Alban Aubert est catégorique. La batterie que développe depuis un peu plus de trois ans la Haute Ecole d’ingénierie de Sion (HES-SO) révolutionnera le marché du vélo électrique, en particulier celui du VTT qu’affectionnent les adeptes de longues randonnées. Le freerider neuchâtelois, pilote pour le fabricant bernois Flyer, a une bonne raison de se montrer aussi optimiste: il a testé son prototype au fil des 250 km de la Haute Route séparant Chamonix et Zermatt, avalant au passage 14 000 m de dénivelé positif. Et pour boucler cette boucle, il ne lui a fallu que dix heures de recharge au lieu des septante-cinq nécessaires avec une batterie conventionnelle.

également interessant
 
 
 
 
 
 

«Actuellement, avec le matériel le plus efficient, il faut pratiquement quatre heures pour une recharge de 0 à 100%. Avec cette batterie, on peut donc rouler quasi sans limites. Il suffit de s’arrêter une petite demi-heure pour se désaltérer, récupérer et ça repart!» Alban Aubert assure n’avoir pas constaté de chaleur excessive de la batterie malgré la rapidité du processus. «De plus, si vous arrivez au bout de l’autonomie et qu’il ne vous reste que 20 km à parcourir, il suffit de quelques minutes de recharge pour terminer votre périple.»

Démarrage fin 2018

Tout est parti d’une simple réflexion. «Pour favoriser l’autonomie, les constructeurs produisent des batteries toujours plus lourdes. Je me suis dit qu’il valait mieux avoir des batteries avec moins de capacité, donc plus légères, mais rechargeables beaucoup plus rapidement», explique Nicolas Jordan, ingénieur électricien, professeur de réseau électrique et vététiste en catégorie électrique. Le projet démarre à la fin de 2018, grâce au soutien du groupe valaisan Altis, fournisseur d’énergie verte basé dans la commune de Val de Bagnes, bientôt rejoint par la fondation The Ark, incubatrice de start-up.

Le trio de chercheurs de la HES-SO bénéficie ainsi d’une mise de départ de plus de 200 000 francs mais se trouve rapidement confronté à un problème tout bête. «Il faut savoir que sur un vélo électrique, la batterie est dotée d’une puce électronique qui communique en permanence avec le moteur. Et ce protocole de communication est jalousement gardé par les constructeurs. Bosch a par exemple refusé de nous le donner ou de le neutraliser sur quelques moteurs pour réaliser nos essais.»

1200 francs, le prix de la batterie. Contre environ 700 francs pour une batterie actuelle. Mais une fois produite à grande échelle, le prix devrait rapidement baisser, estime le freerider neuchâtelois.

Avec la collaboration du professeur Joseph Moerschell, spécialiste de l’électronique de puissance, et de Serge Amoos, collaborateur scientifique chargé de la gestion et de l’intégration des batteries, Nicolas Jordan réussit finalement à contourner l’obstacle en bricolant un moteur, puis en se retournant sur le moteur du grand constructeur chinois Bafang, lequel n’est pas doté de cette protection.

Rupture de stock

Un premier prototype fonctionnel est présenté et testé avec succès à l’occasion de l’E-Bike Festival de Verbier, en 2019. Deuxième problème majeur à résoudre, afin d’éviter de trimbaler un chargeur encore assez lourd dans son sac à dos: les stations devront équiper leurs parcours de bornes de recharge rapide, comme pour les voitures. «Ce qui serait un bel atout touristique pour elles», poursuit l’ingénieur sédunois, avant de confier: «En parallèle de notre batterie, nous développons également un chargeur rapide léger que nous espérons pouvoir intégrer au vélo.» Pour Nicolas Jordan, le prix de sa batterie révolutionnaire devrait tourner autour de 1200 francs, contre environ 700 francs pour une batterie actuelle. «Mais produites à grande échelle, le prix devrait rapidement s’égaliser.»

Si le potentiel de la technologie valaisanne n’est plus à démontrer, le pari de ses géniteurs n’est pas gagné pour autant. Et pour cause. «Nous avons cinq vélos en test à l’Office du tourisme de Sierre depuis le mois de mai, mais, pour réellement avancer, il faudrait en avoir entre 20 et 30 en circulation. Or tous les fabricants étaient en rupture de stock. Une situation qui pourrait bien rendre difficile la mise en place d’une première offre touristique à Verbier ou faire manquer l’étape de la Stoneman Glaciara (127 km et 4700 m de dénivellation) en vallée de Conches. Plus que sa technologie, c’est cette pénurie qui bloque l’avancement de notre projet», se lamente Nicolas Jordan, désormais engagé dans une cruciale et cruelle course contre la montre…