Dans une économie en constante évolution, l’innovation est un enjeu incontournable pour les PME qui souhaitent maintenir et renforcer leur compétitivité. Que l’on parle de haute technologie, de commerce, d’artisanat, d’industrie ou de tourisme, ces entreprises doivent rester agiles et être capables en permanence de faire évoluer leur modèle d’affaires.
«Beaucoup d’aides existent pour les start-up en matière de soutien à l’innovation, mais les PME qui ne sont pas actives dans la technologie et les industries de pointe ont moins facilement accès à des accompagnements, indique Raphaël Conz, responsable de l’Unité Entreprise au Service de la promotion de l’économie et de l’innovation (SPEI). C’est ce que nous désirons leur proposer au travers du programme InnoPME.»
Initié par le SPEI et la société vaudoise Strategyzer, celui-ci peut compter sur le soutien de plusieurs partenaires stratégiques: la BCV, la CVCI, le Centre patronal, Innovaud, les associations régionales de développement économique, ainsi que l’EHL et le magazine PME.
Au départ, ce programme est né d’une rencontre entre le SPEI, dont l’une des missions est de soutenir la création et le développement des entreprises dans le canton de Vaud, et Strategyzer, leader mondial dans le domaine de l’innovation d’entreprise. En effet, son fondateur, Alex Osterwalder, a créé avec Yves Pigneur - professeur honoraire à l’Université de Lausanne - divers outils et méthodes de soutien à l’innovation, en particulier le «business model canvas» (ou canevas de modèle d’affaires) qui est aujourd’hui utilisé par des millions d’entrepreneurs et dirigeants à travers le monde.
Ils nous expliquent ce qu’innover veut dire aujourd’hui et exposent quelques-unes de leurs méthodes, dont le programme InnoPME.
L’innovation est un terme de plus en plus souvent galvaudé. Qu’entend-t-on exactement à travers cette dénomination en ce qui concerne les entreprises?
Alex Osterwalder: Il y a beaucoup de mythes autour de ce terme. Lorsqu’on parle d’innovation, on pense souvent à la technologie, mais ce n’est pas toujours le cas. Il peut s’agir d’un soutien ou d’un moyen de créer de la valeur pour le client, l’entreprise, les employés ou pour la société dans son ensemble. Il s’agit de créer de la valeur autrement, à travers de nouveaux business models, des nouvelles propositions de valeurs, ou de nouvelles méthodes de gestion. La technologie peut aider, mais ce n’est pas indispensable.
Yves Pigneur: On parle parfois de «business R&D», par opposition à la R&D (Recherche et Développement) classique. On se focalise sur la recherche de nouveaux modèles d’affaires avec ses nouvelles propositions de valeur plutôt qu’uniquement sur la technologie et les produits.
A.O.: Les entreprises pharmaceutiques sont un bon exemple. Elles sont très douées pour le R&D, mais d’autres défis se posent à elles. Si elles créent par exemple un vaccin, qui remplace des médicaments grâce auxquels elles ont gagné beaucoup d’argent durant des décennies, elles sont confrontées à un problème de tarification et doivent innover pour amener ce nouveau remède sur le marché. Ce type de défis touche à la survie même des entreprises et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’innovation qui permet de les résoudre ne coûte pas forcément cher. C’est ce que nous voulons montrer avec le programme InnoPME.
Y.P.: Aujourd’hui, l’innovation est d’autant plus importante que nous traversons une période troublée, où les choses s’accélèrent et ralentissent très rapidement. Il s’agit donc d’innover, ne serait-ce que pour remplacer des affaires déclinantes. Les crises et leur succession forcent à l’innovation.
En période de crise, beaucoup de dirigeants pensent avant tout à la manière de gérer au mieux leur entreprise. Comment peuvent-ils intégrer l’innovation dans leurs projets?
A.O.: Gérer une entreprise et innover sont deux choses différentes. Dans l’innovation, on est plus proches de l’entreprenariat, il faut tester des idées et les adapter jusqu’à ce que l’on puisse investir en étant sûrs que cela va marcher. Ce n’est pas une compétence qui existe forcément en tant que telle dans les entreprises. A travers notre programme, nous souhaitons les aider à développer cet état d’esprit. Nos ateliers permettent aux équipes de tester et adapter leurs idées avant de les valider. Il s’agit de développer une culture d’innovation à côté de la culture d’exécution et de gestion. C’est accessible à tous les types et tailles d’entreprises.
Y.P.: Contrairement à une gestion de projets traditionnelle, la logique dans l’innovation est de réduire l’incertitude liée à la gestion des projets, grâce notamment à différentes techniques de test.
A.O.: Lorsque l’on a une idée nouvelle, traditionnellement on pense qu’il faut la décliner en montrant des perspectives de croissance. Le problème est que l’on va affiner cette idée, puis l’implémenter, ce qui augmente le risque. En ce sens, le business plan est l’ennemi de l’innovation. En fait, il faudrait faire le contraire. Au départ, on doit se dire que le risque est très élevé et admettre qu’on ne sait pas si cela va marcher. Avec des outils appropriés, on va pouvoir réduire constamment le risque. Par exemple, il est indispensable de parler au client pour comprendre le problème qu’il veut résoudre, puis faire des prototypes par écrit et les lui confronter. Peu à peu, on peut ainsi augmenter les investissements dans l’idée, tout en réduisant le risque.
Y.P.: Il faut aussi être prêt à arrêter un projet si l’on n’obtient pas les évidences nécessaires. C’est une décision difficile à prendre. Sachant que certains projets vont devoir être arrêtés, il convient de gérer un portefeuille de projets pour garantir que certains modèles d’affaires vont pouvoir être lancés en exploitation.
A.O.: L’innovation et l’exécution sont deux cultures très différentes. Lorsqu’on exécute, on n’a pas le droit d’échouer. Dans l’innovation, nous conseillons de faire un point après douze semaines pour voir quels projets il faut arrêter ou au contraire conserver.
En quoi consiste concrètement le programme InnoPME et combien coûte-t-il pour les entreprises?
A.O.: Le programme comprend deux parties. Une masterclass, qui consiste en deux jours de formation et le sprint, où l’un de nos coachs accompagne la PME durant dix à douze semaines dans son projet d’innovation (Strategyzer compte une cinquantaine d’employés dans une quinzaine de pays, sans compter les coachs qui gravitent autour de la société vaudoise, ndlr.). Au total, le programme coûte un peu moins de 200 000 francs. Le soutien des partenaires permet de couvrir 2/3 des coûts. Le solde est couvert par les PME qui doivent payer 990 francs pour participer à la masterclass et 2500 francs pour participer à un sprint d’innovation. Nous utilisons aussi cette méthode pour de grandes firmes internationales. Notre objectif est de la rendre accessible et facile à utiliser pour toutes les PME.
Les outils que vous avez développés, notamment le business canevas, sont nés dans le canton de Vaud suite à vos travaux à l’Université de Lausanne. Pourriez-vous nous en dire davantage sur leur genèse, ainsi que sur leur succès au niveau mondial?
Y.P.: Avec Alex, qui était mon doctorant à l’UNIL, nous nous sommes très vite rendu compte que le business plan n’était pas un bon outil pour raconter l’histoire d’une entreprise. C’est ainsi que nous avons créé le «Business Model Canvas» et ses neuf composants. Nous l’avons toujours gardé en open source et il a été téléchargé des millions de fois. Il continue à être téléchargé par des milliers de personnes chaque année. Selon une étude canadienne, aujourd’hui 80% des incubateurs dans le monde l’utilisent. Cela veut dire qu’à peu près tous les entrepreneurs juniors recourent à cet outil lorsqu’ils lancent leur start-up. Il est aussi de plus en plus employé dans les PME et les multinationales.
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