling Schweiz pour la Suisse romande. Pour autant qu’elle puisse être mise à l’échelle industrielle, cette technologie, qui a l’avantage de pouvoir être appliquée à d’autres types de plastiques, peut contribuer à une économie plus durable.» DePoly espère dès 2023 être composée d’une dizaine d’employés, traiter annuellement 10 000 tonnes de PET et générer ainsi 1,3 million de francs de bénéfice net, à condition néanmoins que le ralentissement né de la crise du Covid-19 ne se prolonge pas trop. En attendant, elle compte sur les levées de fonds que son projet suscite, soit plus de 1,3 million de francs en 2020.

L’étape suivante consiste à étendre l’expérience à des échantillons de 50 kg. Elle est actuellement menée de concert avec l’usine de traitement des ordures du Valais central (UTO) basée à Uvrier. L’idée consiste à éliminer les éventuels dysfonctionnements avant de commencer la construction de véritables centrales de recyclage. Pour Samantha Anderson, «cette phase est en bonne voie et pourrait être terminée en fin d’année». Elle inclut le recyclage de contenants mais aussi de vêtements de sport, de chaussures ou encore de matériel de camping. En parallèle, DePoly teste son procédé sur différents matériaux comme le PVC, et s’assure que les nouveaux plastiques recyclés correspondent aux exigences de l’industrie suisse et européenne.

Viendra ensuite l’étape de l’industrialisation. «Une fois qu’elle sera au point, pour chaque tonne de plastique que nous recyclerons, nous économiserons de l’énergie équivalant à un vol de dix passagers entre Londres et New York, l’électricité annuelle utilisée par quatre ménages européens, ou 18 barils de pétrole brûlés, résume Samantha Anderson. Dans l’idéal, il faudrait arrêter d’utiliser du plastique, mais le problème est que la demande de PET augmente de 5% par an. Et je crois donc que cela prendra très longtemps avant que l’on puisse se passer des plastiques à grande échelle. La solution proposée par DePoly devient d’autant plus nécessaire!»

 


L’atout valaisan

En juillet 2019, DePoly décroche le Grand Prix du concours Venture en direct sur la chaîne SRF. Ce nouveau statut de «start-up la plus innovante de Suisse» lui permet aussi d’encaisser un chèque de 150 000 francs. L’entreprise a ensuite gagné plusieurs autres prix: la Fondation  pour l’innovation technologique (FIT) lui accorde un prêt Tech Seed  de 100 000 francs en juin 2020 alors qu’elle remporte à l’automne de la même année le Beauty Tech for Good Challenge organisé par L’Oréal. DePoly intègre dans la foulée la 98e place dans le classement «Swiss startup Award» des 100 meilleures start-up du pays (édité par PME).