«Je sors d’un marathon d’une semaine, entre la finale du Prix Georges Moustaki à Paris et les dernières répétitions du spectacle symphonique donné devant 1500 personnes à Montreux, le vernissage (enfin!) de mon dernier album à l’Auditorium Stravinski. Et puis mon petit chien, adopté hier via une association italienne d’aide aux animaux. Avec maman, on a fait l’aller-retour jusqu’à Milan pour le ramener. Je n’ai pas dormi de la nuit. J’avais besoin de le rassurer.

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Une fatigue saine qui me fait oublier les 20 mois de chômage forcé, contrainte à faire pousser des tomates et à préparer du pain pourri, seule dans mon appartement. Comme tous les artistes, j’ai mal vécu la pandémie. J’ai vraiment besoin d’un public. Je ne suis pas quelqu’un qui se satisfait de deux caméras pour faire du streaming en ligne.

Petit retour en arrière: moi, Fanny Diercksen, 32 ans, je suis devenue Phanee de Pool le dimanche 11 septembre 2016, à 14 h 50. Au lieu de regarder la énième rediffusion de l’effondrement des tours jumelles, j’écrivais une chanson sans avoir l’ambition de me lancer dans la musique. Avec ma guitare, j’ai commencé une mélodie sur mon texte intitulé Luis Mariano. Je trouvais que ça sonnait bien. Sans rien attendre, je poste ce premier morceau sur internet et vais me coucher. Le lendemain matin, je découvre que le morceau totalise un millier d’écoutes. Oups! Je ne comprends pas. Je suis excitée. Mais aussi honteuse d’avoir osé poster ce morceau de mon vrai nom. Celui que je porte encore à ce moment-là sur mon uniforme de police. Car oui, avant de me lancer dans la musique, j’ai travaillé sept ans dans la police. Je n’ai pas eu besoin de choisir. J’ai juste suivi ce destin.

Mais en 2016, je n’assumais pas. Mon âme d’artiste n’est pas policière. Et vice et versa. Quand j’étais flic, j’étais flic. Une flic préventive et sociale. J’avais besoin de bien traiter les gens, de papoter. Je n’ai pas été rentable du tout. Je n’ai pas mis d’amende. Je n’ai jamais eu les quotas qu’il fallait. Mais j’étais flic pleinement, trois doigts levés dans la cathédrale de Berne lors de mon assermentation. Jusqu’au bout, j’ai été droite dans mes bottes. On m’a fait confiance en me remettant une arme. On m’a donné le pouvoir de prendre des décisions pour les gens, de faire basculer des destins. C’est une sacrée responsabilité. J’avais la volonté de prouver que j’étais apte à la fonction. Mais parfois, elle nous fait vivre des situations compliquées. Inconsciemment, le seul moyen de les évacuer était de les mettre en musique.

Ce morceau, Luis Mariano, symbolise peut-être ce trop-plein d’interventions policières. Cette première chanson fut assurément le déclic. Celui qui m’a dit que je pouvais le faire. Troquer le flingue et l’uniforme de l’agent Diercksen contre un micro et le costume de Phanee de Pool.»

 

Mehdi-Atmani
Mehdi Atmani